Monsanto Technology LLC v Cefetra BV and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:128
Docket NumberC-428/08
Celex Number62008CC0428
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date09 March 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 9 mars 2010 (1)

Affaire C‑428/08

Monsanto Technology LLC

contre

Cefetra BV et autres

[demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank ‘s‑Gravenhage (Pays‑Bas)]

«Protection juridique des inventions biotechnologiques – Directive 98/44/CE – Brevet relatif à une information génétique»





1. La Cour n’a guère eu l’occasion, jusqu’à présent, de se pencher sur la directive relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. La présente affaire lui permettra toutefois de préciser certains points importants concernant la protection qu’il convient de conférer, au sein de l’Union européenne, aux brevets délivrés dans le domaine, dont l’importance ne saurait être sous-estimée aujourd’hui.

I – Le cadre juridique

A – L’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce

2. Les articles 27 et 30 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (2) (ci-après l’«accord ADPIC») sont ainsi rédigés:

«Article 27

Objet brevetable

1. Sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle. Sous réserve des dispositions du paragraphe 4 de l’article 65, du paragraphe 8 de l’article 70 et du paragraphe 3 du présent article, des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir des droits de brevet sans discrimination quant au lieu d’origine de l’invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d’origine nationale.

2. Les membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l’environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l’exploitation est interdite par leur législation.

3. Les membres pourront aussi exclure de la brevetabilité:

a) les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des personnes ou des animaux;

b) les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes, et les procédés essentiellement biologiques [d’obtention] de végétaux ou d’animaux, autres que les procédés non biologiques et microbiologiques. Toutefois, les membres prévoiront la protection des variétés végétales par des brevets, par un système sui generis efficace, ou par une combinaison de ces deux moyens. Les dispositions du présent alinéa seront réexaminées quatre ans après la date d’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC.»

«Article 30

Exceptions aux droits conférés

Les membres pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que celles-ci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l’exploitation normale du brevet ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts des tiers.»

B – La directive 98/44/CE

3. La directive 98/44/CE (3) prévoit, dans ses considérants, ce qui suit:

«[…]

(3) considérant qu’une protection efficace et harmonisée dans l’ensemble des États membres est essentielle en vue de préserver et d’encourager les investissements dans le domaine de la biotechnologie;

[…]

(5) considérant qu’il existe des divergences, dans le domaine de la protection des inventions biotechnologiques, entre les législations et pratiques des différents États membres; que de telles disparités sont de nature à créer des entraves aux échanges et à faire ainsi obstacle au fonctionnement du marché intérieur;

(6) considérant que ces divergences risquent de s’accentuer au fur et à mesure que les États membres adopteront de nouvelles lois et pratiques administratives différentes ou que les interprétations jurisprudentielles nationales se développeront diversement;

(7) considérant qu’une évolution hétérogène des législations nationales relatives à la protection juridique des inventions biotechnologiques dans la Communauté risque de décourager encore plus les échanges commerciaux, au détriment du développement industriel de ces inventions et du bon fonctionnement du marché intérieur;

(8) considérant que la protection juridique des inventions biotechnologiques ne nécessite pas la création d’un droit particulier se substituant au droit national des brevets; que le droit national des brevets reste la référence essentielle pour la protection juridique des inventions biotechnologiques, étant entendu qu’il doit être adapté ou complété sur certains points spécifiques pour tenir compte de façon adéquate de l’évolution de la technologie faisant usage de matière biologique, mais répondant néanmoins aux conditions de brevetabilité;

[…]

(22) considérant que le débat sur la brevetabilité de séquences ou de séquences partielles de gènes donne lieu à des controverses; que, aux termes de la présente directive, l’octroi d’un brevet à des inventions portant sur de telles séquences ou séquences partielles doit être soumis aux mêmes critères de brevetabilité que pour tous les autres domaines technologiques, nouveauté, activité inventive et application industrielle; que l’application industrielle d’une séquence ou d’une séquence partielle doit être exposée de façon concrète dans la demande de brevet telle que déposée;

