Criminal proceedings against Jean-Claude Arblade and Arblade & Fils SARL (C-369/96) and Bernard Leloup, Serge Leloup and Sofrage SARL (C-376/96).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:318
Date25 June 1998
Celex Number61996CC0369
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-376/96,C-369/96
EUR-Lex - 61996C0369 - FR 61996C0369

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 25 juin 1998. - Procédures pénales contre Jean-Claude Arblade et Arblade & Fils SARL (C-369/96) et Bernard Leloup, Serge Leloup et Sofrage SARL (C-376/96). - Demandes de décision préjudicielle: Tribunal correctionnel de Huy - Belgique. - Libre prestation des services - Déplacement temporaire de travailleurs pour l'exécution d'un contrat - Restrictions. - Affaires jointes C-369/96 et C-376/96.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-08453


Conclusions de l'avocat général

1 Le tribunal correctionnel de Huy en Belgique a demandé à la Cour d'interpréter les articles 59 et 60 du traité CE afin de pouvoir résoudre deux litiges dont il a été saisi sur plainte de l'Inspection du travail belge. Ces plaintes étaient dirigées contre deux entreprises françaises accusées d'avoir enfreint certaines dispositions du droit du travail belge. Il s'agit, en particulier, d'apprécier si le droit communautaire fait obstacle à ce qu'un État membre oblige les entreprises établies dans un autre État membre qui envoient des travailleurs sur son territoire afin d'y effectuer une prestation de services à respecter les règles du droit national relatives à la tenue et à la conservation des documents sociaux des travailleurs et au respect des barémiques minimums en matière salariale, dispositions qui ont pour objet de protéger les travailleurs et de lutter contre le travail au noir, lorsque ces entreprises sont déjà soumises à des obligations identiques ou similaires dans leur État membre d'établissement au titre des mêmes travailleurs et pour la même période d'activité.

I - Les faits des litiges au principal

2 Il résulte des pièces du dossier qu'en 1990, la Sucrerie tirlemontoise de Wanze en Belgique a signé avec la société française Atelier de construction métallique du bocage (ACMB) un contrat conformément auquel celle-ci devait lui livrer un complexe de silos de stockage pour sucre blanc cristallisé d'une capacité de 40 000 tonnes. La société ACMB a sous-traité le montage des constructions métalliques de ce complexe à diverses sociétés, notamment à la société SARL Sofrage (ci-après «Sofrage») et à la société BSI, qui a elle-même sous-traité à Arblade et fils SARL (ci-après «Arblade»).

Pour l'exécution de leurs contrats respectifs, Arblade a dépêché dix-sept travailleurs à Wanze à deux reprises pour des périodes de six mois environ chacune et Sofrage y a envoyé neuf travailleurs à quatre reprises pour des périodes de cinq à huit mois chacune.

3 Au cours de l'année 1993, les services de l'Inspection du travail belge ont demandé aux sociétés Arblade et Sofrage de produire les différents documents prévus par la législation sociale belge. Ni l'une ni l'autre ne se sont exécutées, estimant qu'elles n'étaient pas tenues de le faire parce que les travailleurs qui prestaient leurs services en Belgique demeuraient soumis aux lois sociales françaises. Considérant au contraire que ces entreprises devaient s'acquitter des obligations imposées par le droit belge, l'Inspection du travail a déposé une plainte contre elles.

A - La plainte contre M. Arblade et l'entreprise Arblade

4 Le ministère public accuse M. Jean-Claude Arblade et l'entreprise Arblade, l'un et l'autre domiciliés en France, d'avoir commis différentes infractions à Wanze et en d'autres lieux de l'arrondissement judiciaire de Huy entre le 1er janvier et le 31 mai 1992 ainsi qu'entre le 26 avril et le 15 octobre 1993. Il est reproché à M. Arblade, en sa qualité d'employeur, de préposé ou de mandataire:

- d'avoir omis de conserver les documents sociaux (registre du personnel et compte individuel), à défaut de siège social en Belgique, au domicile belge d'une personne physique chargée de les tenir en tant que mandataire ou préposé de l'employeur;

- d'avoir omis de payer à ses travailleurs la rémunération minimum fixée par la convention collective du travail du 28 mars 1991 conclue au sein de la commission paritaire de la construction concernant les conditions de travail et en particulier les salaires minimum des ouvriers occupés dans une entreprise de construction, convention collective rendue obligatoire par l'arrêté royal du 22 juin 1992;

- d'avoir omis de tenir un registre spécial du personnel au lieu où il occupe des travailleurs;

- d'avoir omis de délivrer à ses dix-sept travailleurs la fiche individuelle visée à l'article 4, paragraphe 3, de l'arrêté royal n_ 5 du 23 octobre 1978 relatif aux documents sociaux et à l'arrêté royal du 8 mars 1990 relatif à la tenue de la fiche individuelle;

- d'avoir omis de désigner un mandataire ou un préposé chargé de tenir les comptes individuels en Belgique;

- d'avoir omis de payer les cotisations timbres-intempéries et fidélité pour les premier et deuxième trimestres 1992 et les deuxième et troisième trimestres 1993, soit, suivant compte arrêté au 3 octobre 1995, la somme de 343 762 BFR pour dix-sept travailleurs.

