Giulia Pugliese v Finmeccanica SpA, Betriebsteil Alenia Aerospazio.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:511
Date19 September 2002
Celex Number62000CC0437
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-437/00
EUR-Lex - 62000C0437 - FR 62000C0437

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 19 septembre 2002. - Giulia Pugliese contre Finmeccanica SpA, Betriebsteil Alenia Aerospazio. - Demande de décision préjudicielle: Landesarbeitsgericht München - Allemagne. - Convention de Bruxelles - Article 5, point 1 - Tribunal du lieu d'exécution de l'obligation contractuelle - Contrat de travail - Lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail - Premier contrat fixant le lieu de travail dans un État contractant - Second contrat conclu en référence au premier et en exécution duquel le travailleur accomplit son travail dans un autre État contractant - Premier contrat suspendu pendant l'exécution du second. - Affaire C-437/00.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-03573


Conclusions de l'avocat général

1. La présente affaire a trait à la question de la juridiction compétente en application de l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles lorsqu'un employé est recruté par une société A vraisemblablement pour travailler dans un État contractant, mais que le contrat de travail est immédiatement suspendu pour lui permettre de travailler pour une société affiliée B dans un autre État contractant, la société A s'étant engagée à payer certains frais pour la durée du second contrat de travail, et lorsque l'employé intente une action à l'encontre de la société A sur la base des contrats conclus avec cette dernière.

2. Le Landesarbeitsgericht München (Allemagne) souhaite dans ces circonstances savoir

i) quel est le lieu «où l'employé exerce habituellement son travail» aux fins de la disposition en question et

ii) si les juridictions du second État contractant pourraient baser leur compétence sur le fait qu'il s'agissait du lieu de l'exécution de l'obligation de payer les frais convenus.

Contexte factuel et procédure

3. Mme Pugliese, dont la famille réside à Rome, a été engagée par la société Aeritalia Aerospaziale Italiana (ci-après «Aeritalia») - faisant maintenant partie du groupe Finmeccanica SpA (ci-après «Finmeccanica»), le défendeur - pour travailler dans son établissement de Turin, Italie, à partir du 17 janvier 1990.

4. Il ressort toutefois que Mme Pugliese n'a jamais travaillé à Turin. Dans le cadre de deux contrats conclus avec Eurofighter Jagdflugzeug GmbH (ci-après «Eurofighter», un consortium dans lequel Aeritalia était et Finmeccanica est désormais associé à la hauteur d'environ 20 %) et d'un autre accord conclu avec Aeritalia, tous conclus en janvier 1990, son emploi avec Aeritalia a été suspendu «tel que convenu» pour une période d'au moins trois ans et elle a occupé un poste à Munich, Allemagne, dans la société Eurofighter à partir du 1er février 1990. Selon Mme Pugliese, cet arrangement a été passé dans le cadre d'un accord en vertu duquel les associés d'Eurofighter mettent du personnel à sa disposition.

5. Dans le cadre de l'accord suspendant l'emploi de Mme Pugliese auprès de la société Aeritalia, cette dernière s'est également engagée à prendre en charge le versement des cotisations au titre de l'assurance volontaire en Italie, à lui rembourser deux voyages aller et retour par an de Munich à l'aéroport le plus proche de son domicile en Italie et à lui reconnaître à son retour une ancienneté correspondant à la durée de son activité à l'étranger. Ses obligations à l'égard d'Eurofighter pouvaient être interrompues en cas de changement de programme, d'expiration de la période convenue ou pour des raisons personnelles par accord entre les trois parties. Cependant, si elle souhaitait interrompre de manière unilatérale son emploi avec Eurofighter, Aeritalia ne serait aucunement dans l'obligation de la réintégrer. Le contrat de travail, pas plus que l'accord le suspendant, ne contenait de clause de droit applicable ou d'élection de for.

6. Il ressort que Aeritalia s'est également engagée à payer à Mme Pugliese une allocation de logement ou à prendre à sa charge les coûts de location d'un logement à Munich pour la durée de sa mission. La société Aeritalia a en l'occurrence loué un appartement à Munich à partir du 1er mars 1990 qu'elle a mis à la disposition de Mme Pugliese.

7. En vertu du contrat de travail la liant à Eurofighter, cette dernière était tenue de payer à Mme Pugliese son salaire ainsi que d'autres primes. Elle était tenue de payer les contributions sociales et fiscales en Allemagne, le contrat était soumis au droit allemand et les juridictions compétentes en cas de litige étaient celles de Munich. Il est également fait référence à une allocation de loyer mensuel à convenir «entre vous et votre société d'origine».

