Landeshauptstadt Kiel v Norbert Jaeger.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2003:209
Date08 April 2003
Celex Number62002CC0151
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-151/02
EUR-Lex - 62002C0151 - FR 62002C0151

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 8 avril 2003. - Landeshauptstadt Kiel contre Norbert Jaeger. - Demande de décision préjudicielle: Landesarbeitsgericht Schleswig-Holstein - Allemagne. - Politique sociale - Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs - Directive 93/104/CE - Notions de 'temps de travail' et de 'période de repos' - Service de garde ('Bereitschaftsdienst') assuré par un médecin dans un hôpital. - Affaire C-151/02.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-08389


Conclusions de l'avocat général

1. Le Landesarbeitsgericht Schleswig-Holstein (Allemagne) a soumis à la Cour quatre questions préjudicielles ayant pour objet de l'interroger sur l'interprétation de plusieurs dispositions de la directive 93/104/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail .

Concrètement, il s'agit de savoir si les périodes de garde que les médecins assurent dans les hôpitaux constituent en totalité du temps de travail, dans l'hypothèse où il leur est permis de dormir dans l'établissement durant les phases où l'on ne fait pas appel à leurs services.

I - Les faits du litige principal

2. M. Norbert Jaeger, demandeur au principal et intimé devant le Landesarbeitsgericht qui a soumis les questions préjudicielles à la Cour, travaille depuis le 1er mai 1992 comme médecin dans le service de chirurgie de l'hôpital de la ville de Kiel (Allemagne). Il s'est engagé, en vertu d'une clause annexe du contrat de travail, à assurer des services de garde relevant de la catégorie D du point 8, paragraphe 2, de l'annexe 2 c du Bundesangestelltentarifvertrag, la convention collective régissant le personnel employé par l'administration fédérale, qui s'applique au contrat en vertu de l'accord des parties. Depuis avril 1998, M. Jaeger effectue les trois quarts de la journée de travail normale, soit environ vingt-neuf heures hebdomadaires.

3. En règle générale, l'intéressé effectue chaque mois six services de garde qui, du lundi au jeudi, durent seize heures; le vendredi, dix-huit heures et demie; le samedi, vingt-cinq heures (de 8 h 30 à 9 h 30 le dimanche) et, le dimanche, vingt-deux heures quarante-cinq minutes (de 8 h 30 à 7 h 15 le lundi), ce qui représente au total cent quatorze heures par mois. Le service de garde succède, du lundi au vendredi, immédiatement à la fin d'une journée de travail normale de huit heures.

4. Durant les services de garde, le médecin se tient dans l'établissement et effectue le travail qui lui est demandé. Il dispose d'une pièce équipée d'un lit, qu'il partage avec deux collègues, dans laquelle il est autorisé à dormir lorsqu'on ne fait pas appel à ses services. En vertu de la convention collective applicable, les phases d'activité ne dépassent pas 49 % en moyenne de la durée de ces périodes sur plusieurs mois . Il bénéficie, en contrepartie, en partie de temps libre , et en partie d'une rétribution supplémentaire.

5. M. Jaeger estime que le service de garde effectué à l'hôpital est du temps de travail. La Landeshauptstadt Kiel, administration qui gère l'hôpital, partie défenderesse et appelante dans le litige principal, soutient en revanche, sur la base de la jurisprudence constante des juridictions nationales et de la doctrine dominante en Allemagne, que les services de garde, pour ce qui est des phases où les médecins n'exercent pas d'activité, doivent être considérés comme des périodes de repos, et non comme du temps de travail.

6. Alors que le demandeur a obtenu gain de cause en première instance, la Landeshauptstadt Kiel a fait appel du jugement.

II - La législation allemande

7. Selon les indications de la juridiction de renvoi, le temps de travail et le temps de repos sont régis par l'Arbeitszeitgesetz (loi allemande sur le temps de travail) du 6 juin 1994, qui a été adoptée en vue de transposer la directive 93/104 en droit interne.

8. En vertu de l'article 2, paragraphe 1, de l'Arbeitszeitgesetz, est considérée comme temps de travail la période comprise entre le début et la fin de la journée de travail, à l'exclusion des pauses; en vertu de son article 3, cette journée de travail ne peut excéder huit heures les jours ouvrables, mais elle peut toutefois être prolongée jusqu'à dix heures, à la condition de ne pas dépasser une moyenne de huit heures par jour ouvrable sur un semestre civil ou sur vingt-quatre semaines.

9. Le repos des travailleurs est visé à l'article 5 de l'Arbeitszeitgesetz, qui prévoit qu'ils doivent bénéficier, à l'issue de leur journée de travail, d'un repos ininterrompu d'au moins onze heures.

L'article 5, paragraphe 2, permet toutefois que, dans les hôpitaux et autres institutions de traitement, de soins et d'accueil des personnes, la période de repos soit réduite d'une heure au plus, dès lors que, en compensation, au cours du mois civil ou dans les quatre semaines, une autre période de repos est prolongée à douze heures au moins.

