Compagnie de Saint-Gobain, Zweigniederlassung Deutschland v Finanzamt Aachen-Innenstadt.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:110
Docket NumberC-307/97
Celex Number61997CC0307
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date02 March 1999
EUR-Lex - 61997C0307 - FR 61997C0307

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 2 mars 1999. - Compagnie de Saint-Gobain, Zweigniederlassung Deutschland contre Finanzamt Aachen-Innenstadt. - Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Köln - Allemagne. - Liberté d'établissement - Impôts sur les revenus des sociétés - Avantages fiscaux. - Affaire C-307/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-06161


Conclusions de l'avocat général

1 Le litige au principal oppose la Compagnie de Saint-Gobain, Zweigniederlassung Deutschland (ci-après «Saint-Gobain ZN»), succursale allemande de la société de capitaux Compagnie de Saint-Gobain SA, établie en France, aux autorités fiscales allemandes, en l'espèce le Finanzamt Aachen-Innenstadt.

2 Saint-Gobain ZN est considérée, sur le plan fiscal, comme un établissement stable de la société française qui, en vertu du droit allemand, est soumise en Allemagne à une obligation fiscale limitée, car ni son siège ni sa direction commerciale ne se trouvent en Allemagne. Cette obligation porte tant sur les revenus perçus en Allemagne par l'intermédiaire de son établissement stable que sur le patrimoine détenu dans celui-ci.

3 Dans le capital d'exploitation de Saint-Gobain ZN, Saint-Gobain SA détenait en 1988 les participations suivantes:

- 10,2 % des actions de la société Certain Teed Corporation (CTC), établie aux États-Unis d'Amérique;

- 98,63 % du capital de la société Grünzweig & Hartmann AG, établie en Allemagne, dont les bénéfices, qui ont été transférés à Saint-Gobain ZN en vertu d'un contrat d'intégration fiscale comportant un contrat de transfert des bénéfices conclu avec celle-ci, incluaient des dividendes d'affiliation («Schachteldividenden») distribués par deux filiales, Isover SA, établie en Suisse, et Linzer Glasspinnerei Franz Haider AG, établie en Autriche;

- 99 % du capital de la société Gevetex Textilglas GmbH, établie en Allemagne, dont les bénéfices ont également été transférés à Saint-Gobain ZN en 1988, en vertu d'un contrat de même nature, et comportaient des dividendes d'une filiale italienne, Vitrofil SpA.

4 Ces deux filiales, établies en Allemagne, étant chacune liées à Saint-Gobain ZN par un contrat d'intégration fiscale («Organvertrag»), les revenus de participation dans les sous-filiales étrangères sont, en droit fiscal, directement attribués à Saint-Gobain ZN, et donc à Saint-Gobain SA, société soumise à une obligation fiscale limitée. Elles ne sont donc pas traitées comme des sociétés de capitaux résidentes, contrairement à ce qui serait le cas en l'absence de tels contrats d'intégration fiscale.

5 Dans son recours au principal, Saint-Gobain ZN s'oppose à diverses mesures prises par le Finanzamt dans le cadre de l'imposition sur les sociétés pour l'année 1988, ainsi que de l'établissement de l'avis relatif à la valeur fiscale du patrimoine d'exploitation au 1er janvier 1989.

6 Tout d'abord, le Finanzamt ne lui a pas accordé l'exonération des dividendes provenant des États-Unis et de Suisse, prévue par les conventions de non double imposition conclues par la République fédérale d'Allemagne avec ces pays [«internationales Schachtelprivileg» (privilège d'affiliation internationale)].

7 Celle-ci découle en particulier de l'article XV de la convention fiscale germano-américaine de 1954/1965 (1) et de l'article 24 de la convention fiscale germano-suisse de 1971, dans la version en vigueur en 1988 (2).

8 Le premier prévoit que, en ce qui concerne une société de capitaux allemande, sont exclus de l'assiette de l'impôt allemand les revenus provenant de sources situées aux États-Unis et y étant imposables. Ceci comprend les revenus provenant de dividendes, lorsqu'ils sont versés par une société américaine à une société de capitaux allemande détenant directement au moins 25 % des actions à droit de vote de la société américaine [taux abaissé à 10 % en application de l'article 26, paragraphe 7, du Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l'impôt sur les sociétés, ci-après le «KStG»)].

9 Le second dispose que sont exclus de l'assiette de l'impôt allemand les dividendes qu'une société de capitaux établie en Suisse distribue à une société de capitaux soumise à une obligation fiscale illimitée en Allemagne lorsque, selon la législation fiscale allemande, l'impôt suisse perçu sur le bénéfice de la société distributrice pourrait également être imputé sur l'impôt allemand sur les sociétés.

