Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation v Commissioners of Inland Revenue and Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:538
Docket NumberC-362/12
Celex Number62012CC0362
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 September 2013
62012CC0362

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 5 septembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑362/12

Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation

contre

Commissioners of Inland Revenue,

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court of the United Kingdom (Royaume-Uni)]

«Récupération de taxes nationales contraires au droit de l’Union — Délais de recours — Législation nationale réduisant le délai avec effet rétroactif et sans préavis»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle constitue la troisième demande de décision préjudicielle adressée à la Cour dans le cadre d’un recours collectif introduit devant les juridictions du Royaume-Uni par les Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation (ci‑après les «Test Claimants»), composés des sociétés du groupe British American Tobacco et du groupe Aegis, qui porte sur le traitement fiscal des dividendes versés à des sociétés mères établies au Royaume-Uni par des filiales de leurs groupes établies à l’étranger.

2.

La première des deux précédentes demandes a été introduite à la Cour le 30 octobre 2004 par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), et portait sur l’incompatibilité de ce traitement fiscal de dividendes avec les libertés fondamentales inscrites dans le traité FUE ( 2 ). À la suite du premier arrêt rendu par la Cour dans cette affaire, le 12 décembre 2006, ladite juridiction a par, son arrêt du 27 novembre 2008, décidé de poser des questions de clarification sur l’interprétation du premier arrêt de la Cour dans cette affaire ( 3 ).

3.

Cet arrêt a été attaqué par les Test Claimants devant la Court of Appeal (England & Wales) qui, par son arrêt du 23 février 2010 ( 4 ), confirma la décision de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, de saisir la Cour d’une deuxième demande de décision préjudicielle. Cela fut fait le 21 janvier 2011 et la Cour y répondit par son arrêt du 13 novembre 2012 ( 5 ).

4.

Entre-temps, l’arrêt de la Court of Appeal (England & Wales) susmentionné avait fait l’objet d’un appel par les Test Claimants devant la Supreme Court of the United Kingdom sur le point de la disponibilité des voies de recours en restitution de l’indu ouvertes aux contribuables à l’égard de taxes déclarées incompatibles avec les libertés fondamentales inscrites dans le traité et, plus particulièrement, de la modification rétroactive des délais de prescription applicables à ces recours par l’article 320 de la loi de finances de 2004 (Finance Act 2004) et l’article 107 de la loi de finances de 2007 (Finance Act 2007). Les Test Claimants contestaient que la Court of Appeal (England & Wales) ait déclaré forclos les recours en restitution de la taxe contraire au droit de l’Union qu’ils avaient dès lors indûment payée au fisc britannique.

5.

Dans son arrêt du 23 mai 2012, la Supreme Court of the United Kingdom a unanimement jugé que l’article 107 de la loi de finances de 2007 était incompatible avec le droit de l’Union mais s’est divisée sur la question de la compatibilité avec le droit de l’Union de la modification rétroactive et sans préavis des délais de prescription opérée par l’article 320 de la loi de finances de 2004. Cinq lords (Lord Hope, Lord Walker, Lord Clarke, Lord Dyson et Lord Reed) ont jugé cette modification contraire au droit de l’Union alors que deux de leurs collègues (Lord Brown et Lord Sumption) se sont prononcés en faveur de la compatibilité de ladite modification ( 6 ). La Supreme Court of the United Kingdom a donc décidé de surseoir à statuer et d’introduire la présente demande de décision préjudicielle.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

6.

L’article 19, paragraphe 1, TUE prévoit à son deuxième alinéa:

«Les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union.»

7.

La présente affaire pose également la question de l’application des principes d’effectivité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, tels qu’ils ressortent de la jurisprudence de la Cour ( 7 ).

B – Le droit national

8.

Le groupe multinational Aegis, actif dans le domaine des médias et des communications numériques, dont la société faîtière est établie au Royaume-Uni, avait introduit le 8 septembre 2003, devant les juridictions anglaises, une demande de remboursement de taxes que la Cour avait déclarées incompatibles avec les libertés fondamentales inscrites dans le traité.

9.

Dans son arrêt Test Claimants FII (no 3), la majorité de la Supreme Court of the United Kingdom a jugé que, au moment où les sociétés du groupe Aegis avaient déposé leur recours, c’est-à-dire le 8 septembre 2003, il y avait à la disposition des requérants deux voies de recours de «common law» en restitution d’impôts sur les sociétés non conformes au droit de l’Union ( 8 ).