8. Mme Pugliese a travaillé pour Eurofighter à Munich au-delà de la période minimale initiale de trois ans. En novembre 1995 toutefois, Finmeccanica l'a informée que la suspension de son contrat s'achèverait le 29 février 1996 et qu'elle serait employée à Turin à partir du 1er mars. Elle a répondu en demandant à être employée à Rome pour des raisons personnelles et familiales. Dans l'impossibilité d'accéder à cette requête, Finmeccanica a prolongé la suspension de son contrat pour trois mois supplémentaires après lesquels elle a cessé de payer le loyer de son logement à Munich. Mme Pugliese a dès lors payé elle-même le loyer.

9. Sur demande répétée de Mme Pugliese de travailler à Rome plutôt qu'à Turin, Finmeccanica a accepté de prolonger la suspension à plusieurs reprises et finalement jusqu'au 30 juin 1998, mais ne lui a pas payé son loyer pas plus qu'elle ne lui a remboursé des frais de voyage à partir du 1er janvier 1996.

10. Lorsqu'elle ne s'est pas présentée au travail à Turin en juillet 1998, Finmeccanica a dans un premier temps pris des mesures disciplinaires (deux mises à pied et un avertissement) et, par lettre du 7 septembre 1998, a ensuite résilié le contrat de travail.

11. Mme Pugliese a continué et continue encore peut-être de travailler pour Eurofighter.

12. Le différend opposant Mme Pugliese et Finmeccanica sur les modalités de son retour a donné lieu à deux séries de procédures devant les juridictions munichoises que Mme Pugliese considère compétentes.

13. En premier lieu, elle a intenté une action devant l'Arbeitsgericht en vue d'obtenir le remboursement de son loyer et des frais de voyage à compter du 1er juin 1996. Cette demande a été formée le 9 février 1998 mais n'a été notifiée à Finmeccanica que le 4 septembre 1998. Le 20 août 1998, l'objet de cette demande a été étendu à une contestation des mesures disciplinaires.

14. En second lieu, à la suite de la résiliation du contrat par Finmeccanica le 7 septembre 1998, elle a intenté une action séparée devant la même juridiction pour contester son licenciement.

15. Les deux actions ont été rejetées en première instance sur la base d'un défaut de compétence internationale de l'Arbeitsgericht et Mme Pugliese a interjeté appel dans les deux cas. Deux chambres différentes de la juridiction de renvoi ont connu de ces deux appels. La chambre saisie de l'appel dans la première affaire a formulé la présente demande de décision préjudicielle alors que la chambre saisie de la seconde affaire a rejeté la demande sans renvoi préjudiciel. Cependant, il ressort de ce qui a été dit à l'audience que la seconde affaire n'est pas clôturée et qu'une décision définitive peut dépendre de l'interprétation donnée par la Cour dans la présente affaire.

16. Les questions sur lesquelles la juridiction de renvoi souhaite une réponse sont les suivantes:

«1) Dans un litige opposant une ressortissante italienne et une société de droit italien dont le siège est en Italie ayant pour origine un contrat de travail conclu entre elles et qui définit la ville de Turin comme lieu de travail, la ville de Munich constitue-t-elle le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens de l'article 5, point 1, deuxième membre de phrase, de la convention de Bruxelles lorsque, sur la demande de la salariée, le contrat de travail est, dès le début de son exécution, suspendu pour une durée provisoire pour mise en disponibilité, la salariée occupant pendant cette période un emploi pour une société de droit allemand à son siège de Munich, avec l'autorisation de l'employeur italien mais sur la base d'un contrat de travail autonome, pour la durée duquel l'employeur italien s'engage à mettre à disposition un appartement à Munich ou à assumer les coûts d'un tel appartement ainsi que les frais correspondants à deux voyages annuels de Munich au pays d'origine?

2) En cas de réponse négative à la première question, la salariée peut-elle, dans le cadre d'un litige l'opposant à son employeur italien fondé sur son contrat de travail et visant à obtenir le paiement des frais de loyer et des frais correspondant aux deux voyages annuels vers le pays d'origine, invoquer la compétence des juridictions du lieu d'exécution, en application de l'article 5, point 1, premier membre de phrase, de la convention de Bruxelles?»

17. Des...

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