L'article 5, paragraphe 3, stipule que, dans ces établissements de soins, les phases d'activité au cours des services de garde («Bereitschaftsdienst») ou d'astreinte («Rufbereitschaft») n'excédant pas la moitié du temps de repos peuvent être compensées à d'autres moments.

10. L'article 7, paragraphe 2, de l'Arbeitszeitgesetz permet, dans la mesure où la protection de la santé du travailleur est assurée par une compensation sous forme de périodes de repos équivalentes, que les conventions collectives ou les accords d'entreprise conviennent:

- que, par dérogation à l'article 5, paragraphe 1, les temps de repos en cas de service de garde ou d'astreinte sont adaptés aux spécificités de ces services, les réductions du temps de repos en raison de phases d'activité au cours des gardes étant compensées à d'autres moments;

- que, dans le secteur des soins, les dispositions des articles 3, 4, 5, paragraphe 1, et 6, paragraphe 2, sont adaptées en fonction des spécificités de ces activités et du bien-être des personnes;

- dans l'administration et les établissements de l'État fédéral, des Länder, des communes et des autres organismes, institutions et fondations de droit public, et autres employeurs qui sont soumis aux dispositions d'une convention collective applicable au service public ou d'une convention collective d'une teneur en substance identique, les dispositions susmentionnées des articles 3, 4, 5, paragraphe 1, et 6, paragraphe 2, sont adaptées en fonction des spécificités des activités exercées par ces organismes.

11. En vertu de l'article 15 de la convention collective applicable au personnel employé par l'administration fédérale, la durée hebdomadaire de travail, calculée sur une période de huit semaines, atteint en moyenne trente-huit heures et demie. La durée de travail peut être prolongée jusqu'à dix heures par jour ou quarante-neuf heures hebdomadaires en moyenne, si elle inclut un service de garde obligatoire («Arbeitsbereitschaft») d'au moins deux heures par jour en moyenne; jusqu'à onze heures par jour, ou cinquante-quatre heures hebdomadaires en moyenne, si la garde dure trois heures par jour en moyenne, et jusqu'à douze heures par jour, ou soixante heures hebdomadaires en moyenne, si le travailleur reste dans l'établissement mais ne travaille que lorsqu'on le lui demande.

Les employés sont tenus, sur instruction de leur employeur, de se tenir, en dehors de l'horaire de travail normal, en un lieu déterminé, où ils peuvent être appelés à travailler en fonction des besoins. Ils ne peuvent être contraints d'effectuer des services de garde que pour autant que le volume d'activité prévu, selon l'expérience acquise, n'excède pas la durée des périodes de calme.

Le gouvernement allemand a mentionné, dans ses observations écrites, que cette convention collective permet de ramener la période de repos des médecins à huit heures. Les partenaires sociaux ont convenu que la période minimale de repos suivant une garde de fin de semaine est de douze heures mais, si la garde est de douze heures accomplies après une journée de travail de sept heures et demie, le temps de repos peut être ramené à huit heures.

III - Les questions préjudicielles

12. Le Landesarbeitsgericht affirme que la notion de service de garde n'est pas définie dans l'Arbeitszeitgesetz. Il s'agit à la fois de l'obligation de se tenir en un lieu déterminé, et d'être disponible afin de travailler immédiatement en cas de besoin. L'employé se repose ou s'active en fonction des circonstances. Lorsqu'il agit, il ne le fait pas de lui-même, mais uniquement sur instruction de l'employeur. M. Jaeger assure des services de garde répondant à cette définition.

Il relève que, en droit allemand, le service de garde compte comme période de repos, et non comme temps de travail, sur la base des articles 5, paragraphe 3, et 7, paragraphe 2, de l'Arbeitszeitgesetz. Le fait que les réductions des périodes de repos dues aux phases d'activité soient compensées à un autre moment démontrerait que le service de garde est comptabilisé comme période de repos lorsque l'employé n'a effectué aucun travail.

Il ajoute que le Bundesarbeitsgericht s'est prononcé à plusieurs reprises en ce sens ces dernières années, quoique, en matière de rétribution. À son sens, on ne saurait dire que le travailleur qui dort fournit un service moindre par rapport au déroulement du service normal, puisqu'il n'en fournit aucun. En transposant ce raisonnement à la question présente, il faudrait affirmer que, pendant qu'il dort, le travailleur n'est pas à la disposition de l'employeur au sens de la directive 93/104.

13. Afin de résoudre la question au fond, la juridiction allemande a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour, pour une décision préjudicielle, les questions suivantes:

«1) Le service de garde effectué dans un hôpital par un travailleur est-il à considérer de manière générale comme du temps de travail au sens de l'article 2, premier alinéa, de la directive...

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