(23) considérant qu’une simple séquence d’ADN sans indication d’une fonction ne contient aucun enseignement technique; qu’elle ne saurait, par conséquent, constituer une invention brevetable;

(24) considérant que, pour que le critère d’application industrielle soit respecté, il est nécessaire, dans le cas où une séquence ou une séquence partielle d’un gène est utilisée pour la production d’une protéine ou d’une protéine partielle, de préciser quelle protéine ou protéine partielle est produite ou quelle fonction elle assure;

[…]»

4. L’article 1er de la directive 98/44 est ainsi rédigé:

«1. Les États membres protègent les inventions biotechnologiques au moyen de leur droit national des brevets. Ils adaptent leur droit national des brevets, si nécessaire, pour tenir compte des dispositions de la présente directive.

2. La présente directive n’affecte pas les obligations découlant, pour les États membres, des conventions internationales, et notamment de l’accord ADPIC et de la convention sur la diversité biologique

5. L’article 5 de la directive 98/44 est ainsi rédigé:

«[…]

3. L’application industrielle d’une séquence ou d’une séquence partielle d’un gène doit être concrètement exposée dans la demande de brevet.»

6. L’article 9 de la directive 98/44 est ainsi rédigé:

«La protection conférée par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique s’étend à toute matière, sous réserve de l’article 5, paragraphe 1, dans laquelle le produit est incorporé et dans laquelle l’information génétique est contenue et exerce sa fonction.»

C – La législation nationale

7. La loi nationale néerlandaise en matière de brevets (Rijksoctrooiwet 1995, ci-après la «loi relative aux brevets»), telle qu’elle a été modifiée par la suite, transpose l’article 9 de la directive 98/44 dans les termes suivants:

«Article 53 a

[…]

3. En ce qui concerne un brevet relatif à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique, le droit exclusif s’étend à toute matière dans laquelle le produit est incorporé et dans laquelle l’information génétique est contenue et exerce sa fonction, sous réserve de l’article 3, paragraphe 1, sous b).»

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

8. Monsanto Technology LLC (ci-après «Monsanto») est titulaire d’un brevet européen délivré le 19 juin 1996 et relatif à une séquence génétique qui, introduite dans l’ADN d’une plante de soja, la rend résistante au gliphosate, un herbicide produit par cette même société et commercialisé sous le nom de «Roundup».

9. Les plantes de soja génétiquement modifiées (le «soja RR», c’est‑à‑dire le «Roundup ready») sont cultivées dans différents pays dans le monde, mais pas sur le territoire de l’Union européenne. L’avantage de l’utilisation du soja génétiquement modifié consiste, pour les agriculteurs, dans la possibilité d’utiliser l’herbicide Roundup pour détruire les mauvaises herbes sans crainte de nuire à la culture du soja.

10. En Argentine, le soja RR est cultivé à grande échelle et constitue un important produit d’exportation. En revanche, pour des raisons de droit interne, Monsanto n’y dispose pas d’un brevet relatif à la séquence génétique qui caractérise la plante en question.

11. En 2005 et en 2006, les sociétés défenderesses au principal ont importé des cargaisons de farine de soja en provenance d’Argentine. L’analyse des échantillons de farine effectuée à la demande de Monsanto a révélé la présence de traces de l’ADN caractéristique du soja RR. Il est donc établi que la farine importée, déchargée dans le port d’Amsterdam et destinée à la production d’aliments pour animaux, a été produite en Argentine à l’aide du soja génétiquement modifié pour lequel Monsanto est titulaire d’un brevet européen.

12. Monsanto a assigné les sociétés importatrices devant la juridiction de renvoi en faisant valoir qu’elles étaient responsables d’une violation de son brevet.

13. Jugeant l’interprétation de la directive 98/44 nécessaire pour pouvoir trancher le litige, la juridiction nationale a sursis à statuer et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 9 de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à...

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