Davide Gullotta and Farmacia di Gullotta Davide & C. Sas v Ministero della Salute and Azienda Sanitaria Provinciale di Catania.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:168
Docket NumberC-497/12
Celex Number62012CC0497
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Date12 March 2015
62012CC0497

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 12 mars 2015 ( 1 )

Affaire C‑497/12

Davide Gullotta,

Farmacia di Gullotta Davide & C. Sas

contre

Ministero della Salute,

Azienda Sanitaria Provinciale di Catania

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (Italie)]

«Demandes de décision préjudicielle — Compétence de la Cour — Recevabilité des questions — Éléments factuels de la procédure au principal cantonnés à un État membre — Portée de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Liberté d’établissement — Santé publique — Parapharmacies»

1.

Dans sa jurisprudence, la Cour a constamment souligné que la procédure préjudicielle est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher ( 2 ). La Cour a également souligné que l’esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel implique que, de son côté, le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour, qui est de contribuer à l’administration de la justice dans les États membres et non pas de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques ( 3 ).

2.

Ces principes sont d’autant plus importants aujourd’hui que la Cour est appelée, année après année, à rendre un nombre sans précédent de décisions, dont la majorité concerne précisément des demandes de décision préjudicielle ( 4 ). Pour certaines décisions préjudicielles, la Cour est amenée à interpréter des dispositions dans de nouveaux domaines du droit de l’Union et, pour d’autres, elle doit appliquer des principes fondamentaux de l’ordre juridique de l’Union à de nouvelles circonstances susceptibles de soulever des questions éthiques ou sociopolitiques particulièrement délicates ( 5 ).

3.

Bien que la Cour ait, par le passé, été relativement réticente à se déclarer incompétente dans le cadre de l’article 267 TFUE et ait été généreuse dans l’examen de la recevabilité des demandes, il est possible désormais de se demander si la Cour ne devrait pas adopter une position plus rigoureuse sur ces questions. Ainsi que je l’ai déjà indiqué dans de précédentes conclusions, l’élargissement substantiel de la compétence de la Cour à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, combinée à l’élargissement de l’Union européenne au cours de la décennie passée, pourrait avoir un impact significatif sur la capacité de la Cour de traiter les affaires avec la célérité requise tout en maintenant la qualité de ses décisions ( 6 ).

4.

La présente affaire offre, selon moi, une opportunité de préciser davantage la jurisprudence de la Cour sur ces questions, en attirant l’attention sur certaines décisions récentes de la Cour qui semblent indiquer certains développements. Ces développements, selon moi, sont conformes à l’analyse proposée dans les présentes conclusions.

I – Le cadre juridique

5.

En Italie, la loi no 468/1913 a fait de la fourniture de services pharmaceutiques une «activité de base de l’État», qui ne pouvait être exercée que par des pharmacies municipales ou par des pharmacies privées pourvues d’une concession délivrée par le gouvernement. Un instrument administratif a été mis en place aux fins du contrôle des fournitures: la «pianta organica», qui est une forme de grille territoriale destinée à garantir une distribution égale des médicaments sur le territoire national. Il est à noter que le décret royal no 1265/1934 a réservé la vente de l’ensemble des médicaments aux seules pharmacies (article 122).

6.

La loi no 537/1993 a ensuite reclassé les médicaments sur la base des catégories suivantes: «catégorie A» pour les médicaments essentiels et les médicaments pour maladies chroniques; «catégorie B» pour les médicaments (autres que ceux relevant de la «catégorie A») présentant un intérêt thérapeutique important et «catégorie C» pour les médicaments autres que ceux relevant des catégories A ou B. En vertu de l’article 8, paragraphe 14, de la loi no 537/1993, le coût des médicaments relevant des catégories A et B est entièrement à la charge du «Servizio Sanitario Nazionale» (SSN) (Service de santé national), alors que le coût des médicaments de la catégorie C est entièrement à la charge du client.

7.

Par la suite, l’article 85, paragraphe 1, de la loi no 388/2000 a aboli la «catégorie B», cependant que l’article 1er de la loi no 311/2004 créait une nouvelle catégorie de médicaments, la «catégorie C bis», qui couvrait les médicaments non soumis à ordonnance et qui, à la différence des produits ressortissant aux autres catégories, peuvent faire l’objet d’une publicité (ils sont généralement qualifiés de «médicaments de comptoir»). Tout comme dans le cas des médicaments de la catégorie C, le coût des médicaments de la catégorie C bis est à la charge du client.

