Enel Produzione SpA v Autorità per l'energia elettrica e il gas.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:511
Docket NumberC-242/10
Celex Number62010CC0242
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date21 July 2011

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 21 juillet 2011 (1)

Affaire C‑242/10

ENEL Produzione SpA

contre

Autorità per l’energia elettrica e il gas

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (Italie)]

«Directive 2003/54/CE – Marché intérieur de l’électricité – Services d’appel et équilibrage – Installations essentielles pour le fonctionnement et la sécurité du système électrique – Obligations de service public imposées à certains producteurs d’électricité»





I – Introduction

1. Par le présent renvoi préjudiciel, le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia interroge, en substance, la Cour de justice sur la compatibilité avec le droit de l’Union de certaines obligations imposées aux entreprises du secteur de l’électricité qui possèdent les installations appelées «installations essentielles», pour le fonctionnement du système électrique italien dans le cadre desdits services d’«appel et équilibrage».

2. Le régime cité des «installations essentielles» se présente comme une réponse aux besoins des services d’«appel et équilibrage», intimement liés, comme chacun sait, à la sécurité du réseau et à la régularité de l’approvisionnement. De ce point de vue, l’affaire relèverait donc clairement de l’article 11 de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE (2). Cependant, le législateur italien et les autorités de régulation font valoir que la mesure litigieuse poursuit également un objectif plus vaste de contrôle des prix de l’électricité payée par les consommateurs finals. Il découle de ce second volet et des caractéristiques mêmes du régime italien cité qu’il convient de compléter l’analyse par une référence à l’article 3, paragraphe 2, de la même directive, invoqué par certains intervenants, et ce dans la mesure où il autorise les États membres à imposer, dans certains cas et sous certaines conditions, des obligations de service public aux entreprises du secteur de l’électricité. L’arrêt rendu le 20 avril 2010 dans l’affaire Ferderutility e.a. (3), première application jurisprudentielle de cette réglementation sur les obligations de service public dans le secteur de l’énergie (4), constitue un précédent immédiat pour l’interprétation de cette disposition. En ces termes, la présente affaire permettra à la Cour de justice de se prononcer sur l’application de cette notion dans un contexte clairement différent de celui qui a été analysé dans l’affaire citée.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3. L’article 3 de la directive 2003/54 réglemente les obligations dites «de service public» et la protection des consommateurs. Son paragraphe 2 dispose comme suit:

«En tenant pleinement compte des dispositions pertinentes du traité, en particulier de son article 86, les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l’électricité, dans l’intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d’approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection de l’environnement, y compris l’efficacité énergétique et la protection du climat. Ces obligations sont clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables et garantissent aux entreprises d’électricité de l’Union européenne un égal accès aux consommateurs nationaux. En matière de sécurité d’approvisionnement et d’efficacité énergétique/gestion de la demande, ainsi que pour atteindre les objectifs environnementaux, comme indiqué dans le présent paragraphe, les États membres peuvent mettre en œuvre une planification à long terme, en tenant compte du fait que des tiers pourraient vouloir accéder au réseau.»

4. En vertu du paragraphe 9 de cet article 3, «[l]es États membres informent la Commission, lors de la mise en œuvre de la présente directive, de toutes les mesures qu’ils ont prises pour remplir les obligations de service universel et de service public».

5. Il est établit au paragraphe 2, de l’article 11, relatif à l’«appel et équilibrage» (5), que «[l]’appel des installations de production et l’utilisation des interconnexions sont faits sur la base de critères qui peuvent être approuvés par l’État membre, et qui doivent être objectifs, publiés et appliqués de manière non discriminatoire, afin d’assurer un bon fonctionnement du marché intérieur de l’électricité. Ils tiennent compte de l’ordre de préséance économique de l’électricité provenant des installations de production disponibles ou de transferts par interconnexion, ainsi que des contraintes techniques pesant sur le réseau». De même, il est établi au paragraphe 6 de cet article que «[l]es gestionnaires de réseau de transport se procurent l’énergie qu’ils utilisent pour couvrir les pertes d’énergie et maintenir une capacité de réserve dans leur réseau selon des procédures transparentes, non discriminatoires et reposant sur les règles du marché, à chaque fois qu’ils assurent cette fonction» (6).

B – La réglementation nationale (7)

1. Les décisions n° 168/03 et ERG/alt n° 111/06 de l’AEEG

6. Le 30 décembre 2003, l’AEEG a adopté la décision n° 168/03 (8), définissant les conditions de fonctionnement du service public d’appel dans le but de garantir la satisfaction de la demande d’électricité dans des conditions de sécurité suffisantes.

7. La décision ERG/alt n° 111/06, adoptée le 9 juin 2009 par l’AEEG (9), a modifié la décision n° 168/03, en autorisant la société Terna Rete Elettrica Nazionale SpA, gestionnaire du réseau de transport d’électricité en Italie et responsable de l’exercice de l’activité d’appel sur tout le territoire national (10), à déterminer les «unités essentielles» à la sécurité du réseau électrique, instrument permettant l’identification des ressources nécessaires au développement du service d’appel.

