Volker Sonntag v Hans Waidmann, Elisabeth Waidmann and Stefan Waidmann.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1992:487
Docket NumberC-172/91
Celex Number61991CC0172
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date02 December 1992
EUR-Lex - 61991C0172 - FR 61991C0172

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 2 décembre 1992. - Volker Sonntag contre Hans Waidmann, Elisabeth Waidmann et Stefan Waidmann. - Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne. - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Interprétation des articles 1er, 27 et 37. - Affaire C-172/91.

Recueil de jurisprudence 1993 page I-01963


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Par les questions qu' il vous adresse, le Bundesgerichtshof vous invite à vous prononcer sur l' interprétation des articles 1er, première phrase, 27, point 2, et 37, paragraphe 2, de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l' exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention d' adhésion de 1978 (1) (ci-après "convention").

2. Les faits à l' origine du litige au principal sont les suivants.

3. Thomas Waidmann, élève d' une école publique du Land Baden-Wuerttemberg, a été victime d' une chute mortelle survenue le 8 juin 1984 au cours d' une excursion scolaire en Italie. L' enseignant accompagnateur, M. Volker Sonntag, fonctionnaire allemand, a été directement cité par les autorités italiennes devant le tribunal répressif de Bolzano pour homicide par imprudence.

4. Le 22 septembre 1986, les parents et le frère de la victime se sont constitués partie civile par acte judiciaire signifié le 16 février 1987 au prévenu, afin d' obtenir, devant ce tribunal, réparation tant du pretium doloris que du dommage matériel.

5. Le 25 janvier 1988, lors de l' audience correctionnelle au fond, au cours de laquelle M. Sonntag était représenté par un avocat, les parties civiles ont déposé des conclusions afin d' obtenir une provision d' un montant de 20 millions de LIT ainsi que le remboursement des dépens.

6. Aux termes d' un jugement rendu le même jour, M. Sonntag a été reconnu coupable d' homicide involontaire et condamné à verser la provision réclamée.

7. Le jugement lui a été signifié et, à défaut d' appel, est désormais passé en force de chose jugée.

8. Le Landgericht Ellwangen a apposé, le 29 septembre 1989, à la demande des créanciers, la formule exécutoire sur cette décision, dans ses dispositions civiles.

9. Sur le fondement de l' article 36 de la convention, M. Sonntag a fait opposition à l' ordonnance d' exequatur et a appelé, dans le cadre de cette procédure, le Land Baden-Wuerttemberg en déclaration de jugement commun, afin d' être exonéré de son obligation de réparation, celle-ci pesant statutairement, selon lui, sur le Land qui l' employait.

10. L' Oberlandesgericht a rejeté le recours estimant que le jugement de Bolzano relevait de la matière civile au sens de l' article 1er, première phrase, de la convention.

11. Saisi en vertu de l' article 37, paragraphe 2, de la convention par M. Sonntag et le Land, le Bundesgerichtshof vous pose quatre questions préjudicielles dont le texte figure dans le rapport d' audience (2) et qui tendent en substance à vous voir dire:

- si un tiers y ayant intérêt peut exercer le recours prévu à l' article 37, paragraphe 2, de la convention, dès lors que le droit interne de l' État d' exécution lui permet de contester la décision en cause;

- si ressort de la "matière civile" au sens de l' article 1er, première phrase, de la convention, l' action en réparation dirigée contre un agent public ayant occasionné, en violation des devoirs de sa charge, un préjudice à autrui, et ce même en cas de garantie par un régime d' assurance sociale de droit public;

- si doit être considéré comme un "acte introductif d' instance", au sens de l' article 27, point 2, de la convention, l' acte qui, tout en informant le défendeur de l' existence d' une demande en dommages-intérêts, n' en précise pas le montant;

- si un défendeur, objet d' une action civile jointe à l' action publique - hypothèse prévue à l' article 5, point 4, de la convention - doit être considéré comme ayant régulièrement comparu, au sens de l' article 27, point 2, précité, lorsque, lors de l' audience au fond et par l' intermédiaire de son défenseur, il a pris position sur l' action publique mais non sur l' action civile, laquelle a fait l' objet de débats oraux en présence du conseil.

12. Il convient de déterminer en priorité la nature de l' action exercée par la famille de la victime devant la juridiction pénale à l' encontre d' un agent de l' État. De la réponse à cette question dépend, en effet, l' applicabilité éventuelle de la convention aux faits litigieux. Nous commencerons donc par la deuxième question.

13. En vertu de son article 1er, la convention s' applique en matière civile "quelle que soit la nature de la juridiction". Il s' ensuit que cette nature ne peut servir de critère et que le champ d' application de la convention inclut les dispositions civiles d' un jugement rendu par une juridiction pénale.

14. Même si elle se greffe sur une instance pénale, l' action civile exercée en réparation du dommage causé par un délit pénal n' en conserve pas moins son caractère civil. En conséquence, la décision rendue par la juridiction répressive pourra, dans ses dispositions civiles, être reconnue et exécutée sur le territoire des autres États contractants.

15. Le rapport de M. Jenard (3) confirme que les rédacteurs de la conventionont expressement entendu soumettre ce type d' action à son champ d' application.

"La matière des actions civiles portées devant les tribunaux répressifs entre dans le champ d' application de la convention tant en ce qui concerne le règlement de la compétence que la reconnaissance et l' exécution des jugements rendus à la suite de telles actions par les tribunaux répressifs." (4)

16. C' est d' ailleurs ce qui résulte de l' article 5, point 4, de la convention, qui dispose:

"Le défendeur domicilié sur le territoire d' un État contractant peut être attrait dans un autre État contractant ... s' il s' agit d' une action en réparation de dommage ou d' une action en restitution fondées sur une infraction, devant le tribunal saisi de l' action publique, dans la mesure où, selon sa loi, ce tribunal peut connaître de l' action civile".

17. Mais les règles de compétence sont-elles les mêmes lorsque, tel le requérant au principal, l' auteur du dommage est "titulaire d' une charge publique"? Sommes-nous encore en "matière civile"? Ou sommes-nous dans la matière administrative qu' exclut l' article 1er de la convention?

18. Cet article délimite de manière positive et négative le champ d' application matériel de la convention:

"La présente convention s' applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature civile ou commerciale de la juridiction. Elle ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives...".

19. Mais l' article 1er ne définit pas la notion de "matière civile". Une telle méthode n' est d' ailleurs pas propre à la convention de Bruxelles. Elle est commune à de nombreux traités multilatéraux et même bilatéraux.

20. Alors même qu' il est rare, dans un cadre bilatéral, de dresser la liste exhaustive des matières relevant du droit civil ou commercial, une telle approche était encore moins concevable dans le cadre plus vaste formé par l' ensemble des États signataires, en raison de la diversité de leurs systèmes juridiques.

21. La particularité de cette convention résulte toutefois de son lien avec le traité CEE qui doit également permettre d' établir des "relations plus étroites entre les États qu' elle réunit" (5).

22. Il est donc nécessaire, afin de parvenir à une application uniforme des règles de compétence dans les États contractants et, ce faisant, maintenir une cohésion dans l' interprétation du droit, de dégager une notion autonome des matières relevant du droit privé. A cet égard, votre jurisprudence a, sans conteste, été extrêmement novatrice.

23. C' est ainsi que, dans l' arrêt LTU/Eurocontrol (6), vous avez dit pour droit:

"Il y a lieu de considérer la notion visée comme une notion autonome qu' il faut interpréter en se...

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