5 Chacun de ces délits est frappé de peines de prison allant de huit jours à trois mois et est passible d'amendes de 50 000 BFR à 100 000 BFR.

6 Le ministère public a conclu à ce que l'entreprise Arblade soit déclarée civilement responsable des amendes et des frais qui seront mis à charge de son préposé.

B - La plainte contre MM. Leloup et l'entreprise Sofrage

7 Le ministère public accuse MM. Bernard Leloup et Serge Leloup, en leurs qualités respectives de directeur et de gérant, et l'entreprise Sofrage, domiciliés les uns et l'autre en France, d'avoir commis différentes infractions aussi bien à Wanze qu'en d'autres lieux de l'arrondissement judiciaire de Huy entre le 1er janvier et le 31 août 1991, entre le 1er juillet et le 31 décembre 1991, entre le 1er mars et le 31 juillet 1992 et entre le 1er mars et le 31 octobre 1993. Il est fait grief à chacun des deux premiers cités:

- d'avoir omis de désigner un mandataire ou préposé chargé de tenir les comptes individuels en Belgique;

- d'avoir fait obstacle à la surveillance organisée en vertu de l'arrêté royal n_ 5 du 23 octobre 1978 relatif à la tenue des documents sociaux;

- d'avoir fait obstacle à la surveillance organisée en vertu de la loi du 16 novembre 1972 concernant l'Inspection du travail;

- d'avoir omis d'établir le compte individuel de neuf travailleurs pour les années 1991, 1992 et 1993;

- d'avoir omis de tenir un registre spécial du personnel au lieu où il occupe des travailleurs;

- d'avoir omis d'établir un règlement de travail;

- d'avoir omis de conserver les documents sociaux (registre du personnel et compte individuel), à défaut de siège social en Belgique, au domicile belge d'une personne physique chargée de les tenir en tant que mandataire ou préposé;

- d'avoir omis de délivrer à ses neuf travailleurs la fiche individuelle visée à l'article 4, paragraphe 3, de l'arrêté royal n_ 5 du 23 octobre 1978 relatif aux documents sociaux et à l'arrêté royal du 8 mars 1990 relatif à la tenue de la fiche individuelle.

8 La plupart de ces délits sont frappés de peines de prison allant de huit jours à trois mois et sont passibles d'amendes de 50 000 BFR à 100 000 BFR.

9 Le ministère public a conclu à ce que Sofrage soit déclarée civilement responsable des amendes et des frais qui seront mis à la charge de ses deux préposés, à savoir le directeur et le gérant.

II - Les questions préjudicielles

10 Avant de trancher ces deux litiges, le tribunal correctionnel de Huy a sursis à statuer et il a déféré à la Cour deux questions préjudicielles pour chacun d'eux. Ces questions, qui coïncident en partie, peuvent être regroupées de la manière suivante:

«1) Les articles 59 et 60 du traité doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils interdisent à un État membre d'obliger une entreprise établie dans un autre État membre et exécutant temporairement des travaux dans le premier État

1. à conserver les documents sociaux (registre du personnel et compte individuel) au domicile belge d'une personne physique qui tient ces documents en tant que mandataire ou préposé;

2. à payer à ses travailleurs la rémunération minimum fixée par la convention collective du travail;

3. à tenir un registre spécial du personnel;

4. à délivrer une fiche individuelle pour chaque travailleur;

5. à désigner un mandataire ou préposé chargé de tenir les comptes individuels des salariés;

6. à payer des cotisations `timbres-intempéries' et `fidélité' pour chaque travailleur;

7. à ne pas faire obstacle à la surveillance organisée par la législation de cet État relative à la tenue des documents sociaux;

8. à ne pas faire obstacle à la surveillance organisée en vertu de la législation de cet État concernant l'inspection sociale;

9. à établir un compte individuel pour chaque travailleur, et

10. à établir un règlement de travail,

alors que cette entreprise est déjà soumise à des obligations, sinon identiques, du moins comparables en raison de leur finalité, du chef des mêmes travailleurs et pour les mêmes périodes d'activité, dans l'État où elle est établie?

2) Les articles 59 et 60 du traité CEE, du 25 mars 1957, instaurant la Communauté économique européenne peuvent-ils rendre inopérant l'article 3, premier alinéa, du code civil relatif aux lois belges de police et de sûreté?»III - Les dispositions nationales

A - La législation belge

11 Les obligations relatives à la tenue et à la conservation des documents sociaux sont énoncées dans l'arrêté royal n_ 5 du 23 octobre 1978 et précisées plus avant dans l'arrêté royal du 8 août 1980 et dans l'arrêté royal du 8 mars 1990. Cette réglementation, qui a pour objet d'assurer la protection des droits individuels des travailleurs, impose à l'employeur l'obligation de conserver un certain nombre de documents sociaux au domicile ou au siège social de l'entreprise lorsque ceux-ci sont situés en Belgique ou, lorsque ce n'est pas le cas, au domicile belge d'une personne physique qui les conserve en qualité de mandataire ou de préposé. Ces...

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