D. v Inspecteur van de Belastingdienst/Particulieren/Ondernemingen buitenland te Heerlen.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:663
Date26 October 2004
Celex Number62003CC0376
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-376/03

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 26 octobre 2004 (1)

Affaire C-376/03

D

contre

Inspecteur van de Belastingdienst/Particulieren/Ondernemingen buitenland te Heerlen

[demande de décision préjudicielle formée par le Gerechtshof te ‘s-Hertogenbosch (Pays-Bas)]

«Libre circulation des capitaux – Fiscalité directe – Impôt sur la fortune – Droit à abattement – Distinction entre contribuables résidents et non-résidents – Non-résident dont la fortune imposable se trouve en totalité dans l’État d’imposition»





I – Introduction

1. La réalisation de l’union douanière dans la Communauté a exigé la mise en place d’un tarif douanier commun et la circulation des marchandises sans entraves a imposé une harmonisation de la fiscalité indirecte. Les libertés de circulation des personnes et des capitaux devraient conduire à un rapprochement de la fiscalité directe, afin que les décisions sur la localisation desdites personnes et desdits capitaux ne soient pas influencées par l’ampleur plus ou moins grande de la pression fiscale dans les différents États membres (2).

2. Pourtant, ces derniers gardent leur souveraineté pour légiférer sur les contributions de cette nature et ce terrain est en principe interdit à l’ordre juridique de l’Union (3). Ils doivent cependant, dans l’exercice de cette compétence, respecter les dispositions du droit communautaire (4), en particulier – pour ce qui concerne la présente affaire – celle relative à la libre circulation des capitaux, qui, en tant qu’elle s’oppose de toute évidence à l’adoption de mesures propres à décourager les investissements des ressortissants nationaux dans d’autres États membres (5) ou – cas plus extravagant – propres à dissuader les étrangers de placer leurs fonds à l’intérieur du pays (6), interdit les normes fiscales qui produisent des effets de ce genre.

3. Le renvoi préjudiciel dans la présente affaire soulève des questions de principe sur la compétence fiscale des États membres et les limites qui lui sont assignées par le droit communautaire. En premier lieu, la Cour de justice est appelée à préciser si la doctrine développée au sujet de l’impôt sur le revenu des personnes physiques s’applique automatiquement à l’impôt sur les successions. En deuxième lieu, elle est appelée à analyser la possibilité que, par le truchement d’une convention de double imposition, un État membre établisse une discrimination entre les citoyens des autres États membres. Finalement, elle devra une fois encore statuer sur la conformité d’une norme de procédure nationale au principe d’effectivité du droit communautaire.

4. Aux Pays-Bas, le régime applicable à l’impôt sur la fortune permet aux contribuables résidents un abattement, dont les non-résidents établis dans d’autres États membres ne peuvent bénéficier que si 90 % ou plus de leur patrimoine se trouve sur le territoire néerlandais. La quatrième chambre fiscale du Gerechtshof te ‘s-Hertogenbosch (7) se pose la question de la conformité de cette réglementation avec la libre circulation des capitaux.

Par ailleurs, le même État membre a passé avec le Royaume de Belgique une convention de double imposition en vertu de laquelle les ressortissants de ce dernier pays bénéficient de l’abattement dans les mêmes conditions que les contribuables résidents, quelle que soit la proportion représentée par les biens néerlandais dans leur patrimoine global. La juridiction de renvoi doute de la légalité des différences de traitement que cet instrument international introduit entre les personnes résidant en Belgique et celles établies dans d’autres pays de l’Union européenne.

Finalement, la juridiction de renvoi aborde la question de la compatibilité du principe d’effectivité du droit communautaire avec une réglementation nationale en vertu de laquelle les dépens récupérables par le requérant ayant obtenu gain de cause dans une procédure ouverte pour défendre ses droits ne forment qu’une fraction minime des frais réellement encourus.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

5. L’article 56 CE interdit les restrictions aux mouvements de capitaux et aux paiements entre les États membres ainsi qu’entre ces derniers et les pays tiers, sans préjudice des dispositions de la législation fiscale nationale qui établissent, entre les contribuables, des distinctions fondées sur la résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis [article 58, paragraphe 1, sous a), CE]. En toute hypothèse, cette réserve ne saurait constituer un prétexte pour l’adoption de mesures introduisant une discrimination arbitraire ou une restriction déguisée à la liberté précitée (article 58, paragraphe 3, CE).

6. Pour sa part, l’article 293, deuxième tiret, CE permet aux États membres d’engager des négociations en vue d’assurer, en faveur de leurs ressortissants, l’élimination de la double imposition à l’intérieur de la Communauté.

