Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation v Commissioners of Inland Revenue.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:139
Docket NumberC-374/04
Celex Number62004CC0374
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date23 February 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L.A. Geelhoed

présentées le 23 février 2006 (1)

Affaire C-374/04

Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (Pirelli, Essilor and Sony),

Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (BMW)

contre

Commissioners of Inland Revenue

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales) (Chancery Division) (Royaume-Uni)]

«Interprétation des articles 43 CE et 56 CE ─ Législation nationale relative à l’impôt sur les sociétés ─ Retenue à la source (impôt anticipatif sur les sociétés) sur les bénéfices distribués par une filiale à une société mère ─ Crédit d’impôt destiné à prendre en compte une retenue effectuée en amont»





I – Introduction

1. La principale question soulevée en l’espèce, une demande de décision préjudicielle présentée par la High Court of Justice (England & Wales) (Chancery Division) (Royaume-Uni), concerne la compatibilité avec les articles 43 CE ou 56 CE du refus du Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord d’octroyer des crédits d’impôt aux sociétés non résidentes du Royaume-Uni recevant des dividendes de filiales résidentes du Royaume-Uni alors qu’il accorde un tel crédit d’impôt à ses sociétés résidentes et aux sociétés résidentes de certains autres États membres au titre de conventions préventives de la double imposition. Est posée, en d’autres termes, la question de savoir dans quelles circonstances (s’il s’en trouve) les articles 43 CE et 56 CE obligent les États membres à accorder des crédits d’impôt aux bénéficiaires de dividendes sortants (2).

2. Le cadre légal de la présente affaire est le même que celui dont la Cour a eu à connaître dans une affaire antérieure, l’affaire Metallgesellschaft e.a., soit le régime de l’impôt anticipé sur les sociétés (Advance Corporation Tax ─ ACT) en vigueur au Royaume-Uni entre 1973 et 1999. Bien que la question principale posée dans la présente affaire ait aussi été soulevée dans l’affaire Metallgesellschaft e.a., la Cour n’a pas estimé nécessaire de traiter cette question eu égard à la réponse donnée aux autres questions qui étaient alors soulevées (3).

3. La question de savoir si le traité CE impose aux États membres dans la situation du Royaume-Uni d’accorder des crédits d’impôt pour des dividendes sortants est une nouvelle question. Comme telle, elle est la dernière d’une série de questions ─ dont l’exemple le plus récent est donné dans l’important arrêt Marks & Spencer (4) ─ invitant la Cour à rechercher les limites de l’application des dispositions de libre circulation du traité à l’impôt direct des sociétés, qui demeure une compétence relevant principalement des États membres. Il s’agit en l’occurrence d’un domaine dans lequel la Cour, confrontée à des contextes et des arguments de fait et de droit toujours plus compliqués, qui cherchent à éprouver les limites du traité, a développé un corps substantiel de jurisprudence assez complexe. Il s’agit en outre d’un domaine dans lequel la prévisibilité et la sécurité juridique présentent une importance cruciale, car les États membres doivent être en mesure d’établir leurs prévisions budgétaires et de concevoir leurs systèmes d’impôts sur les sociétés en se fondant sur des prévisions de recettes relativement fiables. En conséquence, pour apporter aux questions évoquées ci-dessus une réponse vraiment valable et satisfaisante, il convient d’analyser le cadre fondamental dans lequel s’inscrit l’application des règles de libre circulation dans la sphère des impôts directs.

II – Le contexte juridique et économique de l’affaire

A – Aperçu du contexte de l’imposition des dividendes

4. Avant de présenter les dispositions pertinentes du régime fiscal du Royaume-Uni concerné en l’espèce, il est important de décrire le cadre plus large de l’imposition des bénéfices distribués par les sociétés (les dividendes) au sein de l’Union européenne, qui constitue la toile de fond juridique et économique en l’espèce. En principe, deux niveaux d’imposition peuvent se présenter s’agissant de la distribution des bénéfices des sociétés. Le premier se situe au niveau de la société concernée, sous la forme de l’impôt sur les bénéfices de la société. Tous les États membres perçoivent l’impôt sur les sociétés au niveau de la société. Le second niveau est celui de l’actionnaire ou détenteur de parts; il peut prendre la forme d’un impôt sur le revenu frappant la perception de dividendes par l’actionnaire (c’est la méthode utilisée dans la plupart des États membres) et/ou d’un impôt retenu à la source par la société sur les sommes distribuées (5).

5. L’existence de ces deux niveaux possibles d’imposition peut conduire, d’une part, à la double imposition économique (double imposition du même revenu, auprès de deux contribuables différents) et, d’autre part, à la double imposition juridique (double imposition du même revenu auprès du même contribuable). La double imposition économique apparaît lorsque, par exemple, les mêmes bénéfices sont imposés tout d’abord auprès de la société au titre de l’impôt sur les sociétés et ensuite auprès de l’actionnaire au titre de l’impôt sur le revenu. La double imposition juridique se produit lorsque, par exemple, l’actionnaire subit un premier impôt retenu à la source et ensuite l’impôt sur le revenu, perçu par différents États, sur les mêmes bénéfices.

6. La présente affaire concerne la légalité, en droit communautaire, d’un système établi par la Royaume-Uni ayant pour objectif et effet principaux de réduire pour les actionnaires les effets de la double imposition économique.

7. Lorsqu’ils décident de réaliser cet objectif et qu’ils en déterminent les modalités, les États membres disposent essentiellement de quatre systèmes, qui peuvent être qualifiés de systèmes «classique», «cédulaire», «exonératoire» ou «d’imputation». Les États connaissant un système classique d’imposition des dividendes ont choisi de ne pas atténuer la double imposition économique: les bénéfices des sociétés sont soumis à l’impôt sur les sociétés et les bénéfices distribués sont à nouveau imposés au niveau de l’actionnaire au titre de l’impôt sur le revenu. En revanche, les systèmes cédulaires, exonératoires et d’imputation visent à empêcher intégralement ou partiellement la double imposition économique (6). Les États connaissant des systèmes cédulaires (dont il existe des formes variées) choisissent de soumettre les bénéfices des sociétés à l’impôt sur les sociétés et d’imposer en revanche les dividendes comme une catégorie distincte de revenus. Ceux qui connaissent des systèmes exonératoires choisissent d’exonérer les revenus de dividendes de l’impôt sur le revenu. Enfin, dans le cadre des systèmes d’imputation, l’impôt sur les sociétés perçu au niveau des sociétés est intégralement ou partiellement imputé sur l’impôt sur le revenu dû sur les dividendes au niveau des actionnaires, faisant en sorte que l’impôt sur les sociétés serve de paiement anticipé de (tout ou partie) de cet impôt sur le revenu. Ainsi, les actionnaires bénéficient d’un crédit d’impôt pour tout ou partie de l’impôt sur les sociétés qui peut être attribué aux bénéfices sur lesquels les dividendes ont été versés, crédit d’impôt qui peut être déduit de l’impôt sur le revenu dû sur ces dividendes.

8. Au moment pertinent aux fins de la présente affaire, le système d’imposition des dividendes du Royaume-Uni était un système d’imputation.

B – La législation pertinente du Royaume-Uni

9. Depuis 1965 (lorsque l’impôt sur les sociétés a été instauré au Royaume‑Uni) jusqu’en 1973, le Royaume-Uni a appliqué un système «classique» d’impôt sur les sociétés qui, ainsi que nous l’avons exposé ci-dessus, n’empêchait pas la double imposition économique. En 1973, le Royaume-Uni est passé du système classique à un système d’imputation «partielle» de l’impôt frappant les dividendes, visant à supprimer la discrimination dont étaient affectés les bénéfices distribués (7). Tel qu’il a été décrit par la Cour dans l’arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, ce système fonctionne essentiellement de la manière suivante.

1. ACT: assujettissement et déductibilité

10. Les sociétés résidant au Royaume-Uni qui procédaient à certaines distributions déterminées, tel le versement de dividendes à leurs actionnaires, avaient l’obligation de procéder au paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés («advance corporation tax», ci‑après l’«ACT») calculé sur le montant ou la valeur de la distribution effectuée (8). La somme du montant distribué et de l’ACT était qualifiée de «paiement libératoire» («franked payment») (9).

11. Le montant de l’ACT acquitté par une société pouvait être déduit du montant dont elle était redevable au titre de l’impôt général sur les sociétés («mainstream corporation tax») sur ses bénéfices de l’exercice comptable concerné, à concurrence d’un montant déterminé. Le montant de l’ACT qui n’avait pas pu être imputé, appelé «surplus» de l’ACT, pouvait être reporté ou reporté à nouveau pour être imputé sur l’impôt général sur les sociétés d’autres exercices comptables (10) . La société était aussi autorisée à transférer («abandonner») cette ACT à ses filiales, qui pouvaient à leur tour la déduire de l’impôt sur les sociétés dont elles étaient elles-mêmes redevables. Le paiement de l’ACT générait, dans certaines circonstances, un crédit d’impôt au bénéfice de sociétés et de personnes physiques actionnaires qui percevaient les sommes distribuées.

2. Crédits d’impôt: les sociétés actionnaires

12. Une société actionnaire résidant au Royaume-Uni percevant un dividende versé par sa filiale, bien qu’en principe soumise à l’impôt sur les sociétés, n’était pas redevable de cet impôt sur les sommes qu’elle avait perçues qui avaient été distribuées par une autre société résidant au Royaume-Uni (11). En outre, cette société bénéficiait d’un crédit d’impôt à concurrence de l’ACT payée par sa filiale (12). Le dividende et le crédit d’impôt...

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