Du Pont de Nemours Italiana SpA v Unità sanitaria locale Nº 2 di Carrara.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1989:600
Date28 November 1989
Celex Number61988CC0021
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-21/88
EUR-Lex - 61988C0021 - FR 61988C0021

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 28 novembre 1989. - Du Pont de Nemours Italiana SPA contre Unità Sanitaria locale no 2 di Carrara. - Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale della Toscana - Italia. - Marchés publics de fournitures - Réservation de 30 % de ces marchés aux entreprises situées dans une région déterminée. - Affaire C-21/88.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-00889
édition spéciale suédoise page 00359
édition spéciale finnoise page 00377


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - En fait

1 . L' affaire dont nous avons à connaître aujourd' hui porte sur l' appréciation au regard du droit communautaire du système de préférence institué en Italie au bénéfice du Mezzogiorno . Il ne s' agit, dans la présente espèce, que de l' une d' un certain nombre de demandes de décision à titre préjudiciel qui, portant sur des faits analogues, sont actuellement en instance devant la Cour ( 1 ). Elle a été introduite par le tribunale amministrativo regionale della Toscana et tend à obtenir une décision sur l' interprétation des articles 30, 92 et 93 du traité CEE .

2 . La demanderesse au principal, Du Pont de Nemours SpA ( ci-après "demanderesse "), a attaqué par deux recours distincts, qui ont été joints par la juridiction de renvoi, des mesures prises par l' Unità sanitaria locale n° 2 di Carrara ( ci-après "défenderesse ").

3 . La demanderesse avait été admise à participer à un appel d' offres restreint lancé par la défenderesse et annoncé par avis du 15 février 1986 .

4 . Le 1er mars 1986 est entrée en vigueur la loi n° 64/86 qui a élargi, tant du point de vue matériel que du point de vue personnel, la portée du régime de préférence déjà institué au bénéfice des régions du sud de l' Italie . En application de cette loi, la défenderesse, en tant qu' unité sanitaire locale, s' est trouvée, elle aussi, dans l' obligation de se fournir, à concurrence d' au moins 30 % de ses besoins, auprès d' entreprises disposant d' établissements et d' installations fixes situés sur le territoire auquel s' applique le régime préférentiel et dans lesquels les produits requis ont dû - même partiellement - être fabriqués .

5 . Sur ce, la défenderesse a, par décision du 3 juin 1986, arrêté les conditions de passation d' un marché de fournitures en pellicules et liquides de radiologie, en répartissant, dans le cahier spécial des charges annexé, les fournitures en deux lots, dont l' un, égal à 30 % du montant global, était réservé aux entreprises situées dans le Mezzogiorno . Cette mesure constitue l' objet du litige au principal, de même qu' une décision arrêtée par la défenderesse le 15 juin 1986, par laquelle elle a procédé à l' attribution du lot de 70 %. La demanderesse a été exclue de la participation à la procédure de passation du marché portant sur le lot restant de 30 %, au motif qu' elle n' avait pas d' établissement dans le Mezzogiorno .

6 . La juridiction de renvoi a soulevé plusieurs questions ayant trait à l' interprétation du droit communautaire, qui visent à porter une appréciation sur la compatibilité de la loi n° 64/86 avec les dispositions du droit communautaire .

7 . La première question tend à savoir si l' article 30, qui interdit les restrictions quantitatives à l' importation ainsi que toutes mesures d' effet équivalent, s' oppose à la réglementation nationale en cause . La juridiction de renvoi demande, ensuite, à savoir si la réglementation nationale peut être qualifiée comme une "aide" au sens de l' article 92 et, le cas échéant, si la mission d' apprécier la compatibilité d' une aide avec le marché commun incombe exclusivement à la Commission ou bien également au juge national .

8 . La société Du Pont de Nemours Deutschland GmbH est intervenue dans l' affaire au soutien de la demanderesse; la société 3M Italiana SpA est intervenue au soutien de la défenderesse . Les parties intervenantes ont également présenté leurs observations à la Cour .

9 . Pour un exposé plus détaillé des faits, des dispositions législatives applicables en l' espèce ainsi que des arguments développés par les parties, nous prions la Cour de bien vouloir se reporter au rapport d' audience .

B - En droit

1 . Sur les rapports de concurrence entre l' article 30 et l' article 92 du traité CEE

10 . Il paraît opportun de s' interroger sur les rapports de concurrence qui existent entre l' article 30 et l' article 92, du fait que l' applicabilité de l' une de ces dispositions exclut, dans certains cas, l' applicabilité de l' autre . La question se pose de savoir si une mesure arrêtée par un État membre, qui doit être considérée comme une mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative à l' importation, peut constituer en même temps une aide au sens de l' article 92 . La question peut également présenter de l' intérêt lorsqu' elle se pose en termes inverses, à savoir si une mesure qui doit être considérée comme une aide étatique peut également faire l' objet d' un examen au regard des dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, en particulier de l' article 30 .

11 . Il convient, tout d' abord, de partir du principe que tant l' interdiction des restrictions quantitatives à l' importation et des mesures d' effet équivalent que l' interdiction, prévue à l' article 92, des aides accordées par les États ou au moyen de ressources d' État poursuivent un objectif commun, qui est d' assurer la libre circulation des marchandises entre États membres dans des conditions normales de concurrence ( 2 ).

12 . Il résulte de l' interdiction, prévue à l' article 30, des mesures d' effet équivalant à des restrictions quantitatives à l' importation comme de l' interdiction, prévue à l' article 92, paragraphe 1, des aides qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, qu' une mesure arrêtée par un État membre qui entre dans le champ d' application de ces dispositions est illégale . Une application concurrente de ces deux dispositions conduirait ainsi, sur le fond, au même résultat, dans la mesure où chacune de ces deux interdictions a pour conséquence juridique l' incompatibilité de la mesure nationale en cause avec le droit communautaire .

13 . Pour des raisons tenant à la procédure, il est néanmoins nécessaire de procéder à une distinction du fait que l' article 30 est, de manière incontestée, d' effet direct et que tout ressortissant de la Communauté peut, le cas échéant, se prévaloir de cette norme devant les juridictions d' un État membre . L' article 92, paragraphe 1, par contre, n' a pas le caractère d' une norme déployant un effet direct, l' interdiction qu' il édicte n' étant ni absolue ni inconditionnelle ( 3 ), comme il ressort de ses paragraphes 1 et 2 ainsi que des dispositions de l' article 93 . En outre, la mission d' apprécier si une aide est interdite au titre de l' article 92, paragraphe 1, autorisée au titre du paragraphe 2, ou peut être considérée comme compatible avec le marché commun au titre du paragraphe 3, incombe, aux termes de l' article 93 et dans le cadre de l' examen permanent des régimes d' aides, à la Commission .

14 . A l' exception de l' article 93, paragraphe 3, dernière phrase, les dispositions des articles 92 et 93 ne peuvent être invoquées devant les juridictions des États membres que "si elles ont été concrétisées par les actes de portée générale prévus par l' article 94 ou par les décisions, dans les cas particuliers qu' envisage l' article 93, paragraphe 2" ( 4 ).

15 . Ces conséquences différentes du point de vue procédural constituent déjà un indice de ce que ces dispositions recouvrent, en principe, des champs d' application différents . Dans l' affaire 74/76, la Cour s' est prononcée sur ces questions de délimitation en ces termes ( 5 ):

"... pour étendu que soit le champ d' application de l' article 30, il ne comprend cependant pas les entraves visées par d' autres dispositions spécifiques du traité ".

"... la circonstance qu' un système d' aides d' État ou au moyen de ressources d' État est susceptible, par le seul fait qu' il favorise certaines entreprises ou productions nationales, d' entraver, à tout le moins indirectement, l' importation de produits similaires ou concurrents en provenance des autres États membres ne suffit pas, à elle seule, pour assimiler, en tant que telle, une aide à une mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative au sens de l' article 30 ".

La Cour a poursuivi son argumentation en énonçant que :

"... une interprétation à ce point extensive de l' article 30, qu' elle assimilerait, en tant que telle, une aide, au sens de l' article 92, à une restriction quantitative visée à l' article 30, aurait pour effet d' altérer la portée des articles 92 et 93 du traité et de porter atteinte au système de distribution de compétences ..." 3 .

16 . Si certains points de ce raisonnement tendent à reconnaître un caractère particulier aux dispositions des articles 92 et 93 par rapport à celles de l' article 30, il convient néanmoins de noter la formule employée par la Cour à propos de la qualification d' une aide "en tant que telle ". Selon la Cour, il est en outre nécessaire de distinguer les champs d' application respectifs de ces dispositions, "étant réservé cependant le cas des situations pouvant tomber simultanément sous l' application de deux ou plusieurs dispositions du droit communautaire" 5 .

17 . Dans le même arrêt, la Cour concède qu' il est possible, dans l' analyse d' un régime d' aides, d' isoler des éléments qui ne sont pas nécessaires à son objet .

"Dans cette dernière hypothèse, il n' y a pas de motifs tirés de la répartition de compétences découlant des articles 92 et 93 pour conclure que, dans le cas de violation d' autres dispositions du traité, ayant effet...

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