D. M. M. A. Arens-Sikken v Staatssecretaris van Financiën.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:170
Docket NumberC-43/07
Celex Number62007CC0043
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 March 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. J. Mazák

présentées le 13 mars 2008 (1)

Affaire C‑43/07

D.M.M.A. Arens-Sikken

contre

Staatssecretaris van Financiën

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas)]

«Libre circulation des capitaux – Articles 56 CE et 58 CE – Restrictions – Impôt sur les successions – Déductibilité de dettes liées à un excédent d’attribution – Refus au motif que le de cujus n’était pas résident de l’État membre d’imposition au moment du décès»





I – Introduction

1. Par trois questions posées à titre préjudiciel dans son arrêt du 12 janvier 2007, le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas) interroge la Cour de justice sur le point de savoir, en substance, si la législation néerlandaise relative à l’imposition des biens acquis par succession est compatible avec les articles 56 CE et 58 CE relatifs à la libre circulation des capitaux. Plus spécifiquement, la juridiction de renvoi voudrait savoir si ces dispositions du traité CE s’opposent à une législation nationale qui – aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt dû lors de l’acquisition par succession d’un bien immeuble situé sur le territoire de l’État membre concerné – permet de prendre en compte certaines dettes naissant lors d’une succession, si, au moment du décès, le de cujus résidait dans cet État membre, mais ne le permet pas s’il résidait dans un autre État membre.

2. Les questions soulevées dans la présente affaire sont très semblables à celles soulevées dans l’affaire Eckelkamp (2) dans laquelle nous présentons également nos conclusions ce jour. Cette affaire concerne aussi une législation nationale en vertu de laquelle, afin de déterminer les impôts dus sur l’acquisition par voie de succession d’une propriété immobilière située sur le territoire national, certaines charges ne sont pas déductibles lorsque, au moment du décès, le défunt résidait dans un autre État membre.

3. En répondant aux questions posées dans le présent litige, la Cour de justice aura l’occasion de développer la jurisprudence existante relative à l’imposition des successions dans le contexte de la libre circulation des capitaux, et en particulier celle découlant des arrêts Barbier (3) et van Hilten-van der Heijden (4).

II – Droit applicable

A – Droit communautaire

4. L’article 56, paragraphe 1, CE (anciennement article 73 B, paragraphe 1, du traité CE) dispose:

«Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.»

5. L’article 58 CE (anciennement article 73 D du traité CE) dispose:

«1. L’article 56 [CE] ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:

a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;

[…]

3. Les mesures et procédures visées [au paragraphe 1] ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56 [CE].»

6. L’annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité (5), intitulée «Nomenclature des mouvements de capitaux visés à l’article 1er de la directive», énumère treize catégories de mouvements de capitaux. Au titre XI de l’annexe, intitulé «Mouvements de capitaux à caractère personnel», sont mentionnés les:

«[…]

D. Successions et legs

[…]»

B – Droit national

7. En vertu de la loi néerlandaise, toutes les successions sont frappées d’impôt. L’article 1er, paragraphe 1 de la loi de 1956 relative aux successions (Successiewet 1956), du 28 juin 1956 (ci-après la «loi relative aux successions»), fait une distinction selon que la personne dont la succession est ouverte résidait aux Pays‑Bas ou à l’étranger. Cet article dispose:

«1. En application de cette loi, les impôts suivants sont perçus:

1° des droits de succession sur la valeur de l’ensemble des biens transmis en vertu du droit successoral à la suite du décès d’une personne qui résidait aux Pays-Bas à l’époque dudit décès. [...]

2° des droits de mutation sur la valeur des éléments précisés à l’article 5, paragraphe 2, obtenus par libéralité ou par succession à la suite du décès d’une personne qui ne résidait pas aux Pays-Bas à l’époque de ladite libéralité ou dudit décès;

[...]»

8. L’article 5, paragraphe 2, de la loi est rédigé comme suit:

«2. Le droit de mutation est perçu sur la valeur:

1° des possessions intérieures citées à l’article 13 de la Wet op de vermogensbelasting 1964 […], éventuellement après déduction des dettes visées à cet article;

[...]»

9. L’article 13, paragraphe 1, sous b), 1°, de la la loi de 1964 relative à l’impôt sur le patrimoine (Wet op de vermogensbelasting 1964), du 16 décembre 1964 (ci-après la «loi relative à l’impôt sur le patrimoine»), définit les «possessions intérieures» comme les «biens immobiliers sis aux Pays-Bas ou les droits portant sur ceux-ci» (pour autant qu’ils n’appartiennent pas à une entreprise néerlandaise).

10. En vertu de l’article 13, paragraphe 2, sous b), de la loi relative à l’impôt sur le patrimoine, les «dettes intérieures» comprennent les dettes garanties par une hypothèque sur un bien immobilier sis aux Pays-Bas ou un droit portant sur celui-ci, dans la mesure où les intérêts et frais afférents auxdites dettes sont pris en compte pour établir le revenu intérieur brut au sens de l’article 49 de la loi de 1964 relative à l’impôt sur les revenus (Wet op de Inkomstenbelasting 1964), du 16 décembre 1964.

11. L’article 49 de cette dernière loi définit le «revenu intérieur brut» comme le revenu net total d’un non-résident provenant d’un bien immobilier situé aux Pays‑Bas.

12. Il n’existe pas de conventions bilatérales de double imposition en matière d’imposition des successions entre le Royaume des Pays‑Bas et la République italienne.

