PreussenElektra AG v Schhleswag AG, in the presence of Windpark Reußenköge III GmbH and Land Schleswig-Holstein.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2000:585
Docket NumberC-379/98
Celex Number61998CC0379
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date26 October 2000
EUR-Lex - 61998C0379 - FR 61998C0379

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 26 octobre 2000. - PreussenElektra AG contre Schhleswag AG, en présence de Windpark Reußenköge III GmbH et Land Schleswig-Holstein. - Demande de décision préjudicielle: Landgericht Kiel - Allemagne. - Electricité - Sources d'énergie renouvelables - Réglementation nationale imposant à des entreprises d'approvisionnement en électricité une obligation d'achat d'électricité à des prix minimaux et répartissant les charges en découlant entre ces entreprises et les entreprises d'exploitation de réseaux en amont - Aide d'Etat - Compatibilité avec la libre circulation des marchandises. - Affaire C-379/98.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-02099


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1. La présente affaire, déférée à la Cour par le Landgericht (tribunal régional) Kiel (Allemagne), concerne une loi allemande qui tend à promouvoir l'utilisation de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables. Cette loi impose, d'une part, aux entreprises régionales de distribution d'électricité d'acheter l'électricité produite dans leur zone d'approvisionnement à partir de sources d'énergie renouvelables, à des prix minimaux fixés. Elle impose, d'autre part, aux entreprises d'approvisionnement en électricité produite à partir de sources conventionnelles d'énergie situées en amont de verser aux entreprises de distribution situées en aval une compensation partielle pour les surcoûts résultant de cette obligation d'achat.

2. La juridiction de renvoi pose essentiellement la question de savoir:

- si le système mis en place par cette loi constitue une aide d'État en faveur des producteurs d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables au sens de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et, en guise de question subsidiaire,

- si ce système constitue une mesure équivalant à une restriction quantitative aux importations au sens de l'article 30 du traité CE (devenu, après modification, article 28 CE).

3. Ces questions se posent dans le cadre d'une procédure dans laquelle une entreprise d'approvisionnement en électricité d'origine conventionnelle située en amont conteste la compatibilité de la loi allemande avec le droit communautaire et postule sur cette base le remboursement des montants payés à une entreprise de distribution d'électricité située en aval, soumise à l'obligation d'achat. L'entreprise d'approvisionnement requérante est actionnaire majoritaire de l'entreprise de distribution défenderesse et toutes deux s'accordent sur l'incompatibilité de la loi en cause avec le droit communautaire et le droit constitutionnel national.

4. Les difficultés principales consistent dans cette affaire à déterminer si la procédure nationale revêt un caractère artificiel au sens des arrêts Foglia , si seules les mesures financées par des ressources d'État constituent une aide d'État et si une mesure nationale qui accorde aux produits nationaux un traitement plus favorable que celui accordé aux produits importés peut être justifiée pour des raisons environnementales.

II - Le Stromeinspeisungsgesetz allemand dans ses versions successives et l'attitude de la Commission à l'égard de cette loi

1. La structure du secteur de l'approvisionnement en électricité en Allemagne et l'obligation d'achat de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables avant l'entrée en vigueur du Stromeinspeisungsgesetz 1990

5. Il ressort des documents soumis à la Cour que le secteur de l'électricité allemand peut être divisé en trois niveaux.

6. Au premier niveau se situent quelques grandes entreprises qui produisent la plupart de l'électricité consommée en Allemagne et qui exploitent des réseaux à haute tension (320, 220 ou 110 kilovolts). La fonction principale de ces réseaux est le transport de l'électricité sur de grandes distances, l'échange d'électricité avec les réseaux voisins et l'approvisionnement d'entreprises régionales de distribution. Les importations et exportations d'électricité se font également à ce niveau mais, en règle générale, pas l'approvisionnement des clients finals.

7. Au deuxième niveau, plus ou moins 60 entreprises régionales de distribution d'électricité exploitent des réseaux de moyenne tension (20, 10 ou 6 kilovolts). Ces réseaux acheminent l'électricité provenant du premier niveau, la distribuent dans l'ensemble du territoire national et approvisionnent soit directement les industries soit, via des réseaux de basse tension, les consommateurs. Une certaine quantité d'électricité est également produite à ce niveau.

8. Au troisième niveau, l'électricité est livrée au consommateur final au moyen de réseaux locaux de basse tension. Ces réseaux sont exploités soit par les entreprises de distribution régionales elles-mêmes, soit par des entreprises de distribution locales qui sont souvent détenues par les communes. Il n'y a que peu de production d'électricité à ce troisième niveau.

