CIBA Speciality Chemicals Central and Eastern Europe Szolgáltató, Tanácsadó és Keresdedelmi kft v Adó- és Pénzügyi Ellenőrzési Hivatal (APEH) Hatósági Főosztály.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:790
Docket NumberC-96/08
Celex Number62008CC0096
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 December 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR Sharpston

présentées le 17 décembre 2009 (1)

Affaire C‑96/08

CIBA Speciality Chemicals Central and Eastern Europe Szolgáltató, Tanácsadó és Keresdedelmi kft

contre

Adó- és Pénzügyi Ellenőrzési Hivatal Hatósági Főosztály

[demande de décision préjudicielle formée par le Pest Megyei Bíróság (Hongrie)]

«Fiscalité – Liberté d’établissement – Calcul d’un prélèvement sur la base des coûts salariaux du personnel employé, y compris celui employé dans une succursale établie dans un autre État membre»





1. La présente affaire soulève deux questions délicates. La première est celle de savoir dans quelle mesure le traité CE limite la compétence des États membres en matière de fiscalité directe (2). La seconde a trait au rôle revenant à la Cour dans l’élimination de la double imposition (3). Le Pest Megyei Bíróság (cour du comitat de Pest, Hongrie) cherche à savoir si les articles 43 CE et 48 CE interdisent aux autorités fiscales hongroises de recouvrer une «contribution à la formation professionnelle» (ci-après la «contribution») calculée sur la base des coûts salariaux, en prenant en compte le nombre de salariés, y compris ceux employés dans une succursale établie dans un autre État membre, où la société s’acquitte des impôts et des contributions dus au titre desdits salariés.

Cadre juridique

Le traité CE

2. L’article 43 CE interdit les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre. L’article 48 CE prévoit que cette interdiction vaut également à l’égard des sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté, de sorte qu’il convient de les assimiler à cet égard aux personnes physiques ressortissantes des États membres (4).

La convention bilatérale

3. La convention entre la République de Hongrie et la République tchèque tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (5) (ci-après la «convention bilatérale») régit, ainsi que cela ressort de son titre même, à la fois la perception d’impôts et l’évasion fiscale dans les cas où des personnes physiques ou morales sont susceptibles d’être assujetties à un impôt dans les deux États contractants.

4. Les articles 1 et 2 de la convention bilatérale (6) prévoient que la convention bilatérale s’applique aux personnes qui sont des résidents d’un des États contractants ou des deux, ainsi qu’aux impôts sur le revenu et sur la fortune, en ce compris les impôts sur le montant global des salaires payés par les entreprises.

La législation hongroise pertinente

5. Parmi les objectifs énoncés à l’article 1 de la loi n° LXXXVI de 2003, relative à la contribution à la formation professionnelle et aux aides à l’amélioration de la formation, figure celui de permettre aux personnes d’acquérir des qualifications reconnues par les autorités hongroises qui sont nécessaires à l’exercice, en tant que salarié, d’une activité ou d’une profession.

6. L’article 2 de cette loi impose aux sociétés dont le siège social est situé en Hongrie d’acquitter la contribution. Les personnes morales dont le siège est situé à l’étranger sont également tenues d’acquitter la contribution si elles disposent en Hongrie d’une succursale.

7. Selon l’article 3 de cette même loi, la base de calcul de la contribution est constituée par les coûts salariaux calculés selon la législation hongroise (loi n° C de 2000 relative à la comptabilité).

8. Une société qui choisit d’acquitter la contribution directement auprès des autorités fiscales est tenue d’exécuter son obligation en totalité. Toutefois, l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la loi n° LXXXVI octroie aux sociétés la possibilité d’opter en faveur d’un certain nombre de modalités qui réduisent le montant brut de leur obligation (ci-après le «régime d’exécution par équivalent»). Quatre possibilités s’offrent à une société qui souhaite faire usage du régime d’exécution par équivalent: i) conclure un accord de coopération avec un établissement d’enseignement supérieur satisfaisant aux conditions de la loi n° LXXVI de 1993, relative à la formation professionnelle; ii) conclure un «contrat d’apprentissage» à des fins de formation pratique comportant un «stage en entreprise» suivi d’une période d’enseignement dans un établissement d’enseignement professionnel; iii) octroyer une aide au développement à un établissement de formation professionnelle et iv) conclure un contrat avec une institution agréée en vue de la formation de ses propres salariés (7).

