Abdulbasit Abdulrahim v Council of the European Union and European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:30
CourtCourt of Justice (European Union)
Date22 January 2013
Docket NumberC-239/12
Procedure TypeRecurso de casación - fundado
Celex Number62012CC0239
62012CC0239

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 22 janvier 2013 ( 1 )

Affaire C‑239/12 P

Abdulbasit Abdulrahim

contre

Conseil de l’Union européenne

et

Commission européenne

«Pourvoi — Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) — Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban — Règlement (CE) no 881/2002 — Retrait de l’intéressé de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’applique le gel des fonds et de ressources économiques — Intérêt à agir — Non-lieu à statuer»

1.

Le Tribunal de l’Union européenne a récemment adopté un certain nombre d’ordonnances de non-lieu à statuer en raison du retrait des noms des requérants des listes imposant des mesures restrictives ( 2 ).

2.

Le présent pourvoi est dirigé contre l’ordonnance du Tribunal du 28 février 2012, Abdulrahim/Conseil et Commission (T‑127/09, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a jugé, notamment, qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en annulation que M. Abdulrahim avait introduit contre le règlement (CE) no 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) no 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan ( 3 ), tel que modifié par le règlement (CE) no 1330/2008 de la Commission, du 22 décembre 2008 ( 4 ), ou ce dernier règlement.

3.

La problématique au centre du présent pourvoi est celle de la persistance ou non d’un intérêt à agir dans le chef des requérants lorsque la mesure restrictive dont ils font l’objet a été abrogée en cours d’instance ( 5 ).

4.

Dans les présentes conclusions, nous exposerons les raisons pour lesquelles nous estimons que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’il n’y avait plus lieu pour lui de statuer sur le recours en annulation de M. Abdulrahim, faute pour celui-ci d’avoir conservé un intérêt à agir.

I – Le cadre juridique et les antécédents du litige

5.

Le 21 octobre 2008, le nom de M. Abdulrahim a été ajouté à la liste établie par le comité des sanctions institué par la résolution 1267 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 15 octobre 1999, sur la situation en Afghanistan.

6.

Par le règlement no 1330/2008, le nom de M. Abdulrahim a dès lors été ajouté à la liste des personnes et entités dont les fonds et autres ressources économiques doivent être gelés en vertu du règlement no 881/2002 (ci-après la «liste litigieuse»).

7.

Par requête, dont l’original signé est parvenu au greffe du Tribunal le 15 avril 2009, M. Abdulrahim a introduit, contre le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne, un recours ayant en substance pour objet, d’une part, une demande d’annulation du règlement no 881/2002, ou du règlement no 1330/2008, pour autant que ces actes le concernent, et, d’autre part, une demande de réparation du préjudice prétendument causé par lesdits actes. Ce recours a été enregistré sous le numéro T‑127/09.

8.

Le 22 décembre 2010, le comité des sanctions a décidé de radier le nom de M. Abdulrahim de sa liste.

9.

Le 6 janvier 2011, les avocats de M. Abdulrahim ont écrit à la Commission pour demander la radiation de son nom de la liste litigieuse.

10.

Par le règlement (UE) no 36/2011 de la Commission, du 18 janvier 2011, modifiant pour la cent quarante-troisième fois le règlement no 881/2002 ( 6 ), la mention du nom de M. Abdulrahim a été supprimée de la liste litigieuse.

11.

Par lettre parvenue au greffe le 27 juillet 2011, la Commission a communiqué au Tribunal une copie du règlement no 36/2011.

12.

Par lettre du greffe du 17 novembre 2011, les parties ont été invitées à se prononcer par écrit sur les conséquences à tirer, en particulier au regard de l’objet du recours, de l’adoption du règlement no 36/2011.

13.

Dans leurs observations écrites, déposées au greffe le 6 décembre 2011, le Conseil et la Commission ont demandé au Tribunal de déclarer que la demande en annulation était devenue sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer à cet égard. Quant à la demande en indemnité et aux dépens, ces parties ont maintenu leurs conclusions antérieures.

14.

