De Groot en Slot Allium BV and Bejo Zaden BV v Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie and Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:300
Date24 May 2005
Celex Number62004CC0147
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-147/04

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 24 mai 2005 (1)

Affaire C-147/04

De Groot en Slot Allium BV et

Bejo Zaden BV

contre

Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie

et

Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

«Libre circulation des marchandises agricoles – Restrictions quantitatives – Mesures d’effet équivalent – Réglementation nationale réservant la commercialisation sous la dénomination ‘échalote’ aux variétés cultivées par reproduction végétative par bulbes»





1. Le Conseil d’État (France) s’adresse à la Cour de justice pour savoir si un État membre peut empêcher la commercialisation sur son territoire, sous le nom d’échalotes, des variétés d’allium ascalonicum (2) cultivées avec des semences et non avec des bulbes.

2. Il invoque, au titre des dispositions communautaires en cause, les directives 70/458/CEE (3) et 92/33/CEE (4), qui réglementent la commercialisation des semences de légumes ainsi que celle des plants et autres matériels de reproduction de ces végétaux (5). Toutefois, sans préjudice de l’analyse des directives, il est indispensable d’élargir la perspective, en prenant en considération le contenu du traité CE, afin de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile.

I – Le cadre législatif

A – Le droit communautaire

1. Le droit primaire: le marché commun, la libre circulation des marchandises et les produits agricoles

3. Le marché commun, que l’article 2 CE vise à instaurer, comprend l’agriculture et le commerce de ses produits (6); son fonctionnement est facilité par une politique commune [articles 3, paragraphe 1, sous e), CE et 32, paragraphes 1 et 2, CE] dont l’un des objectifs est d’accroître la productivité en augmentant le progrès technique et en assurant le développement rationnel de la production [article 33, paragraphe 1, sous a), CE]. L’action commune requiert, dans certains cas, la coordination des diverses organisations nationales de marché [article 34, paragraphe 1, sous b), CE].

4. L’édification de cet ensemble nécessite également la suppression des obstacles à la circulation intracommunautaire des biens [article 3, paragraphe 1, sous c), CE], y compris des produits agricoles (article 32, paragraphes 1 et 2, CE), raison pour laquelle les restrictions quantitatives et les mesures d’effet équivalent sont interdites (articles 28 CE et 29 CE), excepté lorsqu’elles sont justifiées par les raisons énoncées à l’article 30 CE (7), mais, en tout état de cause, elles ne doivent pas être érigées en moyens de discrimination arbitraire ou en restriction déguisée dans les échanges.

5. En vertu de l’article 37 CE, le pouvoir normatif en la matière appartient au Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen.

2. Le droit dérivé: la commercialisation des instruments de reproduction des légumes

6. Les résultats satisfaisants de la culture des légumes dépendent, en grande partie, à la fois de la qualité et de l’état phytosanitaire des semences, des plants et des autres matériels employés pour leur multiplication. Sur le fondement de l’article 37 CE, précité, le Conseil a adopté les directives ci-dessus pour harmoniser les conditions de circulation des outils de reproduction, éliminant les entraves, résultant d’un régime différent selon les États membres, à la commercialisation des végétaux susmentionnés (voir les deuxième à quatrième considérants des deux directives).

7. Il a été choisi de créer une liste commune suivant quelques règles coordonnées, de sorte que l’inscription garantit l’exclusion de toute restriction commerciale (cinquième, septième, neuvième, dixième considérants et article 16 de la directive semences; dixième, quinzième considérants et article 14 de la directive plants).

8. Cependant, les domaines d’application de ces deux directives divergent.

a) La directive semences

9. Il est fait référence aux semences des légumes énumérés à l’article 2, paragraphe 1, partie A – où ne figure pas l’échalote (8) – dont les variétés, dès lors qu’elles ont été admises officiellement dans au moins un État membre, peuvent être certifiées (9), contrôlées en tant que semences autorisées (10) et commercialisées (article 3, paragraphe 1).

10. Chaque État membre établit un ou plusieurs catalogues (11) sur la base desquels un catalogue commun est élaboré, que la Commission est tenue de diffuser (articles 3, paragraphe 3, et 17).

11. Pour être inscrit dans ces catalogues, il faut que le groupe s’avère différencié, stable et suffisamment homogène, à savoir: qu’il se distingue nettement, par une caractéristique morphologique ou physiologique importante, d’autres catégories déjà acceptées ou sur le point de l’être; qu’il conserve ses qualités essentielles à la suite de ses reproductions ou multiplications successives ou à la fin de chaque cycle; et que les plantes qui le composent, sauf en cas d’aberration, soient, compte tenu des particularités de leur système de reproduction, semblables ou génétiquement identiques (articles 4 et 5). Si une variété perd ces qualités, sa mention doit être annulée et supprimée (articles 14, paragraphe 1, et 15, paragraphe 1).

