Prezes Urzędu Ochrony Konkurencji i Konsumentów v Tele2 Polska sp. z o.o., devenue Netia SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:743
Docket NumberC-375/09
Celex Number62009CC0375
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 December 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN MAZÁK

présentées le 7 décembre 2010 (1)

Affaire C‑375/09

Prezes Urzędu Ochrony Konkurencji i Konsumentów

contre

Tele2 Polska sp. zoo, désormais Netia SA w Warszawie

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Najwyższy (Pologne)]

«Concurrence – Règlement (CE) n° 1/2003 – Constatation d’inapplication – Autonomie procédurale des États membres – Question de savoir si les autorités nationales de concurrence sont habilitées à adopter une décision constatant que l’article 102 TFUE n’est pas applicable aux pratiques d’une entreprise»





1. Dans la présente affaire, le Sąd Najwyższy (Cour suprême de Pologne) sollicite une interprétation de l’article 5 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil (2). L’affaire concerne les limites de l’autonomie procédurale des États membres dans le contexte du système d’application du droit communautaire de la concurrence (désormais droit européen de la concurrence) prévu par le règlement n° 1/2003, règlement qui a remanié le système antérieur issu du règlement n° 17 du Conseil (3). Il s’agit de savoir comment une autorité nationale de concurrence (ci-après l’«ANC») peut mettre un terme à une procédure administrative lorsque, appliquant le droit européen de la concurrence parallèlement au droit national, elle constate que la pratique d’une entreprise particulière n’est pas contraire à l’interdiction des abus de position dominante édictée par l’article 102 TFUE.

I – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

2. En vertu de l’article 5 du règlement n° 1/2003, les ANC des États membres sont compétentes pour appliquer les articles 101 TFUE et 102 TFUE dans des cas individuels. Ce même article précise ensuite:

«À cette fin, [les ANC] peuvent, agissant d’office ou saisies d’une plainte, adopter les décisions suivantes:

– ordonner la cessation d’une infraction,

– ordonner des mesures provisoires,

– accepter des engagements,

– infliger des amendes, astreintes ou toute autre sanction prévue par leur droit national.

Lorsque, sur la base des informations dont elles disposent, les conditions d’une interdiction ne sont pas réunies, elles peuvent également décider qu’il n’y a pas lieu pour elles d’intervenir» (c’est moi qui souligne).

3. Selon l’article 10 du règlement n° 1/2003, lorsque l’intérêt public de l’Union concernant l’application des articles 101 TFUE et 102 TFUE le requiert, la Commission européenne, agissant d’office, peut constater par voie de décision que l’article 101 TFUE est inapplicable à un accord, à une décision d’association d’entreprises ou à une pratique concertée soit parce que les conditions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne sont pas remplies, soit parce que les conditions de l’article 101, paragraphe 3, TFUE sont remplies. La Commission peut également faire une telle constatation au titre de l’article 102 TFUE.

4. Selon la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence (4), «[l]a Commission est particulièrement bien placée si un ou plusieurs accords ou pratiques […] ont des effets sur la concurrence dans plus de trois États membres» (point 14) et, «[e]n outre, la Commission est particulièrement bien placée pour traiter une affaire si celle-ci est étroitement liée à d’autres dispositions [de l’Union] pouvant être exclusivement ou plus efficacement appliquées par la Commission, ou si l’intérêt [de l’Union] exige l’adoption d’une décision de la Commission pour développer la politique de concurrence [de l’Union] lorsqu’un nouveau problème de concurrence se pose ou pour assurer une application efficace des règles» (point 15).

B – Droit national

5. L’article 11 de la loi polonaise sur la concurrence et la protection des consommateurs (5), dans la version en vigueur à l’époque des faits, dispose ce qui suit:

«1. [L’ANC polonaise] adopte une décision concluant à l’absence de pratique restrictive de la concurrence, dès lors qu’elle ne constate aucune violation des interdictions définies à l’article 5 ou à l’article 8.

2. [L’ANC polonaise] adopte également une décision au sens du paragraphe 1 lorsqu’un accord remplit les conditions visées à l’article 7, paragraphe 1, mais ne fait pas l’objet d’un règlement du Conseil des ministres au sens de l’article 7.

3. Il incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises d’apporter la preuve des circonstances visées au paragraphe 2.»