2. La loi n° 2/09

8. La loi n° 2/09, du 28 janvier 2009 (11), a introduit certaines modifications au régime des unités essentielles établit dans la décision n° 111/06. L’article 3, paragraphe 10, sous d), de ladite loi fait référence à la réforme du marché des services d’appel, dont la gestion est confiée «au concessionnaire du service de transport et d’appel, aux fins de permettre la sélection des besoins en ressources nécessaires pour garantir la sécurité sur le réseau électrique au moyen d’une appréciation transparente et efficace du point de vue économique. Les services d’appel sont garantis par l’achat des ressources nécessaires par les opérateurs habilités. Sur le marché des services d’appel, le prix de l’énergie est déterminé en se fondant sur les différents prix obligatoirement proposés par chaque utilisateur habilité, et acceptés par le concessionnaire des services d’appel, la préférence étant attribuée aux offres dont les prix sont les plus bas, jusqu’à ce que les besoins soient totalement satisfaits».

9. Il est disposé à l’article 3, paragraphe 11, de la loi n° 2/09 que, compte tenu de la crise économique exceptionnelle qui existe sur le plan international et de ses effets sur les prix des matières premières, et afin de «garantir l’allégement des charges supportées par les ménages et les entreprises, et de réduire le prix de l’énergie électrique», l’AEEG adapte ses propres décisions, y compris en ce qui concerne l’appel d’énergie électrique, en se conformant aux principes et aux critères directeurs suivants:

«a) les entités disposant individuellement d’installations ou de groupements d’installations essentielles à la satisfaction des besoins des services d’appel, tels qu’ils sont identifiés sur la base des critères établis par l’[AEEG] conformément aux principes visés au présent point, sont tenues de présenter des offres sur les marchés aux conditions fixées par ladite [AEEG], laquelle met en œuvre des mécanismes ponctuels visant à minimiser les coûts du système et à garantir une rémunération équitable des fournisseurs. Sont notamment indispensables à la couverture des besoins des services d’appel, uniquement au cours des périodes où les conditions décrites ci-après se vérifient, les installations qui, d’un point de vue technique et structurel, s’avèrent indispensables à la résolution d’encombrements du réseau ou au maintien de niveaux suffisants de sécurité du système électrique national pendant une période significative.

[…]»

3. La décision AGR/elt n° 52/09 de l’AEEG

10. En application de la loi n° 2/09, l’AEEG a adopté, le 29 avril 2009, la décision AGR/elt n° 52/09 (12), modifiant sa précédente décision n° 111/06, par laquelle elle a introduit une nouvelle réglementation relative aux «installations essentielles au fonctionnement du système électrique».

11. Conformément à l’article 63.9 de la décision n° 111/06, modifié par l’article 1er, sous c), de la décision n° 52/09, le gestionnaire du réseau de transport et des services d’appel (Terna SpA) doit établir et publier chaque année une liste des installations et des groupements d’installations qui sont considérés essentiels pour le fonctionnement et la sécurité du système électrique, en indiquant pour chacun d’entre eux, entre autres informations, les raisons qui justifient leur inscription sur la liste et les périodes pendant lesquelles l’installation en question est considérée comme essentielle.

12. En vertu de l’article 63.2 de la décision n° 111/06, Terna SpA considère comme essentielle:

«a) l’installation sans laquelle, notamment en raison des exigences liées à la programmation de l’entretien des autres installations de production et des éléments de réseau, il est impossible, au cours de l’année civile suivante, de garantir des normes de gestion appropriées aux fins de la sécurité du réseau électrique;

b) tout autre installation faisant partie d’un groupement d’installations essentiel, déterminé...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 3 December 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 December 2020
    ...decisions, the Commission had relied on the judgment of the Court of Justice of 8 September 2011, Commission v Netherlands (C‑279/08 P, EU:C:2011:511). 11 Esperia intervened in support of the form of order sought by Axpo, being itself a party to another similar dispute, proceedings which be......
2 cases
  • Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 3 December 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 December 2020
    ...La Commission a ajouté s’être appuyée, dans ces décisions, sur l’arrêt de la Cour du 8 septembre 2011, Commission/Pays‑Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:511). 11 Esperia, elle‑même partie à un autre litige similaire, suspendu devant la juridiction de renvoi dans l’attente de la réponse de la Cour ......
  • Enel Produzione SpA v Autorità per l'energia elettrica e il gas.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 December 2011
    ...C-242/10 Enel Produzione v Autorità per l'energia elettrica e il gas (Reference for a preliminary ruling from the Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia) (Directive 2003/54/EC – Internal market in electricity – Electricity generating installations essential to the operation of ......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT