European Commission v Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:807
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-553/12
Date05 December 2013
Procedure TypeRecurso de casación - fundado
Celex Number62012CC0553
62012CC0553

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 5 décembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑553/12 P

Commission européenne

contre

Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI)

«Pourvoi — Concurrence — Articles 82 CE et 86, paragraphe 1, CE — Maintien des droits privilégiés accordés par la Grèce en faveur d’une entreprise publique pour l’exploration et l’exploitation des gisements de lignite — Avantage concurrentiel sur les marchés de la fourniture du lignite et de l’électricité de gros grâce à l’exercice de ces droits — Extension de la position dominante du premier au second de ces marchés — Obligation pour la Commission d’établir un comportement abusif de la part de l’entreprise publique»

1.

Dans le présent pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 septembre 2012 ( 2 ), par lequel celui-ci a annulé la décision de la Commission ( 3 ) concernant les droits d’exploration et d’exploitation de gisements de lignite que la République hellénique a conférés à Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI) ( 4 ) et maintenus en sa faveur.

2.

Par ladite décision, la Commission avait, notamment, constaté que l’octroi et le maintien de ces droits étaient contraires à l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE (désormais articles 106, paragraphe 1, TFUE et 102 TFUE ( 5 )), dès lors qu’ils créaient une situation d’inégalité des chances entre les opérateurs économiques dans l’accès aux combustibles primaires aux fins de la production d’électricité et permettaient à la DEI de maintenir ou de renforcer sa position dominante sur le marché de gros de l’électricité de la Grèce, en excluant toute nouvelle entrée sur le marché ou en y faisant obstacle.

I – Les antécédents du litige

3.

La DEI a été créée en 1950 sous la forme d’une entreprise publique appartenant à l’État grec. Elle bénéficiait du droit exclusif de produire, de transporter et de fournir de l’électricité en Grèce. En 1996, elle a été transformée en société par actions, détenue par l’État en tant qu’actionnaire unique.

4.

Le 1er janvier 2001, elle a été transformée en société anonyme conformément, en particulier, à la loi grecque no 2773/1999, relative à la libéralisation du marché de l’électricité (FEK A’ 286), qui a notamment transposé la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (JO 1997, L 27, p. 20). Selon l’article 43, paragraphe 3, de cette loi, la participation de l’État au capital de la DEI ne peut, en aucun cas, être inférieure à 51 % des actions avec droit de vote, même après une augmentation de capital. La République hellénique détient actuellement 51,12 % des actions de cette entreprise. Depuis le 12 décembre 2001, les actions de la DEI sont cotées à la Bourse d’Athènes (Grèce), ainsi qu’à la Bourse de Londres (Royaume-Uni).

5.

Toutes les centrales électriques grecques fonctionnant au lignite appartiennent à la DEI. Selon l’Institut grec de recherches géologiques et minières, les réserves connues de l’ensemble des gisements de lignite en Grèce étaient estimées, au 1er janvier 2005, à 4 415 millions de tonnes. Selon la Commission, il existe encore 4590 millions de tonnes de réserves de lignite en Grèce.

6.

La République hellénique a attribué à la DEI des droits d’exploration et d’exploitation du lignite pour des mines dont les réserves s’élèvent à environ 2200 millions de tonnes. 85 millions de tonnes de réserves appartiennent à des personnes privées et sur d’autres gisements publics, pour environ 220 millions de tonnes, des droits d’exploration et d’exploitation ont été conférés à d’autres personnes privées, ces gisements approvisionnant en partie les centrales électriques de la DEI. Aucun droit d’exploitation n’a encore été attribué pour environ 2000 millions de tonnes de réserves de lignite en Grèce.

7.

À la suite de l’entrée en vigueur de la directive 96/92, le marché grec de l’électricité a été ouvert à la concurrence. En mai 2005, un marché journalier obligatoire pour tous les vendeurs et acheteurs d’électricité dans le réseau interconnecté grec, qui comprend la Grèce continentale et certaines îles grecques, a été créé. Sur ce marché, les producteurs et les importateurs d’électricité injectent et vendent leur production et leurs importations sur une base journalière ( 6 ).

8.

En 2003, la Commission a reçu la plainte d’un particulier demandant que son identité reste confidentielle. Selon le plaignant, la décision de l’État grec d’octroyer à la DEI une licence exclusive d’exploration et d’exploitation du lignite en Grèce, qui serait contraire à l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE. À la suite de plusieurs échanges avec la République hellénique, lesquels ont eu lieu entre 2003 et 2008, la Commission a adopté la décision litigieuse.

9.

Dans cette décision, la Commission relève que la République hellénique savait depuis l’adoption de la directive 96/92, qui devait être transposée pour le 19 février 2001 au plus tard, que le marché de l’électricité devait être libéralisé. Elle ajoute que la République hellénique a adopté des mesures étatiques qui concernaient deux marchés distincts, le premier étant celui de la fourniture de lignite et le second le marché de gros de l’électricité, qui englobe la production et la fourniture d’électricité dans des centrales ainsi que l’importation d’électricité par le biais de dispositifs d’interconnexion.

10.

Selon la Commission, la DEI détenait sur ces deux marchés une position dominante avec une part de marché supérieure, respectivement, à 97 % et à 85 %. En outre, il n’y aurait pas eu de perspective de nouvelle entrée susceptible de diminuer significativement la part de la DEI dans le marché de gros de l’électricité, les importations, qui représentent 7 % de la consommation totale, ne constituant pas une réelle contrainte concurrentielle sur ce marché.

11.

S’agissant des mesures étatiques en cause, la Commission fait observer que la DEI s’est vu octroyer ( 7 ) des droits d’exploitation pour 91 % des gisements publics de lignite pour lesquels des droits ont été accordés. Elle précise que, pendant la période d’application de ces mesures, et ce en dépit des possibilités offertes par la législation nationale, aucun autre droit sur un gisement significatif n’a été accordé. En outre, elle indique que la DEI a obtenu sans appels d’offres des droits d’exploration sur certains gisements exploitables, pour lesquels des droits d’exploitation n’avaient pas encore été accordés. La Commission ajoute enfin que les centrales fonctionnant au lignite, qui seraient les moins coûteuses en Grèce, sont les plus utilisées, puisqu’elles produisent 60 % de l’électricité permettant d’approvisionner le réseau interconnecté.

12.

Grâce à l’octroi à la DEI et au maintien en sa faveur de droits quasi monopolistiques d’exploitation du lignite qui lui garantissent un accès privilégié au combustible le plus attractif en Grèce à des fins de production d’électricité, la République hellénique aurait ainsi créé une inégalité des chances entre les opérateurs économiques sur le marché de gros de l’électricité et donc faussé la concurrence, renforçant ainsi la position dominante de la DEI et excluant toute nouvelle entrée sur le marché ou y faisant obstacle, et ce en dépit de la libéralisation du marché de gros de l’électricité.

13.

Par la décision litigieuse, la Commission demandait, en outre, à la République hellénique de l’informer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de celle-ci, des mesures qu’elle avait l’intention de prendre pour corriger les effets anticoncurrentiels des mesures étatiques en cause, en indiquant que ces mesures devraient être adoptées et mises en œuvre dans les huit mois à compter de sa décision.

II – Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

14.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2008, la DEI a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. Au cours de la procédure, la République hellénique est intervenue au soutien de la DEI, tandis que Elliniki Energeia kai Anaptyxi AE (HE & DSA) et Energeiaki Thessalonikis AE, sociétés anonymes actives dans le domaine de la production d’énergie électrique en Grèce, sont intervenues au soutien de la conclusion de la Commission visant à rejeter le recours.

15.

À l’appui de son recours, la DEI a invoqué quatre moyens, tirés, premièrement, d’erreurs de droit dans l’application des dispositions combinées des articles 86, paragraphe 1, CE et 82 CE, ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation;, deuxièmement, de la violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE; troisièmement, d’une part, de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de protection de la propriété privée et, d’autre part, de l’existence d’un détournement de pouvoir et, quatrièmement, d’une violation du principe de proportionnalité.

16.

Le premier moyen s’articulait en cinq branches, dont les deuxième et quatrième mettaient en cause la conclusion de la Commission, selon laquelle l’exercice des droits d’exploitation du lignite accordés à la DEI aurait eu pour effet d’étendre sa position dominante du marché du lignite au marché de gros de l’électricité, en violation des dispositions combinées des articles 86, paragraphe 1, CE et 82 CE. En substance, la DEI soulevait deux griefs à l’encontre de cette conclusion de la Commission.

17.

Par le second de ces griefs, que le Tribunal a...

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