Technische Universität Hamburg-Harburg and Hochschul-Informations-System GmbH v Datenlotsen Informationssysteme GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:23
Docket NumberC-15/13
Celex Number62013CC0015
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date23 January 2014
62013CC0015

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 23 janvier 2014 ( 1 )

Affaire C‑15/13

Technische Universität Hamburg-Harburg, Hochschul-Informations-System GmbH

contre

Datenlotsen Informationssysteme GmbH.

[demande de décision préjudicielle, formée par le Hanseatisches Oberlandesgericht Hamburg (Allemagne)]

«Marchés publics — Directive 2004/18/CE — Conditions de passation d’une opération ‘in house’ — Passations ‘in house’ horizontales — Pouvoir adjudicateur et adjudicataire juridiquement distincts et non liés par une relation de contrôle — Contrôle exercé sur le pouvoir adjudicateur et sur l’adjudicataire par un tiers, constituant pour sa part une autorité publique — Portée de la condition du ‘contrôle analogue’ — Coopération entre entités publiques»

1.

La présente demande de décision préjudicielle, qui émane du Hanseatisches Oberlandesgericht Hamburg (Allemagne), soumet à la Cour un cas d’espèce inédit en matière de marchés publics, qui lui permettra de préciser la portée de la jurisprudence qui prévoit, dans des conditions déterminées, la possibilité de soustraire certains marchés à l’application du régime européen relatif aux procédures de passation de marchés publics.

2.

Dans la présente affaire, la Cour est plus précisément appelée à dire si et, le cas échéant, dans quelles conditions les opérations dites «in house horizontales» peuvent échapper au champ d’application de la directive 2004/18/CE ( 2 ) et faire l’objet d’une attribution directe sans mise en œuvre des procédures de marché public prévues à cette directive. Nous entendons, par «opération in house horizontale», un contrat conclu entre un pouvoir adjudicateur et un adjudicataire sur lequel le premier n’exerce aucun contrôle, les parties étant cependant toutes deux soumises au contrôle analogue du même organisme, lequel constitue pour sa part un pouvoir adjudicateur au sens de la directive 2004/18, et exerçant l’essentiel de leur activité pour leur organisme commun.

3.

Par la question qu’il pose à la Cour, le juge de renvoi cherche en substance à établir si une opération de ce type peut, elle aussi, relever d’une exception à l’application des procédures de marché public, à l’instar de celles qui ont été dégagées par la jurisprudence de la Cour et auxquelles le juge de renvoi se réfère expressément.

4.

La première de ces exceptions, qui remonte à l’arrêt Teckal ( 3 ), concerne les opérations dites «in house», pour lesquelles la jurisprudence a admis que le pouvoir adjudicateur est dispensé de mettre en œuvre une procédure d’adjudication d’un marché public à la condition qu’il exerce sur l’adjudicataire un «contrôle analogue» à celui qu’il exerce sur ses propres services et que cet adjudicataire réalise l’essentiel de son activité avec le ou les pouvoirs adjudicateurs qui le détiennent ( 4 ). La question de l’applicabilité de cette exception aux attributions «in house horizontales», quoique largement débattue en doctrine, n’a pas encore pu faire l’objet de l’attention de la Cour. En effet, celle-ci, dans sa jurisprudence antérieure et désormais abondante, n’a eu l’occasion de s’occuper que d’attributions «in house» dans lesquelles la relation entre l’entité adjudicatrice et l’adjudicataire était de type vertical ( 5 ).

5.

La seconde exception développée dans la jurisprudence de la Cour ( 6 ) et à laquelle le juge de renvoi se réfère porte, en revanche, sur la possibilité d’exclure du champ d’application des règles de l’Union en matière de marchés publics les contrats relevant de la coopération entre entités publiques.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

6.

En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18, «[l]es ‘marchés publics’ sont des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services au sens de la présente directive».

7.

L’article 7 de la directive 2004/18 établit les seuils de valeur à partir desquels les marchés publics relèvent du champ d’application de celle-ci. Au moment des faits pertinents de l’affaire au principal, ce seuil était de 193000 euros ( 7 ). En vertu de l’article 20 de la même directive, «[l]es marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe II A sont passés conformément aux articles 23 à 55». L’article 28 de cette directive prévoit que les marchés sont passés, sauf exception, en recourant à la procédure ouverte ou à la procédure restreinte. L’annexe II A de la directive comprend une catégorie 7, qui vise les «services informatiques et services connexes».

B – La législation nationale

8.