M. Abdulrahim s’est opposé à la demande de non-lieu à statuer sur la demande en annulation. Se fondant, notamment, sur l’arrêt du Tribunal du 3 avril 2008, PKK/Conseil ( 7 ), il a fait valoir les arguments synthétisés au point 19 de l’ordonnance attaquée, auxquels le Tribunal a répondu dans celle-ci.

II – L’ordonnance attaquée

15.

L’ordonnance attaquée a été rendue sur le fondement de l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel ce dernier peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer ( 8 ). Le Tribunal s’est estimé suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sans ouvrir la phase orale de la procédure.

16.

Au point 22 de cette ordonnance, il a tout d’abord rappelé la jurisprudence selon laquelle l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté ( 9 ).

17.

Au point 24 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a de même rappelé la jurisprudence selon laquelle le retrait, ou l’abrogation dans certaines circonstances, de l’acte attaqué par l’institution défenderesse fait disparaître l’objet du recours en annulation, dès lors qu’il aboutit, pour la partie requérante, au résultat voulu et lui donne entière satisfaction ( 10 ).

18.

Au point 27 de cette ordonnance, le Tribunal a constaté que, par le règlement no 36/2011, la Commission a procédé à la suppression de la mention du nom de M. Abdulrahim dans la liste litigieuse, alors que cette mention résultait du règlement no 1330/2008. Une telle suppression emporte abrogation dudit règlement, dans la mesure où cet acte concernait M. Abdulrahim. Selon le Tribunal, au point 28 de l’ordonnance attaquée, cette abrogation aboutit, pour M. Abdulrahim, au résultat voulu et lui donne entière satisfaction, étant donné que, à la suite de l’adoption du règlement no 36/2011, il n’est plus soumis aux mesures restrictives qui lui faisaient grief.

19.

Aux points 29 et 30 de ladite ordonnance, le Tribunal a rappelé que certes, dans le cadre d’un recours en annulation, la partie requérante peut conserver un intérêt à voir annuler un acte abrogé en cours d’instance si l’annulation de cet acte est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques ( 11 ). En effet, dans le cas où un acte est annulé, l’institution dont émane l’acte est tenue, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures qu’implique l’exécution de l’arrêt. Ces mesures n’ont pas trait à la disparition de l’acte en tant que telle de l’ordre juridique communautaire, puisque celle-ci résulte de l’essence même de l’annulation de l’acte par le juge. Elles concernent plutôt l’anéantissement des illégalités constatées dans l’arrêt d’annulation. C’est ainsi que l’institution concernée peut être amenée à effectuer une remise en état adéquate de la situation du requérant ou à éviter qu’un acte identique ne soit adopté ( 12 ).

20.

Au point 31 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a toutefois jugé que, en l’espèce, il ne ressort ni du dossier ni des arguments du requérant que, à la suite de l’adoption du règlement no 36/2011, le recours en annulation serait susceptible de procurer au requérant un bénéfice, au sens de la jurisprudence citée au point 22 de la même ordonnance, en sorte qu’il conserverait un intérêt à agir.

21.

En particulier, s’agissant, premièrement, de la circonstance que l’abrogation d’un acte d’une institution de l’Union n’est pas une reconnaissance de son illégalité et produit un effet ex nunc, à la différence d’un arrêt d’annulation en vertu duquel l’acte annulé est éliminé rétroactivement de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé ( 13 ), le Tribunal a, au point 32 de l’ordonnance attaquée, relevé qu’elle n’est pas en mesure de fonder un intérêt du requérant à obtenir l’annulation du règlement attaqué.

22.

Au point 33 de ladite ordonnance, le Tribunal a indiqué que, d’une part, en effet, dans les circonstances de l’espèce, aucun élément n’indiquerait que la disparition ex tunc de cet acte procurerait un quelconque bénéfice au requérant. Notamment, rien ne permettrait d’établir que, en cas d’arrêt d’annulation, la Commission serait amenée, en application de l’article 266 TFUE, à adopter des mesures visant à l’anéantissement de l’illégalité qui serait constatée.

23.

Au point 34 de l’ordonnance attaquée, il a indiqué que, d’autre part, s’agissant de la reconnaissance de l’illégalité alléguée elle-même, celle-ci peut certes constituer l’une des formes de réparation poursuivies dans le cadre d’un...

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