II – Faits et questions déférées

6. Telekomunikacja Polska SA a été suspectée d’infraction à l’article 8 de la loi polonaise sur la concurrence et la protection des consommateurs, ainsi qu’à l’article 102 TFUE (6). À l’issue de la procédure, l’ANC polonaise a constaté que le comportement incriminé ne constituait pas un abus et a rendu une décision, en application du droit national, constatant que l’entreprise n’avait pas restreint la concurrence, tandis que, au titre de l’article 102 TFUE, elle a jugé qu’il n’y avait pas lieu pour elle d’intervenir. Une entreprise tierce – Tele2 Polska sp. zoo, désormais Netia SA w Warszawie – a formé un recours à l’encontre de cette décision. Le Sąd Okręgowy – Sąd Ochrony Konkurencji i Konsumentów (tribunal régional – tribunal de la concurrence et de la protection des consommateurs), par un jugement ensuite confirmé par le Sąd Apelacyjny w Warszawie, a annulé la décision attaquée, au motif que l’ANC polonaise aurait dû adopter une décision de nature déclarative constatant l’absence de pratique restrictive au sens de l’article 102 TFUE, puisqu’elle avait adopté une décision en ce sens en application du droit national.

7. L’ANC polonaise a formé un pourvoi sur un point de droit, en faisant valoir que l’article 5 du règlement n° 1/2003 est une disposition qui régit la compétence des ANC, dont elle limite les pouvoirs décisionnels et dont il ressort qu’elles ne sont pas habilitées à adopter une telle décision. L’ANC polonaise avait, au lieu de cela, adopté une décision mettant un terme à la procédure d’une manière différente, qui n’impliquait pas de se prononcer sur le fond. L’article 5 dudit règlement énumère quatre catégories de décision de fond, puis, pour finir, mentionne une décision de nature procédurale: les ANC «peuvent également décider qu’il n’y a pas lieu pour elles d’intervenir». La Commission est compétente pour adopter une décision constatant que l’article 102 TFUE ne s’applique pas à une certaine pratique – mais non les ANC.

8. La juridiction de renvoi estime, premièrement, que cette affaire concerne les limites de l’autonomie procédurale des ANC et que les ANC ne devraient pas être habilitées à adopter une décision constatant l’absence de pratique restrictive, car une telle décision ne fait pas partie des catégories de décisions mentionnées au second alinéa de l’article 5 du règlement n° 1/2003. Deuxièmement, la juridiction de renvoi laisse entendre que la dernière phrase de l’article 5 du règlement n° 1/2003, lue conjointement avec le second alinéa de cet article et d’autres dispositions de ce règlement, pourrait néanmoins être interprétée de manière à permettre à une ANC d’adopter une décision correspondant à la décision en question. En conséquence, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions suivantes:

«1) L’article 5 du [règlement n° 1/2003] doit-il être interprété en ce sens qu’[une ANC] ne peut adopter une décision concluant à l’absence de pratique restrictive de la concurrence au sens de l’article [102 TFUE], lorsqu’elle estime, à l’issue d’une procédure, que l’entreprise n’a pas enfreint l’interdiction des abus de position dominante qui découle de cette disposition du traité?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, dans l’hypothèse où les dispositions du droit national de la concurrence habilitent l’[ANC] à clore une procédure en matière de répression des pratiques anticoncurrentielles – s’il est constaté que le comportement de l’entreprise n’enfreint pas l’interdiction découlant de l’article [102 TFUE] – uniquement en adoptant une décision concluant à l’absence de pratique restrictive de la concurrence, l’article 5, [dernière] phrase, du [règlement n° 1/2003] doit-il être interprété en ce sens qu’il constitue la base juridique directe d’une décision de cette [ANC] constatant ‘qu’il n’y a pas lieu pour elle d’intervenir’?»

9. Les gouvernements polonais (7) et tchèque, la Commission et l’Autorité de surveillance AELE ont présenté des observations écrites. Lors de l’audience, qui s’est tenue le 21 septembre 2010, toutes les parties, excepté le gouvernement tchèque, ont présenté oralement leurs allégations.

III – Appréciation

A – Principaux arguments des parties

10. La Commission et l’Autorité de surveillance AELE (ci-après l’«AELE») soutiennent pour l’essentiel que l’article 5 du règlement n° 1/2003 n’habilite pas une ANC à adopter une décision, de nature déclaratoire, constatant que les articles 101 TFUE et 102 TFUE sont inapplicables. Seule la Commission a cette compétence. Il est notamment fait valoir qu’une telle faculté d’une ANC de déclarer inapplicables les articles 101 TFUE et 102 TFUE – pour autant que l’on puisse garantir la légalité du comportement de l’entreprise concernée – outre qu’elle nécessiterait d’importantes ressources administratives, dissuaderait probablement les victimes d’un comportement qu’elles estiment illégal de former des recours individuels contre l’auteur et donc de contribuer ainsi à faire respecter le droit de la concurrence par les actions privées (alors que le règlement n° 1/2003 est censé soutenir cette application du droit par les actions privées). En ce qui concerne la seconde question, la Commission soutient que l’article 5 du règlement n° 1/2003 est d’application directe. L’AELE soutient que, dans une situation telle que celle de l’espèce au principal, dans laquelle les conditions d’une décision d’interdiction ne sont pas réunies, les articles 3, paragraphe 1, et 5 du règlement n° 1/2003...

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