Laurent Gbagbo (C-478/11 P), Katinan Justin Koné (C-479/11 P), Akissi Danièle Boni-Claverie (C-480/11 P), Alcide Djédjé (C-481/11 P) and Affi Pascal N’Guessan (C-482/11 P) v Council of the European Union.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2012:831 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Docket Number | C‑478/11,C‑482/11 |
Date | 19 December 2012 |
Celex Number | 62011CC0478 |
Procedure Type | Recurso de anulación |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PEDRO CRUZ VILLALÓN
présentées le 19 décembre 2012 ( 1 )
Affaires jointes C‑478/11 P à C‑482/11 P
Laurent Gbagbo (C‑478/11 P),
Katinan Justin Koné (C‑479/11 P),
Akissi Danièle Boni-Claverie (C‑480/11 P),
Alcide Djédjé (C‑481/11 P),
Affi Pascal N’Guessan (C‑482/11 P)
contre
Conseil de l’Union européenne
«Pourvoi — Mesures restrictives spécifiques adoptées à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d’Ivoire — Gel des fonds — Accès au territoire de l’Union — Absence de notification individuelle desdites mesures — Accès à la juridiction — Délai — Articles 111 et 113 du règlement de procédure du Tribunal — Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne»
1. |
Le contexte constitué par les cinq pourvois formés contre les cinq ordonnances du Tribunal de l’Union européenne déclarant irrecevables les recours présentés par les personnes concernées contre certaines mesures adoptées par le Conseil de l’Union européenne dans le cadre d’un processus de rétablissement de la paix et de la sécurité dans la région de la Côte d’Ivoire sous les auspices du Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le «Conseil de sécurité») donne à la Cour l’occasion de réaffirmer sa doctrine concernant le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’Union européenne face aux actes de ses institutions infligeant ce type de mesures. |
2. |
À la différence des affaires tranchées par les arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission ( 2 ), ainsi que du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil ( 3 ), dans les présentes affaires, il est demandé au Tribunal de se prononcer non pas sur la légalité des décisions par lesquelles ont été adoptées certaines mesures restrictives à l’encontre des requérants, mais sur la conformité au droit des ordonnances du Tribunal qui ont déclaré irrecevables les recours formés contre ces mesures. |
3. |
J’annonce d’ores et déjà que, selon moi, dans les circonstances spéciales des présentes affaires, les requérants devant le Tribunal auraient dû avoir la possibilité de présenter leurs arguments, de façon contradictoire, tant en ce qui concerne le moment auquel ils ont effectivement pris connaissance des mesures les affectant qu’en ce qui concerne d’éventuelles circonstances de force majeure, conformément à l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal; il convient ainsi de faire droit au second moyen des présents pourvois. En d’autres termes, j’estime que, dans les circonstances données, le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant d’office les recours susvisés comme étant «manifestement» tardifs, selon les termes de l’article 111 dudit règlement, à la seule vue des requêtes introductives d’instance. |
I – Les faits et le cadre réglementaire
4. |
Par la résolution 1572 (2004) du 15 novembre 2004, le Conseil de sécurité, agissant en vertu du chapitre VII de la charte des Nations unies et estimant que la situation interne de la République de Côte d’Ivoire mettait en péril la paix et la sécurité dans la région, a décidé d’infliger certaines mesures restrictives (à savoir interdiction des déplacements et gel des fonds, des avoirs financiers et des ressources économiques) en ce qui concerne les personnes et les institutions désignées par un comité instauré à cette fin par ladite résolution (ci-après le «comité des sanctions»). |
5. |
À partir du 13 décembre 2004, se sont succédées une série de décisions de l’Union en vue de donner application à ladite résolution 1572 (2004) ( 4 ). |
6. |
Après que les Nations unies eurent reconnu l’élection de M. Alassane Ouattara en tant que président de la République de Côte d’Ivoire en vertu du processus électoral mis en œuvre dans ce pays entre le 31 octobre et le 28 novembre 2010, le Conseil européen a, le 17 décembre 2010, appelé tous les responsables civils et militaires ivoiriens à se soumettre à l’autorité du président Ouattara, en confirmant que l’Union était déterminée à adopter des mesures de sanction à l’égard de quiconque ferait obstacle au respect de la volonté populaire. |
7. |
Le 22 décembre 2010, en vue d’infliger des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes qui, bien que n’ayant pas été désignées par le Conseil de sécurité ou par le comité des sanctions, faisaient obstruction au processus de paix et de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire et menaçaient, en particulier, la bonne fin du processus électoral, le Conseil a adopté la décision 2010/801/PESC ( 5 ), qui, pour ce qui nous intéresse ici, a inscrit sur la liste des personnes concernées par les mesures restrictives les noms de deux des demandeurs aux présents pourvois. |
8. |
En particulier, la décision 2010/801 a donné une nouvelle rédaction à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2010/656, selon laquelle: «1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire:
|
9. |
Parmi les noms inscrits par la décision 2010/801 sur la liste de l’annexe II de la décision 2010/656 figurent les noms ainsi que les précisions suivants:
[…]
|
10. |
Par la décision 2011/17/PESC ( 6 ), compte tenu de la gravité de la situation en Côte d’Ivoire, la décision 2010/656 a de nouveau été modifiée afin d’inscrire de nouveaux noms sur la liste de l’annexe II de la décision 2010/656. Pour ce qui nous intéresse en l’espèce, les noms suivants ont alors été inscrits:
[…]
|
11. |
Le 14 janvier 2011, la décision 2010/656 a de nouveau été modifiée par la décision 2011/18/PESC ( 7 ), qui a infligé des mesures restrictives supplémentaires, en particulier le gel des fonds, aux personnes inscrites sur la liste de ladite annexe II, également modifiée. En vertu de cette décision, le texte de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la décision 2010/656 a été remplacé par le texte suivant: «1. Tous les fonds et ressources économiques qui sont en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect:
sont gelés. 2. Aucun fonds, avoir financier ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes ou entités visées au paragraphe 1 ou utilisé à leur profit.» |
12. |
Ce même 14 janvier 2011, afin d’assurer la cohérence avec le processus de modification et de révision des annexes I et II de la décision 2010/656, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 25/2011 ( 8 ), qui remplace l’article 2 du règlement no 560/2005 par le texte suivant: «1. Tous les fonds et ressources économiques appartenant à, en possession de, détenus ou contrôlés par les personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe I ou à l’annexe IA sont gelés. 2. Aucun fonds ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe I ou à l’annexe IA ou utilisé à leur profit. 3. La participation volontaire et délibérée à des activités ayant pour objet ou pour effet direct ou indirect de contourner les mesures visées aux paragraphes 1 et 2 est interdite. 4. L’annexe I est composée des personnes physiques ou morales, des entités et des organismes visés à l’article 5, paragraphe 1, point a), de la décision 2010/656/PESC telle que modifiée. 5. L’annexe IA est composée des personnes physiques ou morales, des entités et des organismes visés à l’article 5, paragraphe 1, point b), de la décision 2010/656/PESC telle que modifiée.» |
13. |
S’agissant de MM. N’Guessan, Gbagbo et Koné ainsi que de Mme Boni-Claverie, leurs noms ont été maintenus sur la liste de l’annexe II de la décision 2010/656 et ont été inscrits sur la liste figurant à l’annexe IA du règlement no 560/2005. |
14. |
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