Procédure au principal et question préjudicielle

9. CIBA Speciality Chemicals Central and Eastern Europe Szolgáltató, Tanácsadó és Kereskedelmi kft (ci-après «CIBA») est une société dont le siège social est situé en Hongrie, exerçant des activités dans le secteur de la chimie. Elle dispose d’une succursale en République tchèque qui emploie une partie de son personnel. CIBA s’acquitte en République tchèque des impôts et des contributions dus au titre des salariés employés dans cet État.

10. L’autorité fiscale hongroise, l’Adó- és Pénzügyi Ellenőrzési Hivatal (ci-après l’«APEH»), a procédé à un contrôle fiscal auprès de CIBA portant sur les exercices 2003 et 2004. Sur la base de ce contrôle, l’APEH a constaté une insuffisance de la déclaration fiscale effectuée par CIBA pour les exercices en question. Cela s’explique par le fait que CIBA n’a pas tenu compte de l’intégralité de ses coûts salariaux en Hongrie, ainsi que de ceux de sa succursale en République tchèque, aux fins du calcul du montant de la contribution à acquitter.

11. CIBA a saisi le Pest Megyei Bíróság d’un recours dirigé contre la décision de l’autorité fiscale en se prévalant du fait qu’elle s’était déjà acquittée en République tchèque d’une contribution analogue à la contribution hongroise à la formation professionnelle, en ce qui concerne les salariés employés dans cet État (8).

12. Le Pest Megyei Bíróság a considéré que, conformément à la législation nationale, CIBA devait acquitter la contribution aussi bien pour les salariés employés par sa succursale en République tchèque que pour ceux employés en Hongrie. Bien que la juridiction nationale ait constaté que, au cours de la période allant du 1er avril 2000 au 22 avril 2006, CIBA s’était effectivement acquittée, en République tchèque, de cotisations de sécurité sociale et de la contribution étatique à l’emploi, elle a estimé que le paiement de la contribution hongroise n’entrait pas dans le champ d’application de la convention bilatérale.

13. La juridiction de renvoi a néanmoins suspendu la procédure et saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«Une disposition en vertu de laquelle une société commerciale dont le siège social est situé en Hongrie est tenue de verser la contribution à la formation professionnelle, même dans le cas où elle emploie des salariés dans une succursale étrangère et qu’elle s’acquitte des impôts et des contributions dus au titre de ces relations de travail auprès de l’État de la succursale, apparaît-elle critiquable au regard de la liberté d’établissement visée aux articles 43 et 48 du traité CE

14. Des observations écrites ont été présentées au nom de CIBA, du gouvernement hongrois et de la Commission des Communautés européennes. Ces trois parties ainsi que le gouvernement du Royaume-Uni ont été entendus en leurs observations orales à l’audience.

Appréciation

15. CIBA fait valoir que l’obligation d’acquitter la contribution à la formation professionnelle est contraire au principe de liberté d’établissement depuis l’adhésion de la République de Hongrie à l’Union européenne en date du 1er mai 2004 (9). Cette obligation pénaliserait les entreprises hongroises exerçant une liberté fondamentale du traité, dès lors qu’elles seraient tenues d’acquitter à deux reprises une contribution comparable pour les mêmes salariés: aux autorités fiscales hongroises (en raison du fait que la société a son siège social en Hongrie) et aux autorités fiscales tchèques (parce que la succursale est établie en République tchèque) (10). CIBA prétend qu’il s’agit d’une restriction à la liberté d’établissement garantie par les articles 43 CE et 48 CE.

Quelle est la nature exacte de la contribution?

16. Les parties s’opposent sur le point de savoir si la contribution à la formation professionnelle constitue ou non un impôt. Or, il importe de déterminer la nature exacte de la contribution afin de savoir si elle relève de la compétence reconnue aux États membres en matière de fiscalité directe. En effet, cela conditionne la mesure dans laquelle CIBA peut se prévaloir des articles 43 CE et 48 CE au soutien de son affirmation selon laquelle le double prélèvement auquel elle est assujettie serait illégal.

