Silhouette International Schmied GmbH & Co. KG v Hartlauer Handelsgesellschaft mbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:33
Docket NumberC-355/96
Celex Number61996CC0355
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date29 January 1998
EUR-Lex - 61996C0355 - FR 61996C0355

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 29 janvier 1998. - Silhouette International Schmied GmbH & Co. KG contre Hartlauer Handelsgesellschaft mbH. - Demande de décision préjudicielle: Oberster Gerichtshof - Autriche. - Directive 89/104/CEE - Epuisement du droit de marque - Marchandise mise dans le commerce dans la Communauté ou dans un pays tiers. - Affaire C-355/96.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-04799


Conclusions de l'avocat général

1 Dans sa jurisprudence sur les articles 30 et 36 du traité CE, la Cour a établi, en matière de marques, comme pour d'autres formes de propriété intellectuelle, un principe d'épuisement communautaire (1): ainsi, la vente dans la Communauté, par le titulaire de la marque ou avec son consentement, des produits qui sont revêtus de cette marque, épuise les droits de marque à l'intérieur de la Communauté, et, sauf circonstances exceptionnelles, le titulaire ne peut s'opposer à ce que d'autres personnes fassent usage de cette marque dans des opérations en aval en quelque endroit que ce soit de la Communauté.

2 L'article 7, paragraphe 1, de la directive sur les marques (2) donne effet au principe de l'épuisement communautaire tel que l'a développé la jurisprudence de la Cour. Il dispose que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. En vertu de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après l'«EEE»), ce principe a ensuite été étendu au territoire de l'EEE, qui se compose actuellement, d'une part, de la Communauté, et, d'autre part, de l'Islande, du Liechtenstein et de la Norvège. Le titulaire de la marque peut-il toutefois interdire à un tiers de faire usage de la marque dans la Communauté ou l'EEE pour des produits qui ont été mis dans le commerce hors de l'EEE sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement? Cette question se pose à la suite d'une demande préjudicielle présentée par l'Oberster Gerichtshof (Autriche).

3 Le problème est donc de savoir si le droit communautaire impose aux États membres de ne prévoir l'épuisement que lorsque les produits ont été mis dans le commerce au sein de l'EEE, ou si, au contraire, les États membres peuvent (ou peut-être même doivent) prévoir l'épuisement lorsque les produits ont été mis dans le commerce dans un pays tiers - un principe d'épuisement international (c'est-à-dire mondial).

La directive sur les marques

4 La directive sur les marques a été adoptée sur la base de l'article 100 A du traité CE. Elle n'avait pas pour objet «de procéder à un rapprochement total des législations des États membres en matière de marques», mais simplement de rapprocher les «dispositions nationales ayant l'incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur» (troisième considérant de la directive).

5 Les premier, troisième et neuvième considérants de la directive indiquent respectivement:

«considérant que les législations qui s'appliquent actuellement aux marques dans les États membres comportent des disparités qui peuvent entraver la libre circulation des produits ainsi que la libre prestation des services et fausser les conditions de concurrence dans le marché commun; qu'il est donc nécessaire, en vue de l'établissement et du fonctionnement du marché intérieur, de rapprocher les législations des États membres;

...

considérant qu'il n'apparaît pas nécessaire actuellement de procéder à un rapprochement total des législations des États membres en matière de marques et qu'il est suffisant de limiter le rapprochement aux dispositions nationales ayant l'incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur;

...

considérant qu'il est fondamental, pour faciliter la libre circulation des produits et la libre prestation des services, de faire en sorte que les marques enregistrées jouissent désormais de la même protection dans la législation de tous les États membres; que cela, cependant, n'enlève pas aux États membres la faculté d'accorder une protection plus large aux marques ayant acquis une renommée».

6 En résumé, la directive harmonise les conditions générales relatives à «l'acquisition et [à] la conservation du droit sur la marque enregistrée» (septième considérant) et les droits conférés par une marque (articles 5, 6 et 7). Elle précise donc les signes susceptibles de constituer une marque (article 2), les motifs de refus ou de nullité d'une marque (articles 3 et 4), les effets de la tolérance de l'usage d'une marque postérieure (article 9) et du non-usage d'une marque (articles 10 et 12), ainsi que les motifs de déchéance d'une marque (article 12).

7 Cependant, dans certains domaines, liberté est laissée aux États membres d'adopter les dispositions prévues par la directive: ainsi définit-elle par exemple certains motifs facultatifs de refuser une marque à l'enregistrement ou de la déclarer nulle (articles 3, paragraphe 2, et 4, paragraphe 4), ainsi qu'une option permettant d'accorder, dans certaines circonstances spécifiques, la protection à une marque en ce qui concerne son usage pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires, lorsque celle-ci jouit d'une renommée (article 5, paragraphe 2) (3). En outre, le septième considérant précise que:

«les États membres pourront maintenir ou introduire dans leur législation des motifs de refus ou de nullité liés à des conditions d'acquisition ou de conservation du droit sur la marque pour lesquelles il n'existe pas de dispositions de rapprochement et qui sont relatives, par exemple, à la qualité du titulaire de la marque, au renouvellement de la marque, au régime des taxes ou au non-respect des règles de procédure».

La directive abandonne également aux États membres des domaines tels que la procédure concernant l'enregistrement, la déchéance et la nullité des marques (cinquième considérant), la protection de marques non enregistrées (quatrième considérant) et les dispositions relatives à la concurrence déloyale, à la responsabilité civile et à la protection des consommateurs (sixième considérant).

8 Les dispositions les plus importantes en ce qui concerne la présente affaire sont les articles 5 et 7, respectivement intitulés «Droits conférés par la marque» et «Épuisement du droit conféré par la marque».

9 L'article 5 dispose que:

«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque.

...

3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:

a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

b) d'offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe;

c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe;

d) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité.» 10 L'article 7 dispose que:

«1. Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

2. Le paragraphe 1 n'est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s'oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l'état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce.»

11 Des dispositions relatives à l'épuisement et d'effet analogue à celles figurant à l'article 7 ont été inscrites dans d'autres actes communautaires relatifs aux droits de propriété intellectuelle (4). Le texte le plus pertinent à cet égard est le règlement sur la marque communautaire, que nous examinons ci-après.

L'accord EEE

12 Bien que l'article 7, paragraphe 1, de la directive sur les marques fasse référence à une mise dans le commerce dans la Communauté, le principe de l'épuisement des droits a été étendu, à certaines fins, et ainsi que nous l'avons déjà indiqué, à l'EEE. La directive a été l'un des actes législatifs intégrés au droit de l'EEE par l'accord ayant institué l'EEE (5), lequel est entré en vigueur le 1er janvier 1994 (6). L'annexe XVII à l'accord modifie, «aux fins du présent accord», l'article 7, paragraphe 1, de la directive de sorte à faire référence à une commercialisation au sein de l'EEE plutôt que dans la Communauté: elle remplace les termes «dans la Communauté» par les mots «sur le territoire d'une partie contractante» (7). En outre, un protocole à l'accord, le protocole 28, concernant la propriété intellectuelle, renferme un article 2 intitulé «Épuisement des droits» (8). L'article 2, paragraphe 1, dispose:

«Dans la mesure où l'épuisement des droits est traité dans les actes ou la jurisprudence communautaires, les parties contractantes prévoient l'épuisement des droits de propriété intellectuelle tel que prévu dans le droit communautaire. Sans préjudice de l'évolution future de la jurisprudence, la présente disposition est interprétée conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de signature de l'accord.»

13 Aucun problème relevant dudit protocole n'est soulevé dans la présente affaire, dont les faits se sont produits après que la république...

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