10 En second lieu, si le Finanzamt a, certes, imputé sur l'impôt sur les sociétés l'impôt à la source retenu dans les divers États où la société distributrice est établie (imputation directe prévue à l'article 26, paragraphe 1, du KStG), il a refusé l'imputation de l'impôt payé sur les bénéfices distribués par les filiales et sous-filiales étrangères dans les États où elles sont établies. Il s'agit de l'imputation indirecte prévue à l'article 26, paragraphe 2, de la même loi. Il ressort de cette disposition que, lorsqu'une société mère imposable de façon illimitée détient une participation dans le capital d'une filiale étrangère, elle peut, sur demande et sous certaines conditions, être autorisée à imputer sur l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable, à raison des dividendes que lui distribue la filiale, un impôt sur les bénéfices à la charge de cette dernière.

11 Enfin, en ce qui concerne l'impôt sur la fortune, le Finanzamt n'a pas exclu du patrimoine national de l'établissement stable la participation au capital de la filiale américaine et n'a donc pas accordé à Saint-Gobain ZN le privilège d'affiliation internationale en matière d'impôt sur la fortune prévu à l'article 102, paragraphe 2, du Bewertungsgesetz (loi relative à l'évaluation des biens, ci-après le «BewG»).

12 Celui-ci dispose que, sous certaines conditions, lorsqu'une société de capitaux allemande détient une participation directe dans le capital d'une filiale étrangère, la participation, sur demande, n'entre pas dans le patrimoine d'exploitation de la société allemande.

13 A l'appui de son recours devant le Finanzgericht Köln, Saint-Gobain ZN fait valoir que le fait de refuser à l'établissement stable allemand d'une société de capitaux établie dans un autre État membre le bénéfice de l'imputation indirecte et des privilèges d'affiliation en matière d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur la fortune constitue une violation des articles 52 et 58 du traité CE.

14 Le Finanzgericht Köln a constaté qu'il était conforme au droit allemand en vigueur en 1988 de refuser cette imputation et ces privilèges à un établissement stable allemand d'une société de capitaux étrangère. En effet, les dispositions prévoyant ceux-ci ne bénéficiaient qu'aux sociétés ayant en Allemagne une responsabilité fiscale illimitée, c'est-à-dire y ayant leur siège ou leur direction commerciale. La requérante au principal, succursale d'une société établie dans un autre État membre, ne remplissait donc pas cette condition.

15 La juridiction de renvoi s'est toutefois demandé si un tel refus était susceptible de constituer une discrimination contraire aux articles 52 et 58 du traité. Elle se réfère notamment à l'arrêt de la Cour Commission/France (dit «de l'avoir fiscal») (3).

16 Le Finanzgericht Köln nous pose donc les questions suivantes:

«1) Est-il compatible avec le droit communautaire en vigueur, notamment les dispositions combinées des articles 52 et 58 du traité, qu'un établissement stable situé en Allemagne et exploité par une société de capitaux ayant son siège dans un autre État membre n'ait pas bénéficié, dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés de capitaux ayant leur siège en Allemagne, du privilège d'affiliation (Schachtelprivileg) accordé pour les dividendes en vertu d'une convention fiscale conclue avec un pays tiers aux fins d'éviter les doubles impositions?

2) Est-il compatible avec le droit communautaire en vigueur, notamment les dispositions combinées des articles 52 et 58 du traité, que l'impôt prélevé dans un pays tiers sur les bénéfices d'une société y étant établie, laquelle est la filiale d'un établissement stable situé en Allemagne et exploité par une société de capitaux ayant son siège dans un autre État membre, n'ait pas été imputé, dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés de capitaux ayant leur siège en Allemagne, sur l'impôt dont est redevable cet établissement au titre de l'impôt allemand sur les sociétés?

3) Est-il compatible avec le droit communautaire en vigueur, notamment les dispositions combinées des articles 52 et 58 du traité, qu'un établissement stable situé en Allemagne et exploité par une société de capitaux ayant son siège dans un autre État membre ne bénéficie pas, dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés de capitaux ayant leur siège en Allemagne, du privilège d'affiliation (Schachtelprivileg) en matière d'impôt sur la fortune?»

17 Il est à noter que, depuis les faits du litige au principal, les dispositions décrites ci-dessus ont fait l'objet d'importantes modifications. En effet, à compter de la période d'imposition 1994, en vertu du Standortsicherungsgesetz du 13 septembre 1993 (loi visant à maintenir et renforcer l'attrait de la République fédérale d'Allemagne comme lieu d'implantation d'entreprises) (4), le législateur allemand a étendu aux établissements stables de sociétés étrangères certains avantages fiscaux jusqu'alors réservés aux sociétés soumises à une obligation fiscale illimitée en Allemagne. Ainsi, l'article 8 b, paragraphe 4, du KStG accorde aux personnes soumises à une obligation fiscale limitée, pour leurs établissements stables nationaux, les exonérations fiscales que prévoient les conventions...

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