B – Le droit néerlandais

1. En ce qui concerne l’impôt sur la fortune

7. Le Royaume des Pays-Bas a perçu cet impôt jusqu’en l’an 2000. Il était régi par la loi relative à l’impôt sur la fortune (Wet op de vermogensbelasting 1964 ci-après la «Wet VB»), dont l’article 1er en faisait un impôt direct applicable aux personnes physiques. Cette disposition distinguait les contribuables résidents de ceux qui, domiciliés dans d’autres États membres, possédaient des biens imposables aux Pays-Bas («contribuables non-résidents»).

8. L’article 3 prévoyait que les résidents étaient imposables pour l’ensemble de leur fortune, alors que, d’après l’article 12, les non-résidents n’étaient soumis à l’impôt sur la fortune que pour le patrimoine qu’ils possédaient aux Pays-Bas au début de l’année civile; dans les deux cas, ce patrimoine était constitué par la différence entre la valeur des biens possédés et les dettes.

9. D’après l’article 14, paragraphe 2, le montant imposable pour les contribuables résidents était le patrimoine net, calculé de la façon indiquée, après déduction de l’abattement mentionné dans le paragraphe suivant, alors que les non-résidents étaient imposés sans bénéficier d’aucun abattement. Selon le paragraphe 3, l’abattement se montait en 1998 à 193 000 NLG pour les célibataires (catégorie I) et à 241 000 NLG pour les personnes mariées (catégorie II).

10. Le 18 avril 2003, le Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) a décidé que l’article 14, paragraphe 3, de la Wet VB devait s’appliquer également aux contribuables non-résidents, à condition que 90 % ou plus de leur patrimoine se situe aux Pays-Bas (8).

2. Sur les conventions de double imposition conclues par le Royaume des Pays-Bas

a) Avec le Royaume de Belgique

11. En application de cet accord bilatéral, du 19 octobre 1970, la fortune constituée par des biens immobiliers est imposable dans l’État où ces biens sont situés (article 23, paragraphe 1).

12. L’article 25, paragraphe 3, prévoit que «les personnes physiques résidentes de l’un des États bénéficient dans l’autre État des déductions personnelles, abattements et réductions qui sont accordés par cet autre État à ses propres résidents en raison de leur situation ou de leurs charges de famille».

13. C’est ainsi que les contribuables établis en Belgique ont pu bénéficier des avantages fiscaux que la Wet VB accordait aux personnes établies aux Pays-Bas.

14. À l’époque des faits de la procédure au principal, il n’y avait pas d’impôt sur la fortune dans le système fiscal belge.

b) Avec la République fédérale d’Allemagne

15. D’après la convention conclue à La Haye le 16 juin 1959 entre le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale d’Allemagne, les biens immobiliers d’un contribuable peuvent être soumis à un impôt sur la fortune par l’État compétent, en vertu de la convention, pour imposer les revenus produits par ces biens (article 19).

16. Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, les revenus qu’un habitant d’un des États tire des biens immobiliers situés dans l’autre État peuvent être imposés par ce dernier.

17. À partir du 1er janvier 1997, l’impôt sur la fortune a été aboli en Allemagne. Dans un arrêt du 22 juin 1995, le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) a déclaré que la loi régissant cet impôt était inconstitutionnelle pour violation du principe d’égalité, tout en permettant son maintien en vigueur jusqu’au 31 décembre 1996.

3. Sur la compensation des frais de procédure

18. La procédure applicable au contentieux fiscal néerlandais est soumise à la loi générale sur le droit administratif (Algemene Wet Bestuursrecht, ci-après: l’Awb), qui permet au justiciable d’agir sans l’assistance d’un avocat. Conformément à l’article 8:73 de cette loi, un tribunal peut condamner l’administration fiscale à indemniser le requérant du préjudice causé par l’adoption d’un avis d’imposition inexact; cette réparation doit inclure les frais réels exposés jusqu’au stade de la réclamation.

19. Les frais de procédure sont régis par l’article 8:75 de l’Awb, qui renvoie au règlement du 22 décembre 1993 sur les frais de justice dans les procédures de droit administratif (Besluit van 22 december 1993, houdende nadere regels betreffende de proceskostenveroordeling in bestuursrechtelijke procedures), une norme à caractère réglementaire dont l’article 1er, sous a), inclut dans la condamnation aux dépens notamment les frais exposés pour l’assistance d’un professionnel du droit; aux termes de l’article 2, ces frais sont évalués de manière forfaitaire, au moyen d’un système de points (attribués en fonction de la nature de l’acte et de sa complexité) figurant dans une annexe (9).

20. Conformément à l’article 2, paragraphe 3, de ce texte, il est possible de déroger à la règle de principe lorsque se présentent des circonstances particulières. Selon la juridiction de renvoi, le simple fait qu’un avis d’imposition a été établi en violation du droit communautaire ne constitue pas une telle circonstance.

III – Les faits du...

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