III – Les faits, la procédure et les questions posées à titre préjudiciel

13. M. Arens, à qui Mme Arens-Sikken, la demanderesse en cassation, était mariée, est décédé le 8 novembre 1998. Au moment de son décès, M. Arens résidait en Italie et habitait hors des Pays-Bas depuis plus de dix ans déjà.

14. M. Arens a disposé de ses biens par testament. Sa succession a été partagée en parts égales entre Mme Arens-Sikken et chacun de leurs quatre enfants.

15. Toutefois, en vertu d’un partage d’ascendant testamentaire, tel que visé à l’article 1167 du code civil, toute la succession de M. Arens – les actifs comme le passif – a été attribuée à Mme Arens-Sikken, à charge pour celle-ci de compenser ultérieurement l’excédent, en versant aux enfants la valeur de leurs parts respectives en espèces (ci-après les «dettes pour excédent d’attribution»).

16. La succession comprenait notamment la part de M. Arens dans un bien immeuble situé aux Pays-Bas, part dont la valeur a été fixée à 475 000 NLG (pour plus de clarté, nous désignerons ci-après la part de M. Arens dans ledit bien en nous servant simplement des termes le «bien immeuble»).

17. L’Inspection des impôts néerlandaise a estimé que Mme Arens-Sikken avait acquis par succession un bien situé aux Pays‑Bas ayant appartenu à un non-résident, d’une valeur de 475 000 NLG. En conséquence, l’Inspection des impôts l’a invitée à payer un droit de mutation calculé sur la base de ce montant.

18. À la suite d’une procédure de réclamation devant l’Inspection des impôts, Mme Arens-Sikken a formé un recours devant le Gerechtshof te ’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc). La question principalement soulevée devant le Gerechtshof était celle de savoir si le droit de mutation que Mme Arens-Sikken devait acquitter en raison de l’acquisition du bien par héritage devait être calculé sur une valeur de 475 000 NLG ou de 95 000 NLG (c’est-à-dire une part d’un cinquième).

19. Le Gerechtshof a rejeté le recours comme non fondé en déclarant, notamment, que le droit de mutation se rapportait à l’acquisition du bien immeuble en vertu du droit successoral. La cour a ajouté que, dans le cadre du partage d’ascendant, le bien attribué à Mme Arens-Sikken était le bien immeuble dans sa totalité.

20. Mme Arens-Sikken s’est pourvue en cassation contre l’arrêt du Gerechtshof devant le Hoge Raad der Nederlanden. Dans son arrêt de renvoi, le Hoge Raad a considéré que c’était à raison que le Gerechtshof a jugé que Mme Arens-Sikken avait, aux fins de la perception du droit de mutation, acquis dans son intégralité le bien immeuble qui lui a été attribué selon le droit successoral. En conséquence, son moyen principal de cassation – selon lequel il se serait produit une acquisition conjointe suivie d’un partage d’ascendant testamentaire – ne pouvait pas être considéré comme fondé.

21. D’après la juridiction de renvoi, le Gerechtshof a également eu raison de juger qu’on ne pouvait, pour déterminer le montant de la dette de Mme Arens‑Sikken au titre du droit de mutation, tenir aucun compte de ses dettes pour excédent d’attribution découlant du partage d’ascendant. En effet, ces dettes ne pourraient pas être considérées comme des «dettes intérieures» au sens de l’article 13 de la loi relative à l’impôt sur le patrimoine. Or, en ce qui concerne les droits de mutation, seules les dettes intérieures sont déductibles.

22. Toutefois, dans la mesure où ces dispositions législatives ont, en définitive, pour effet d’empêcher la déduction des dettes pour excédent d’attribution pour le seul motif que le bien a été hérité d’une personne qui, à son décès, avait sa résidence hors des Pays-Bas, la juridiction de renvoi soulève le point de savoir si une telle conséquence est compatible avec la liberté des mouvements de capitaux consacrée aux articles 56 CE et 58 CE. À cet égard...

To continue reading

Request your trial
10 cases
  • Ulrich Schröder v Finanzamt Hameln.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 31 March 2011
    ...C‑345/04, Rec. p. I‑1425, apartado 23, de 11 de septiembre de 2008, Eckelkamp y otros, C‑11/07, Rec. p. I‑6845, apartado 50, y Arens-Sikken, C‑43/07, Rec. p. I‑6887, apartado 44). 41 De ello se deduce que una normativa como la controvertida en el litigio principal sería en principio contrar......
  • Hans Eckelkamp and Others v Belgische Staat.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 13 March 2008
    ...but not if that person was resident in another Member State. 2. The issues raised in the present case are very similar to those in Case C‑43/07 (2) – on which I am also delivering my Opinion today – which also concerns national legislation under which, for the purposes of assessing to tax t......
  • Vera Mattner v Finanzamt Velbert.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 22 April 2010
    ...on restrictions on the movement of capital between Member States (Case C‑11/07 Eckelkamp and Others [2008] ECR I‑6845, paragraph 37; Case C‑43/07 Arens‑Sikken [2008] ECR I‑6887, paragraph 28; and Case C‑67/08 Block [2009] ECR I‑883, paragraph 18). 19 In the absence of a definition in the Tr......
  • Hein Persche v Finanzamt Lüdenscheid.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 14 October 2008
    ...mai 2008, Orange European Smallcap Fund (C‑194/06, non encore publié au Recueil, point 100), ainsi que du 11 septembre 2008, Arens-Sikken (C‑43/07, non encore publié au Recueil, point 29). 10 – Voir, en ce sens, points 58 à 60 des conclusions de l’avocat général Stix-Hackl dans l’affaire ay......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT