Monsanto Technology LLC v Cefetra BV and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:402
Docket NumberC-428/08
Celex Number62008CJ0428
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date06 July 2010

Affaire C-428/08

Monsanto Technology LLC

contre

Cefetra BV e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Rechtbank 's-Gravenhage)

«Propriété industrielle et commerciale — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Directive 98/44/CE — Article 9 — Brevet protégeant un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique — Matière incorporant le produit — Protection — Conditions»

Sommaire de l'arrêt

1. Rapprochement des législations — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Directive 98/44

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/44, art. 9)

2. Rapprochement des législations — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Directive 98/44

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/44, art. 9)

3. Rapprochement des législations — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Directive 98/44

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/44, art. 9)

4. Accords internationaux — Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPs)

(Accord TRIPs, art. 27 et 30; directive du Parlement européen et du Conseil 98/44, art. 9)

1. L’article 9 de la directive 98/44, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, doit être interprété en ce sens qu’il ne confère pas une protection des droits de brevet lorsque le produit breveté est contenu dans de la farine de soja, où il n’exerce pas la fonction pour laquelle il est breveté, mais a exercé celle-ci antérieurement dans la plante de soja, dont cette farine est un produit de transformation, ou lorsqu’il pourrait éventuellement exercer à nouveau cette fonction, après avoir été extrait de la farine puis introduit dans une cellule d’un organisme vivant. En effet, l'article 9 de ladite directive subordonne la protection qu'il prévoit à la condition que la séquence d'ADN brevetée exerce la fonction qui est la sienne dans la matière dans laquelle elle est incorporée.

(cf. points 46, 50, disp. 1)

2. L’article 9 de la directive 98/44, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, procède à une harmonisation exhaustive de la protection qu’il confère, de sorte qu’il fait obstacle à ce qu’une législation nationale octroie une protection absolue du produit breveté en tant que tel, qu’il exerce ou non la fonction qui est la sienne dans la matière le contenant.

(cf. point 63, disp. 2)

3. L’article 9 de la directive 98/44, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, s’oppose à ce que le titulaire d’un brevet délivré antérieurement à l’adoption de cette directive invoque la protection absolue du produit breveté qui lui aurait été accordée par la législation nationale alors applicable. En effet, une règle nouvelle s'applique en principe immédiatement aux effets futurs d'une situation née sous l'empire de la règle ancienne et la directive 98/44 ne prévoit aucune dérogation à ce principe.

(cf. points 66-67, 69, disp. 3)

4. Les articles 27 et 30 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, qui constitue l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, approuvé par la décision 94/800, n’ont pas d’incidence sur l’interprétation de l’article 9 de la directive 98/44, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, selon laquelle la protection que cet article confère est limitée aux situations dans lesquelles le produit breveté exerce sa fonction.

(cf. points 76-77, disp. 4)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

6 juillet 2010 (*)

«Propriété industrielle et commerciale – Protection juridique des inventions biotechnologiques – Directive 98/44/CE – Article 9 – Brevet protégeant un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique – Matière incorporant le produit – Protection – Conditions»

Dans l’affaire C‑428/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Rechtbank ’s‑Gravenhage (Pays-Bas), par décision du 24 septembre 2008, parvenue à la Cour le 29 septembre 2008, dans la procédure

Monsanto Technology LLC

contre

Cefetra BV,

Cefetra Feed Service BV,

Cefetra Futures BV,

Alfred C. Toepfer International GmbH,

en présence de:

État argentin,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, E. Levits, présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, J. Malenovský, U. Lõhmus et L. Bay Larsen (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 décembre 2009,

considérant les observations présentées:

– pour Monsanto Technology LLC, par Mes W. A. Hoyng et F. W. E. Eijsvogels, advocaten,

– pour Cefetra BV, Cefetra Feed Service BV, Cefetra Futures BV et Alfred C. Toepfer International GmbH, par Mes J. J. Allen et H. M. H. Speyart van Woerden, advocaten,

– pour l’État argentin, par Me B. Remiche, avocat, ainsi que Mes M. Roosen et V. Cassiers, advocaten,

– pour le gouvernement italien, par Mme I. Bruni, en qualité d’agent, assistée de M. D. Del Gaizo, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. M. de Grave, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par MM. H. Krämer et W. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9 de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (JO L 213, p. 13, ci-après la «directive»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant Monsanto Technology LLC (ci-après «Monsanto»), d’une part, à Cefetra BV, Cefetra Feed Service BV, Cefetra Futures BV (ci-après, ensemble, «Cefetra»), soutenues par l’État argentin, partie intervenante, et, d’autre part, à Vopak Agencies Rotterdam BV (ci-après «Vopak») et Alfred C. Toepfer International GmbH (ci-après «Toepfer»), au sujet d’importations dans la Communauté européenne, au cours des années 2005 et 2006, de farine de soja en provenance d’Argentine.

Le cadre juridique

Le droit international

3 L’article 27 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, qui constitue l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1, ci-après l’«accord ADPIC»), dispose en substance, sous l’intitulé «Objet brevetable», à son paragraphe 1, que:

– un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle;

– il sera possible de jouir des droits de brevet sans discrimination quant au lieu d’origine de l’invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d’origine nationale.

4 L’article 30 du même accord, intitulé «Exceptions aux droits conférés», précise que les membres pourront prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que ces exceptions ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l’exploitation normale du brevet ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts des tiers.

Le droit de l’Union

5 L’article 1er de la directive prévoit que les États membres protègent les inventions biotechnologiques au moyen de leur droit national des brevets et qu’ils adaptent celui-ci, si nécessaire, pour tenir compte des dispositions de ladite directive. Il ajoute que la directive n’affecte pas les obligations découlant pour les États membres, notamment, de l’accord ADPIC.

6 L’article 2 de la directive définit la «matière biologique» comme étant une matière contenant des informations génétiques et qui est autoreproductible ou reproductible dans un système biologique.

7 L’article 3 prévoit que sont brevetables les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle, même lorsqu’elles portent, notamment, sur un produit composé de matière biologique ou en contenant. Il précise qu’une matière biologique isolée de son environnement naturel ou produite à l’aide d’un procédé technique peut être l’objet d’une invention, même lorsqu’elle préexistait à l’état naturel.

8 Le vingt-deuxième considérant de la directive souligne que le débat sur la brevetabilité de séquences ou de séquences partielles de gènes donne lieu à des controverses. Il énonce que l’octroi d’un brevet à des inventions portant sur de telles séquences ou séquences partielles doit être soumis aux mêmes critères de brevetabilité que pour tous les autres domaines technologiques, à savoir nouveauté, activité inventive et application industrielle. Il ajoute que l’application industrielle d’une séquence ou d’une séquence partielle doit être exposée de façon concrète dans la demande de brevet.

9 Selon le vingt-troisième considérant de la directive, une simple séquence d’ADN sans identification d’une fonction ne contient aucun enseignement technique, de sorte qu’elle ne saurait constituer une invention brevetable.

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