17. Les gouvernements hongrois et du Royaume-Uni font valoir que la contribution à la formation professionnelle est un impôt. En conséquence, la détermination de sa base de calcul relèverait de la compétence reconnue aux États membres en matière fiscale. L’apparition d’un double prélèvement résultant de l’obligation d’acquitter à la fois la contribution à la formation professionnelle en Hongrie et un prélèvement comparable en République tchèque ne serait que la conséquence de l’exercice parallèle par deux États membres de leur compétence fiscale. C’est pourquoi il ne pourrait s’agir d’une restriction au regard des articles 43 CE et 48 CE.

18. CIBA fait valoir que la contribution litigieuse n’est pas techniquement un impôt et que le double prélèvement est bien constitutif d’une restriction au regard des articles 43 CE et 48 CE.

19. La Commission affirme que la contribution en question serait ce qu’elle dénomme un impôt «spécial» qui restreindrait l’exercice du droit d’établissement, dès lors que CIBA serait...

To continue reading

Request your trial
9 practice notes
  • European Commission v Kingdom of Spain.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 7 October 2010
    ...2007, Comisión/Italia (C‑260/04, Rec. p. I‑7083), apartado 27. 38 – Véase, como ejemplo reciente, la sentencia de 15 de abril de 2010, CIBA (C‑96/08, Rec. p. I‑000), apartado 48. 39 – Véase el punto 8 40 – Véanse los puntos 7 y 20 supra, respectivamente. 41 – Sentencia de 4 de junio de 2002......
  • Haribo Lakritzen Hans Riegel BetriebsgmbH (C-436/08) and Österreichische Salinen AG (C-437/08) v Finanzamt Linz.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 February 2011
    ...which could arise from the exercise of competence thus attributed by the two Member States (see Damseaux, paragraphs 30 and 34, and Case C‑96/08 CIBA [2010] ECR I‑0000, paragraphs 27 and 28). 171 Accordingly, Article 63 cannot be interpreted as obliging a Member State to provide, in its tax......
  • Ingrid Schmelz v Finanzamt Waldviertel.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 17 June 2010
    ...22 – Case C‑513/04 Kerckhaert and Morres [2006] ECR I‑10967, paragraph 20; Case C‑67/08 Block [2009] ECR I‑883, paragraph 28; and Case C‑96/08 CIBA [2010] ECR I‑0000, paragraph 25. 23 – See also my Opinion in Case C‑309/06 Marks & Spencer [2008] ECR I‑2283, point 32 et seq. 24 – See, in thi......
  • National Grid Indus BV v Inspecteur van de Belastingdienst Rijnmond/kantoor Rotterdam.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 29 November 2011
    ...octubre de 2008, Krankenheim Ruhesitz am Wannsee‑Seniorenheimstatt, C‑157/07, Rec. p. I‑8061, apartado 29, y de 15 de abril de 2010, CIBA, C‑96/08, Rec. p. I‑2911, apartado 18). 36 Asimismo, es jurisprudencia reiterada que deben considerarse restricciones a la libertad de establecimiento to......
  • Request a trial to view additional results
2 cases
  • Tankreederei I SA v Directeur de l’administration des contributions directes.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 22 December 2010
    ...beyond what is necessary for that purpose (see, to that effect, Case C‑150/04 Commission v Denmark [2007] ECR I‑1163, paragraph 46, and Case C-96/08 CIBA [2010] ECR I‑0000, paragraph 45). 20 No possible justification has been put forward by the Luxembourg Government in the present case nor ......
  • Pohotovosť s. r. o. v Ján Soroka.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 April 2014
    ...à l’Union (voir arrêts Ynos, C‑302/04, EU:C:2006:9, point 36; Telefónica O2 Czech Republic, C‑64/06, EU:C:2007:348, points 22 et 23; CIBA, C‑96/08, EU:C:2010:185, point 14, ainsi que ordonnance Semerdzhiev, C‑32/10, EU:C:2011:288, point 25). La Cour a d’ailleurs déjà été amenée à appliquer ......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT