John Reisdorf v Finanzamt Köln-West.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:299
Docket NumberC-85/95
Celex Number61995CC0085
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 July 1996
61995C0085

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIAL FENNELLY

présentées le 11 juillet 1996 ( *1 )

1.

La facture constitue le document essentiel d'enregistrement des achats et des ventes dans le système communautaire de taxe sur la valeur ajoutée. Une juridiction allemande a posé quelques questions préjudicielles importantes sur la définition de la facture TVA et sur la possibilité de dispenser de sa production un assujetti demandant une déduction.

I — Cadre juridique et factuel

Les dispositions communautaires et la législation nationale applicables

2.

Les questions posées soulèvent un certain nombre de problèmes concernant l'interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme ( 1 ) (ci-après la « sixième directive »). Comme l'exercice fiscal en cause dans la procédure au principal est 1988, nous n'examinerons que les dispositions telles qu'elles existaient dans la version initiale de la sixième directive, bien qu'elles aient maintenant toutes été reprises, avec quelques amendements, dans un nouveau texte ( 2 ).

3.

Le titre XI de la sixième directive est intitulé « Déductions ». L'article 17 a pour titre: « Naissance et étendue du droit à déduction ». L'article 17, paragraphe 1, prévoit que ce droit « prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible ». L'article 17, paragraphe 2, sous a), permet à l'assujetti de déduire de la taxe dont il est redevable « la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées ».

4.

L'article 18 de la sixième directive est intitulé « Modalités d'exercice du droit à déduction ». L'article 18, paragraphe 1, sous a), stipule:

« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l'assujetti doit:

a)

pour la déduction visée à l'article 17, paragraphe 2, sous a), détenir une facture établie conformément à l'article 22, paragraphe 3. »

L'article 18, paragraphe 2, décrit, entre autres, comment la déduction doit être effectuée, tandis que l'article 18, paragraphe 3, prévoit que:

« Les États membres fixent les conditions et modalités suivant lesquelles un assujetti peut être autorisé à procéder à une déduction à laquelle il n'a pas procédé conformément aux paragraphes 1 et 2. »

5.

L'article 22 est l'un des deux articles du titre XIII concernant les « Obligations des redevables ». Il est intitulé « Obligations en régime intérieur ». Aux termes du paragraphe 3:

« a)

Tout assujetti doit délivrer une facture, ou un document en tenant lieu, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, et conserver un double de tous les documents émis.

De même, tout assujetti doit délivrer une facture pour les acomptes qui lui sont versés par un autre assujetti avant que la livraison ne soit effectuée ou que la prestation de services ne soit achevée.

b)

La facture doit mentionner, d'une façon distincte, le prix hors taxe et la taxe correspondante pour chaque taux différent ainsi que, le cas échéant, l'exonération.

c)

Les États membres fixent les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture. »

Par ailleurs, l'article 22, paragraphe 8, dispose que:

« Sans préjudice des dispositions à arrêter en vertu de l'article 17, paragraphe 4, les États membres ont la faculté de prévoir d'autres obligations qu'ils jugeraient nécessaires pour assurer l'exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude » ( 3 ).

6.

La sixième directive est mise en œuvre en Allemagne par l'Umsatzsteuergesetz (loi sur la taxe sur le chiffre d'affaires, ci-après l'« UStG »). En vertu de l'article 15, paragraphe 1, point 1, de l'UStG, un assujetti peut déduire, au titre de la taxe en amont, la taxe relative à des fournitures ou à des prestations effectuées pour son entreprise par d'autres opérateurs, facturée séparément sur des factures établies conformément à l'article 14. Selon l'article 14, paragraphe 4, on entend par facture tout document par lequel un opérateur ou un tiers agissant en son nom dresse le décompte au bénéficiaire des biens ou des services de la livraison ou de toute autre prestation, quelle que soit la désignation de ce document dans les relations commerciales. La juridiction de renvoi déclare que, selon la jurisprudence constante des tribunaux allemands, l'établissement et la remise de la facture constituent une condition de fond de la naissance du droit à déduction.

La procédure devant la juridiction nationale

7.