12. Les États membres publient officiellement les listes des familles reconnues sur leur territoire et notifient leurs modifications au reste des pays de la Communauté et à la Commission, avec une brève description des propriétés concernant leur utilisation (articles 10, paragraphe 1, et 11, paragraphes 1 et 2).

13. Il convient d’éviter toute entrave pouvant faire obstacle aux semences cataloguées bien que, selon la procédure prévue à l’article 40 de la directive elle-même, un État membre soit habilité à interdire la circulation des semences d’une espèce non distincte, non stable ou insuffisamment homogène (article 16, paragraphes 1 et 2).

14. La Commission édite, comme je l’ai déjà indiqué, sous la dénomination de «Catalogue commun des variétés des espèces de légumes», les groupes dont les semences, selon l’article 16, sont commercialisées sans aucune limitation (article 17).

15. Les États membres, en vertu dudit article 40, sont autorisés à interdire la vente de l’un des groupes du catalogue unique susmentionné si sa culture nuit sur le plan phytosanitaire à la culture d’autres espèces (article 18).

16. La directive semences a été codifiée dans la directive 2002/55/CE du Conseil, du 13 juin 2002 (12), qui l’a remplacée avec le même titre. Ce nouveau texte est entré en vigueur au mois d’août 2002, mais il ne s’applique pas à la présente espèce, étant donné que la prétention litigieuse fait référence, comme il sera indiqué ci-après, à deux types de graines inscrites dans le catalogue commun en 1997.

b) La directive plants

17. Elle concerne la commercialisation intracommunautaire des plants et des matériels de multiplication (13) autres que les semences appartenant aux genres et aux espèces, ainsi qu’à leurs hybrides, des légumes énumérés à l’annexe II (article 1er), parmi lesquels se trouve l’échalote.

18. De tels instruments de reproduction des végétaux, qui sont énumérés dans l’annexe et qui figurent également dans la directive semences, circulent librement dans la Communauté s’ils correspondent à une variété admise conformément à cette dernière directive (article 9, paragraphe 1, de la directive plants). Autrement, comme dans le cas de l’échalote, le commerce est subordonné à leur reconnaissance officielle dans au moins un État membre, selon les conditions et formalités prévues dans la directive semences (article 9, paragraphe 2). Dans les deux hypothèses, l’inscription dans le catalogue commun doit respecter les conditions et la finalité indiquées aux articles 16 à 19 de la directive semences (article 9, paragraphe 4). En particulier, ils ne doivent pas être soumis à des restrictions commerciales distinctes de celles mentionnées dans la directive plants elle-même (article 14).

B – Le droit français: l’arrêté du 17 mai 1990 (14)

19. Cet arrêté vise les échalotes destinées à être livrées en l’état au consommateur (article 2); il n’autorise le terme «échalote» que pour les végétaux issus de l’allium cepa L. var ascalonicum obtenus par multiplication végétative par bulbes présentant certaines caractéristiques, interdisant, de ce fait, la vente sous cette dénomination de ceux qui se reproduisent d’une autre manière.

20. En vertu de l’article 214-2 du code de la consommation et du décret n° 55-1126, du 19 août 1955, pris pour l’application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes en ce qui concerne le commerce des fruits et légumes (15), la violation des dispositions de l’arrêté du 17 mai 1990 est sanctionnée pénalement en tant que contravention.

II – Les faits, le litige au principal et la question préjudicielle

21. L’échalote est une plante de jardin de la famille des liliacées, qui se cultive traditionnellement par reproduction végétative (16), en utilisant les bulbes. Ce mode d’exploitation se pratique avant tout dans les régions françaises de la Bretagne et de la Vallée de la Loire.

22. Les sociétés néerlandaises De Groot en Slot Allium BV et Bejo Zaden BV (ci-après «De Groot et Bejo») ont développé deux variétés de semences de ce tubercule, appelées «ambition» et «matador», se multipliant d’une façon sexuée. Le 29 juin 1995, les preuves pertinentes ayant été apportées, ces deux variétés ont été incluses, sur le fondement de la directive semences, dans le catalogue des Pays-Bas en tant que dérivées de l’espèce allium ascalonicum L. – Échalote, ce qui a été communiqué, avec la description de leurs particularités, aux autres États membres et à la Commission.

23. Le 18 mars 1997, cette institution a diffusé un complément à la dix-neuvième édition intégrale du catalogue commun, comprenant lesdites catégories sous le titre allium ascalonicum L. (17), sans...

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