8.

Le décret-loi no 223/2006, converti en loi no 248/2006, a autorisé l’ouverture de nouveaux points de vente, distincts des pharmacies. Ils sont généralement désignés par l’expression «parapharmacies» et sont autorisés à vendre des médicaments de comptoir (des produits de la «catégorie C bis»).

9.

Plus récemment, le décret-loi no 201/2011, aujourd’hui converti en loi no 214/2011, a encore étendu les catégories de médicaments qui peuvent être vendues par des parapharmacies, lesquelles peuvent ainsi désormais proposer au public certains médicaments de la catégorie C pour lesquels aucune prescription n’est requise. Cette réglementation a été mise en œuvre par un décret ministériel du 18 avril 2012. Dernièrement, le décret-loi no 1/2012, converti en loi no 27/2012, a augmenté le nombre de pharmacies prévues dans la «pianta organica»: passant d’une pharmacie pour 4500 personnes à une pharmacie pour 3300 personnes.

II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

10.

Davide Giuseppe Gullotta (ci-après le «requérant») est un pharmacien diplômé, inscrit à l’Ordine dei Farmacisti di Catania (Ordre des pharmaciens de Catane) et gère une parapharmacie en Italie.

11.

Dans l’affaire pendante devant la juridiction de renvoi, le requérant a contesté, devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (tribunal administratif régional, ci-après le «TAR per la Sicilia»), la décision no 0034681 du Ministero della Salute (ministère de la Santé) du 13 août 2011 (ci-après la «décision litigieuse») rejetant la demande du requérant d’être autorisé à vendre des médicaments pour lesquels une prescription médicale est requise, mais dont le coût n’est pas éligible au remboursement par le SSN. Le requérant a soutenu que la législation italienne appliquée par le Ministero della Salute dans la décision litigieuse est incompatible avec le droit de l’Union pour plusieurs motifs.

12.

Dans le cadre de cette procédure, la juridiction italienne, ayant des doutes quant à la compatibilité de la législation italienne en cause avec le droit de l’Union, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les trois questions préjudicielles suivantes:

«1)

Les principes de liberté d’établissement, de non-discrimination et de protection de la concurrence visés aux articles 49 TFUE et suivants font-ils obstacle à une législation nationale qui ne permet pas à un pharmacien, habilité et inscrit à l’ordre professionnel correspondant mais non titulaire d’une officine incluse dans la ‘pianta organica’, de pouvoir distribuer au détail, dans la parapharmacie dont il est titulaire, également les médicaments soumis à une prescription médicale dite ‘ordonnance blanche’, c’est-à-dire qui ne sont pas à la charge du Service national de santé et [qui sont] entièrement payés par l’acheteur, en instaurant également dans ce secteur une interdiction de vente de certaines catégories de produits pharmaceutiques et une limitation du nombre des établissements commerciaux qui peuvent être créés sur le territoire national?

2)

L’article 15 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la ‘Charte’] doit-il être interprété en ce sens que le principe qu’il contient s’applique sans limites également à la profession de pharmacien, sans que le caractère d’intérêt public de cette profession justifie l’existence de régimes différents entre les pharmaciens titulaires d’officines pharmaceutiques et les pharmaciens titulaires de parapharmacies, en ce qui concerne la vente des médicaments visés à la première question?

3)

Les articles 102 TFUE et 106[, paragraphe 1,] TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens que l’interdiction d’abus de position dominante s’applique sans limites à la profession de pharmacien, dans la mesure où le pharmacien titulaire d’une pharmacie traditionnelle qui vend des médicaments en vertu d’une convention conclue avec le Service national de santé est avantagé par l’interdiction, pour les titulaires de parapharmacies, de vendre les médicaments de catégorie C, sans que cela soit justifié par les indéniables spécificités de la profession de pharmacien qui découlent du caractère d’intérêt public de la protection de la santé des citoyens?»

13.

Après avoir reçu notification d’une copie de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Venturini e.a. ( 7 ), qui concernait la même législation nationale que celle en cause devant le TAR per la Sicilia, ce dernier a informé la Cour, par lettre du 1er août 2014, qu’il souhaitait maintenir les deuxième et troisième questions déférées à titre préjudiciel.

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