9. À chacun de ces trois niveaux, l'infrastructure nécessaire (par exemple, le réseau matériel en tant que tel, les transformateurs) n'existe qu'en un seul exemplaire pour chaque région donnée.

10. En accord avec d'autres gouvernements, les autorités allemandes ont pendant de nombreuses années promu la production et la consommation d'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables, telles que le vent, l'eau et le soleil, afin d'augmenter la part de l'électricité produite à partir de ces sources dans l'ensemble de la production nationale d'électricité.

11. Il a été jugé opportun de soutenir la demande tout en adoptant des mesures en faveur de l'approvisionnement telles que des subsides pour la recherche et le développement. Avant 1990, les autorités allemandes comptaient à cet égard sur le droit national de la concurrence pour contraindre les entreprises de distribution d'électricité (en situation de monopole dans un territoire donné) d'acheter l'électricité produite dans leur zone d'approvisionnement à partir de sources d'énergie renouvelables. Le prix d'achat de ce type d'électricité était déterminé conformément au principe des coûts évités («vermiedene Kosten») . Selon que l'entreprise de distribution d'électricité concernée produisait elle-même de l'électricité, le prix d'achat de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables était fonction de ses coûts d'achat ou de production évités.

2. Le Stromeinspeisungsgesetz 1990

12. Le 7 décembre 1990, la République fédérale d'Allemagne a adopté le Gesetz über die Einspeisung von Strom aus erneuerbaren Energien in das öffentliche Netz (loi relative à l'alimentation du réseau public en courant électrique provenant de sources d'énergie renouvelables, ci-après le «Stromeinspeisungsgesetz 1990» ou le «StrEG 1990»).

13. Cette loi obligeait les entreprises publiques d'approvisionnement en électricité:

- d'acheter toute l'électricité produite dans leur zone d'approvisionnement à partir de sources d'énergie renouvelables telles que le vent, l'eau et le soleil (ci-après l'«obligation d'achat»);

- de payer pour cette électricité un prix d'achat minimal fixé, calculé en fonction du prix moyen de vente de l'électricité au niveau national ; pour ce qui est de l'électricité générée par l'énergie éolienne, le prix d'achat a été fixé à 90 % du prix de vente moyen de l'électricité livrée aux consommateurs finals par les entreprises d'approvisionnement en électricité (ci-après la «règle du prix minimal»).

14. Il est bien établi que, dans le cadre du Stromeinspeisungsgesetz, l'expression «entreprises publiques d'approvisionnement en électricité» désigne tant des entreprises privées que des entreprises publiques.

15. Le StrEG 1990 contenait également une sorte de clause de sauvegarde . Lorsque le respect de l'obligation d'achat entraînait des «difficultés injustifiées» («unbillige Härte») pour l'entreprise d'approvisionnement en électricité concernée, l'entreprise d'approvisionnement en électricité située en amont (généralement une entreprise exploitant un réseau à haute tension) se voyait obligée de prendre en charge l'obligation d'achat et de se conformer à la règle du prix minimal. Cette clause de sauvegarde n'a pratiquement jamais été appliquée en raison sans doute de sa formulation plutôt vague.

16. Le gouvernement allemand avait notifié le projet de StrEG 1990 à la Commission, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE) par lettre du 14 août 1990.

17. Par lettre du 19 décembre 1990, la Commission a informé la République fédérale d'Allemagne de sa décision de ne pas soulever d'objections à l'encontre de cette loi. En vertu d'un examen effectué conformément à l'article 92 du traité, elle a estimé que l'ampleur de l'aide variait de 28 à 48 % selon la source d'énergie renouvelable concernée et que la loi engendrerait des profits additionnels de 48 millions de DEM en faveur des 4 000 producteurs d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables du secteur privé. Le projet de loi était, toutefois, conforme aux objectifs de la politique énergétique de la Communauté européenne. En outre, l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables ne constituait qu'une part réduite du secteur de l'énergie et les profits additionnels pour les producteurs ainsi que l'effet sur les prix de l'électricité étaient négligeables. La Commission a indiqué qu'elle réexaminerait cette loi deux ans après son entrée en vigueur et que toute modification ou prorogation de ladite loi devrait faire l'objet d'une notification préalable.

18. Le StrEG 1990 a été modifié pour la première fois par la loi du 19 juillet 1994 . Parmi d'autres modifications d'importance mineure, le prix d'achat minimal de l'électricité produite à partir de l'énergie hydraulique et de diverses autres sources d'énergie est passé de 75 à 80 % du prix...

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