En 1988, le requérant et demandeur en « Revision » dans l'affaire au principal (ci-après le « requérant ») a installé des locaux commerciaux dans un bâtiment lui appartenant. Il les a ensuite loués à un exploitant de supermarchés. Ayant renoncé à l'exonération de TVA prévue à l'article 4, paragraphe 12, sous a), de l'UStG, il a demandé la déduction des montants payés à titre de taxe en amont sur la réalisation de ces locaux.

8.

A l'occasion d'un contrôle spécial de TVA effectué pour le compte du Finanzamt Köln-West (le défendeur au principal, ci-après le « défendeur »), il a été demandé au requérant de produire l'original des factures relatives aux montants dont la déduction était réclamée. Ce dernier a simplement présenté des copies des factures intermédiaires du maître d'œuvre et le défendeur a réduit le montant de la taxe amont. Après une réclamation infructueuse contre cette réduction, le requérant a introduit une action devant le Finanzgericht, qui a déclaré que, bien que le tribunal l'ait invité à produire l'original des factures concernées qui, « de son propre aveu, étaient disponibles et accessibles », le requérant n'avait pas prouvé que les conditions du droit à déduction de la taxe due ou acquittée en amont, prévues par l'article 18, paragraphe 1, point 1, de l'UStG, étaient remplies.

9.

Le requérant a indiqué à l'audience, pour la première fois, que cette présentation des faits est contestée et qu'il n'a jamais refusé de produire l'original, lequel a effectivement été présenté aux autorités fiscales. Toutefois, il a déclaré que, pour des raisons qui n'ont pas été pleinement explicitées, ces originaux avaient été perdus avant le contrôle fiscal spécial et qu'en outre ce qui a été décrit comme une facture « composite » a été produit devant le Finanzgericht. En réponse à cela, l'agent représentant le gouvernement allemand a souligné que le Bundesfinanzhof ne statue en « Revision » que sur les points de droit et que les faits sont établis par le Finanzgericht. A son avis, que nous partageons, la présente affaire doit être examinée à la lumière des faits tels qu'ils ont été établis et sont relatés dans l'ordonnance de renvoi. Il nous semble, en tout état de cause, que la Cour est en mesure de fournir des réponses applicables par la juridiction nationale dans les deux cas.

10.

Le requérant a déposé une demande en « Revision » devant le Bundesfinanzhof (ci-après la « juridiction nationale »). La juridiction nationale souligne (par référence au jugement du Finanzgericht) que, en application de l'article 14, paragraphe 1, de l'UStG, « seul peut être considéré comme une facture le document par lequel un opérateur qui fournit des biens ou des services en établit le décompte à leur bénéficiaire ». Seule la facture originale envoyée au bénéficiaire par le fournisseur peut être considérée comme « un document propre à prouver le droit à déduction ». Elle se distingue d'autres factures « en ce que son caractère unique est reconnaissable et qu'elle ne peut pas être confondue avec d'autres exemplaires, doubles ou copies de factures ». Selon la juridiction nationale, « il n'est possible de renoncer à la production de la facture originale que si cette dernière a été perdue ou s'il n'est pas possible de se la procurer dans un bref délai ». Dans ce cas, la preuve requise pour demander une déduction peut être rapportée par d'autres moyens, tels que, par exemple, des copies de factures. En l'espèce, la juridiction nationale expose que, comme le requérant n'a pas invoqué la perte des factures, il devrait être considéré en droit comme n'ayant pas rapporté la preuve nécessaire pour justifier une déduction de la taxe acquittée en amont. Comme nous l'avons noté dans le précédent paragraphe, le requérant fait maintenant valoir que les factures étaient perdues. Cependant, la juridiction nationale déclare qu'il s'agit en l'espèce de savoir si le droit national peut exiger la présentation de l'original de la facture. Elle est d'avis que cette affaire soulève une question de droit communautaire, puisque l'article 18 de la sixième directive contient des règles sur l'exercice du droit à déduction.

11.

En conséquence, la juridiction nationale a décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

« 1)

La facture au sens de l'article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE est-elle uniquement l'original...

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