10.

La première voie de recours avait été reconnue dans un contexte purement national, bien avant l’engagement du présent litige, par la House of Lords dans son arrêt rendu, le 20 juillet 1992, dans l’affaire Woolwich ( 9 ) (ci-après le «recours Woolwich»). Cette voie de recours permettait la restitution de «toutes les sommes versées à une autorité publique en application d’une exigence légale apparente imposant de payer une taxe (en entretenant un lien causal suffisant avec celle-ci) qui (en fait et en droit) n’était pas due légalement» ( 10 ).

11.

En vertu de l’article 5 de la loi de 1980 sur la prescription (Limitation Act 1980), le délai de prescription du recours Woolwich est de six ans à compter de son fait générateur, qui est en principe le paiement de la taxe.

12.

La deuxième voie de recours en restitution s’applique lorsque des taxes ont été versées à la suite d’une erreur de droit ou de fait du contribuable. Cette voie de recours avait été reconnue pour la première fois dans l’arrêt rendu par la House of Lords, le 29 octobre 1998, dans l’affaire Kleinwort Benson ( 11 ), qui avait renversé une ancienne jurisprudence selon laquelle les sommes versées dans le cadre d’une erreur de droit ne pouvaient faire l’objet d’un remboursement (ci-après le «recours Kleinwort Benson»).

13.

Dans sa décision du 18 juillet 2003 dans l’affaire Deutsche Morgan Grenfell ( 12 ), le juge Park, de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a jugé pour la première fois que le recours Kleinwort Benson pouvait être utilisé pour obtenir la restitution d’un impôt payé à la suite d’une erreur de droit.

14.

En conséquence, le juge Park a considéré que le délai de prescription applicable à ce recours était le délai de prescription plus favorable, prévu à l’article 32, paragraphe 1, sous c), de la loi de 1980 sur la prescription, selon lequel:

«[…] lorsque dans le cas des recours pour lesquels le délai de prescription est établi par la présente loi, [et que]

[…]

(c)

le recours est pour la réparation des conséquences d’une erreur

le délai de prescription ne commence à courir qu’au moment où le requérant a découvert […] l’erreur […] ou aurait pu la découvrir en faisant preuve d’une diligence raisonnable».

15.

Le 4 février 2005, la Court of Appeal (England & Wales) a annulé l’arrêt du juge Park, mais la House of Lords l’a rétabli le 25 octobre 2006 en affirmant que les contribuables pouvaient recourir tant au recours Woolwich qu’au recours Kleinwort Benson afin de réclamer la restitution de l’impôt indûment payé.

16.

Les deux voies de recours se différenciaient, entre autres, par leur délai de prescription. Le délai de six ans du recours Woolwich commençait à courir au moment du paiement de l’impôt en question tandis que le délai de six ans du recours Kleinwort Benson ne commençait à courir qu’à partir du moment où le requérant avait découvert ou devait avoir découvert son erreur.

17.

Entre-temps, le Parlement avait adopté la loi de finances de 2004 dont l’article 320, paragraphe 1, prévoit:

«L’article 32, paragraphe 1, point c), de la loi de 1980 sur la prescription […] (délai prolongé pour former un recours en cas d’erreur) ne s’applique pas s’agissant d’une erreur de droit relative à une question fiscale relevant de la compétence des Commissioners of Inland Revenue.

Cette disposition s’applique aux actions introduites à compter du 8 septembre 2003.»

18.

En 2007, le Parlement a adopté la loi de finances de 2007 dont l’article 107 a supprimé rétroactivement le délai de prescription prolongé pour tous les recours fondés sur une erreur qui avaient été introduits avant le 8 septembre 2003.

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

19.

Au cœur du litige au principal introduit par les sociétés du groupe Aegis devant la juridiction de renvoi se trouve l’impôt anticipé sur les sociétés («advance corporation tax», ci-après l’«ACT») qui était en vigueur au Royaume-Uni de 1973 à 1999. De façon générale, l’ACT était un impôt sur le bénéfice des sociétés payable anticipativement par une société dès qu’elle procédait au paiement d’un dividende. Néanmoins, le droit anglais prévoyait une exception à cette obligation si la société payant le dividende et la société mère avaient opté pour l’imposition de groupe. Dans ce cas, elles étaient traitées aux fins de l’ACT comme une seule société et l’ACT était dû non plus par la filiale, mais par la société mère, dès que celle-ci procéderait à son tour à une distribution de dividendes...

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