Minister voor Wonen, Wijken en Integratie v Woningstichting Sint Servatius.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:593
Docket NumberC-567/07
Celex Number62007CJ0567
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date01 October 2009

Affaire C-567/07

Minister voor Wonen, Wijken en Integratie

contre

Woningstichting Sint Servatius

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Raad van State)

«Libre circulation des capitaux — Article 56 CE — Restrictions — Justifications — Politique du logement — Services d'intérêt économique général»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des capitaux — Restrictions aux opérations immobilières

(Art. 56 CE)

2. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Limites — Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile

(Art. 86, § 2, CE et 234 CE)

3. Questions préjudicielles — Recevabilité — Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire

(Art. 234 CE; statut de la Cour de justice, art. 23)

1. L’article 56 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne l’exercice des activités transfrontalières d’organismes agréés en matière de logement à l’obtention d’une autorisation administrative préalable, dans la mesure où une telle réglementation n’est pas fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance susceptibles d’encadrer suffisamment l’exercice, par les autorités nationales, de leur pouvoir d’appréciation, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

En effet, l’obligation pour lesdits organismes d’obtenir une autorisation préalable du ministre compétent afin de procéder à des investissements immobiliers dans des États membres autres que celui dans lequel ils ont leur siège constitue une restriction à la liberté des mouvements des capitaux.

Certes, des exigences liées à la politique du logement social d’un État membre et au financement de celle-ci peuvent constituer des raisons impérieuses d’intérêt général et, dès lors, justifier la restriction en cause. De telles considérations ne peuvent qu’être renforcées par certaines spécificités caractérisant la situation du marché national, telles qu’une pénurie structurelle de logements et une densité de population particulièrement élevée.

À cet égard, un régime d’autorisation préalable peut certes, dans certains cas, être nécessaire et proportionnel aux buts poursuivis si ceux-ci ne sauraient être atteints par des mesures moins restrictives, notamment par un système de déclaration approprié. Or, un contrôle préalable exercé par l’administration compétente pourrait apparaître mieux à même de garantir que les ressources des organismes agréés soient destinées à satisfaire en priorité les besoins en logement dans l'État membre concerné de certaines catégories de la population, alors qu’un système de vérification a posteriori risquerait d’intervenir trop tardivement, notamment lorsque des dépenses importantes ont déjà été engagées et sont difficilement récupérables.

Toutefois, pour qu'un régime d'autorisation administrative préalable soit justifié alors même qu'il déroge à une liberté fondamentale, il doit être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui assurent qu'il est propre à encadrer suffisamment l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités nationales. Tel n'est pas le cas lorsque les dispositions nationales en cause subordonnent la délivrance de l’autorisation préalable par le ministre compétent à une seule condition, à savoir celle selon laquelle le projet envisagé doit être réalisé dans l’intérêt du logement social dans l'État membre concerné, et lorsque, s’agissant de la question de savoir si une telle condition est satisfaite, il est procédé à une telle vérification au cas par cas, sans que celle-ci soit encadrée par un texte réglementaire et en l’absence de tout autre critère spécifique et objectif permettant aux organismes concernés d’avoir connaissance à l’avance des circonstances dans lesquelles il sera accédé à leur demande d’autorisation et aux juridictions, éventuellement saisies d’un recours introduit à l’encontre d’un refus d’autorisation, d’exercer pleinement leur contrôle juridictionnel.

(cf. points 24, 30, 33-35, 37, 39 et disp.)

2. Compte tenu de la répartition des compétences dans le cadre de la procédure préjudicielle, il incombe à la seule juridiction nationale de définir l’objet des questions qu’elle entend poser à la Cour, mais, dans des circonstances exceptionnelles, il appartient à celle-ci d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. Tel est le cas, notamment, lorsque le problème soumis à la Cour est de nature purement hypothétique ou lorsque l’interprétation d’une règle communautaire, demandée par la juridiction nationale, n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal. Ainsi, la compétence de la Cour est exclue lorsqu’il est manifeste que la disposition de droit communautaire soumise à l’interprétation de la Cour ne peut trouver à s’appliquer.

À cet égard, l’article 86, paragraphe 2, CE, ne trouve pas à s'appliquer à une situation qui ne porte pas sur l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs à un organisme agréé en matière de logement ni sur la qualification des activités de ce dernier en tant que services d’intérêt économique général, mais concerne uniquement la légalité d’une limitation imposée à cet organisme, sous la forme d’une obligation de se soumettre à une procédure administrative d’autorisation préalable.

(cf. points 42-43, 46-47)

3. La nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. Il est également important que la juridiction nationale indique les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation du droit communautaire et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour. Dans ce contexte, il est indispensable que le juge national donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions communautaires dont il demande l’interprétation et sur le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. En effet, les informations fournies dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées. En outre, l’exigence de précision, notamment à l’égard du contexte factuel et réglementaire de l’affaire au principal, vaut tout particulièrement dans le domaine de la concurrence, qui est caractérisé par des situations de fait et de droit complexes.

Est en conséquence irrecevable la question posée par une juridiction de renvoi qui repose sur la prémisse selon laquelle une aide d’État serait susceptible d’être octroyée, lorsque ni la décision de renvoi ni les observations des parties au principal ne contiennent d’éléments permettant éventuellement d’établir qu’un tel avantage aurait été effectivement octroyé, le litige au principal portant non pas sur les conditions auxquelles une telle aide aurait été ou pourrait être octroyée, mais uniquement sur une question entièrement distincte et indépendante.

(cf. points 49-55)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

1er octobre 2009 (*)

«Libre circulation des capitaux – Article 56 CE – Restrictions – Justifications – Politique du logement – Services d’intérêt économique général»

Dans l’affaire C‑567/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Raad van State (Pays-Bas), par décision du 19 décembre 2007, parvenue à la Cour le 27 décembre 2007, dans la procédure

Minister voor Wonen, Wijken en Integratie

contre

Woningstichting Sint Servatius,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano (rapporteur), A. Borg Barthet, E. Levits et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 mars 2009,

considérant les observations présentées:

– pour la Woningstichting Sint Servatius, par Mes M. de Boer, J. de Pree et P. Slot, advocaten,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. Y. de Vries, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement irlandais, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de Mme M. Gray, barrister,

– pour le gouvernement hongrois, par Mmes J. Fazekas, R. Somssich et K. Borvölgyi, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement polonais, par MM. M. Dowgielewicz et P. Kucharski ainsi que par Mme K. Majcher, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement suédois, par Mme S. Johannesson, en qualité d’agent,

– pour Commission des Communautés européennes, par MM. E. Traversa, V. Di Bucci, H. van Vliet et A. Nijenhuis, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 CE, 58 CE, 86, paragraphe 2, CE, 87 CE et 88 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Minister voor Wonen, Wijken en Integratie (ministre du Logement, des Quartiers et de l’Intégration, ci-après le «Minister») à la Woningstichting Sint Servatius (ci-après «Servatius») au sujet du refus du...

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