L’article 5, paragraphe 3, de la Constitution allemande dispose que «[l]’art et la science, la recherche et l’enseignement sont libres».

9.

En vertu de l’article 91 c, paragraphe 1, de la Constitution allemande, «[l]a Fédération et les Länder peuvent coopérer pour la planification, la création et l’exploitation des systèmes informatiques nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches».

10.

Le droit interne en matière de marchés publics figure dans la loi contre les restrictions de concurrence (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen), lequel dans son article 99 définit les marchés publics ( 8 ).

11.

La loi du Land de Hambourg sur l’enseignement supérieur (Hamburgisches Hochschulgesetz, ci-après le «HmbHSchG») établit le régime applicable aux établissements publics d’enseignement supérieur de la ville libre hanséatique de Hambourg (ci-après la «ville de Hambourg»).

12.

En vertu de l’article 2 du HmbHSchG, «[l]es établissements d’enseignement supérieur, organismes de la ville de Hambourg, sont des personnes morales de droit public autonomes» qui «règlent l’exercice de leurs compétences autonomes au moyen d’un règlement de base et de dispositions statutaires».

13.

En vertu de l’article 5 de la même loi, intitulé «Autonomie», les établissements d’enseignement supérieur exercent leurs compétences autonomes de manière autonome sous le contrôle de légalité des autorités compétentes. Les compétences autonomes sont les compétences qui ne sont pas déléguées.

14.

L’article 6 du HmbHSchG régit les dotations des établissements d’enseignement supérieur et énumère, au paragraphe 2, les compétences déléguées que ces établissements exercent dont, entre autres: la gestion des crédits qui sont mis à leur disposition, y compris la facturation, la trésorerie et la comptabilité, l’administration des immeubles et équipements qui sont mis à leur disposition, les questions relatives au personnel au recrutement de celui-ci ainsi que la détermination de la capacité de formation et les propositions de détermination du nombre des admissions. En vertu du paragraphe 3 du même article, l’exercice d’autres compétences peut être transféré à ces établissements. Enfin, en vertu du paragraphe 4 de la même disposition, les autorités compétentes exercent, au moyen de directives et d’instructions générales, un «contrôle d’opportunité» ( 9 ) sur l’exercice, par ces établissements, de leurs compétences déléguées.

II – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

15.

La Technische Universität Hamburg-Harburg (école polytechnique de Hambourg, ci-après la «TUHH»), requérante dans la procédure actuellement pendante devant le juge de renvoi, est un établissement public d’enseignement supérieur de la ville de Hambourg. Elle est un pouvoir adjudicateur au sens de la directive 2004/18 ( 10 ).

16.

Hochschul-Informations-System GmbH (ci-après «HIS»), elle aussi, aux côtés de la TUHH, requérante dans l’affaire pendante devant le juge de renvoi, est une société à responsabilité limitée dont le capital, intégralement public, est détenu à raison d’un tiers par l’État fédéral allemand et de deux tiers par les seize Länder allemands, dont la ville de Hambourg, qui en détient 4,16 %. Conformément à l’article 2 de ses statuts, elle a pour objet social d’assister les établissements publics d’enseignement supérieur et les administrations compétentes pour assurer l’exécution rationnelle et économiquement efficace de leurs missions d’enseignement supérieur, notamment en développant des procédures de rationalisation de la gestion de l’enseignement supérieur, en participant à l’introduction et à l’application de ces procédures, en fournissant des informations et en organisant des échanges d’informations. En vertu de l’article 3 de ses statuts, HIS exerce exclusivement des activités d’intérêt public sans poursuivre de but lucratif.

17.

Dans l’intention d’acquérir un système de gestion informatique de l’enseignement supérieur, la TUHH a effectué une évaluation de deux de ces systèmes, l’un développé par HIS et l’autre développé par la société Datenlotsen Informationssysteme GmbH (ci-après «Datenlotsen Informationssysteme»). À la suite de la comparaison de ces deux systèmes informatiques, la TUHH a décidé de conclure avec HIS, le 7 avril 2011, un contrat ayant pour objet l’installation du système développé par celle-ci, effectuant ainsi une attribution directe, sans appliquer les procédures d’adjudication prévues à la directive 2004/18 pour les marchés publics.

18.

Considérant que l’attribution directe de ce marché à HIS était illégale, Datenlotsen Informationssysteme a attaqué la décision d’attribution devant la Vergabekammer bei der Finanzbehörde de la ville de Hambourg, instance compétente en premier ressort en matière de marchés publics, qui a fait droit au recours. Cette instance a estimé en particulier...

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