Pharmacia & Upjohn SA v Paranova A/S.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:559
Date19 November 1998
Celex Number61997CC0379
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-379/97
EUR-Lex - 61997C0379 - FR 61997C0379

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 19 novembre 1998. - Pharmacia & Upjohn SA contre Paranova A/S. - Demande de décision préjudicielle: Sø- og Handelsretten - Danemark. - Droit de marque - Médicaments - Importation parallèle - Remplacement de marque. - Affaire C-379/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-06927


Conclusions de l'avocat général

1 Selon le droit communautaire, un importateur parallèle est-il en droit d'utiliser la marque que le titulaire emploie pour des produits identiques dans l'État d'importation, même si elle est différente de celle sous laquelle les produits en question ont été mis sur le marché par le titulaire dans l'État d'exportation? Telle est, en substance, la question posée par le Sø- og Handelsret (Danemark).

Les faits et la procédure au principal

2 Le groupe Upjohn commercialise la clindamycine, à savoir un antibiotique, sous diverses formes dans toute la Communauté. Il utilise le nom «Dalacin C» dans tous les États membres à l'exception du Danemark, de l'Allemagne et de l'Espagne, où il utilise le nom «Dalacin», et de la France, où le nom «Dalacine» est utilisé. Paranova A/S, une société danoise du groupe Paranova, a acheté des produits à base de clindamycine (en gélules et en solution injectable) en France et en Grèce et, après les avoir reconditionnés, les a commercialisés sous le nom de Dalacin au Danemark, où Upjohn SA Danmark, la succursale danoise d'une filiale belge d'Upjohn (1), les commercialise sous la marque «Dalacin».

3 Le Fogedret de Ballerup a rejeté la demande en référé visant à faire provisoirement interdire à Paranova de commercialiser ces produits au Danemark sous le nom de Dalacin. L'Østre Landsret a réformé cette décision en appel. Dans le cadre d'un recours en validation de l'interdiction, le Sø- og Handelsret a saisi la Cour des questions suivantes.

«1) L'article 7 de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques et/ou les articles 30 et 36 du traité CE font-ils obstacle à ce que le titulaire d'une marque se prévale des droits qu'il tire de son droit à la marque, en application des dispositions nationales en vigueur, pour s'opposer à ce qu'un tiers achète un médicament dans un État membre, le reconditionne sous ses propres emballages, en y apposant la marque X qui appartient au titulaire de la marque et le mette sur le marché d'un autre État membre, lorsque le médicament en question est mis par le titulaire de la marque ou avec son consentement sur le marché dans l'État membre d'achat sous la marque Y, et qu'un médicament identique est commercialisé par le titulaire de la marque ou avec son consentement dans le deuxième État membre cité, sous la marque X?

2) La question de savoir si le fait que le titulaire de la marque utilise des marques différentes, respectivement dans le pays dans lequel l'importateur procède à des achats et dans celui où il commercialise le produit est dû à des circonstances subjectives propres au titulaire de la marque a-t-il une importance pour la réponse à la question posée? Dans le cas où il est répondu à cette question par l'affirmative, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l'importateur doit fournir la preuve que l'utilisation de marques différentes a eu ou a pour objectif un cloisonnement artificiel des marchés, voir à cet égard l'arrêt de la Cour du 10 octobre 1978 (Centrafarm BV/American Home Products dans l'affaire 3/78).

3) La question de savoir si l'utilisation par le titulaire de la marque de marques différentes, respectivement dans le pays où l'importateur procède à des achats et dans celui où il commercialise le produit est due à des circonstances objectives sur lesquelles le titulaire de la marque n'a pas d'influence, notamment, les conditions spécifiques imposées par les autorités nationales en matière de santé ou les droits de tiers a-t-elle une quelconque importance pour la réponse à la question?»

4 Des observations écrites et orales ont été présentées par Upjohn, Paranova, les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni et la Commission.

Le cadre juridique communautaire

5 Dans ses questions, la juridiction nationale se réfère à l'article 7 de la directive sur les marques (2) et/ou aux articles 30 et 36 du traité CE.

6 L'article 30 du traité interdit les restrictions quantitatives à l'importation entre les États membres et les mesures d'effet équivalent. En vertu de la première phrase de l'article 36 du traité, l'article 30 ne fait pas obstacle aux interdictions ou restrictions justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle ou commerciale. La seconde phrase de l'article 36 dispose ensuite que ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.

7 Il va de soi que, si un titulaire de marque est autorisé à utiliser sa marque pour faire obstacle à l'importation et à la vente de produits légalement commercialisés dans un autre État membre, il en découlera une restriction quantitative ou une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 30. Il y a dès lors lieu - pour autant que les dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises soient applicables - d'examiner si un tel comportement est justifié par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale.

8 Dans une série d'arrêts anciens concernant l'application de l'article 36 dans le cadre des droits de propriété industrielle et commerciale, la Cour a développé le principe, que l'on appelle l'épuisement des droits, selon lequel le titulaire d'un droit de ce type (y compris d'une marque commerciale) ne saurait l'invoquer pour faire obstacle à l'importation et à la vente de produits qui ont été mis sur le marché avec son consentement dans un autre État membre (3).

9 Ce principe est inscrit à l'article 7 de la directive, qui dispose que:

«1. Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

2. Le paragraphe 1 n'est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s'oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l'état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce.»

10 Paranova, les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission ont examiné, dans leurs observations, si c'est la directive ou le traité qui s'applique en l'espèce, qui concerne des produits mis dans le commerce sous trois marques distinctes, quoique très ressemblantes.

11 Paranova fait valoir que l'article 7, paragraphe 1, de la directive est applicable lorsqu'un titulaire de marque utilise, dans divers États membres, plusieurs marques ne présentant que des différences orthographiques mineures pour désigner des médicaments identiques sur le plan thérapeutique. Il soutient qu'une interprétation large de l'article 7 serait en harmonie avec le principe fondamental de la libre circulation des marchandises et avec le fonctionnement du marché intérieur, ces deux éléments constituant le fondement de la directive (4). Dès lors, selon elle, c'est au regard de l'article 7, paragraphe 1, qu'il conviendra de déterminer l'espèce, et la jurisprudence antérieure que la Cour a consacrée aux dispositions du traité est sans pertinence.

12 Les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission s'accordent pour dire que l'analyse de l'espèce au regard du traité ou de l'article 7 de la directive devrait mener au même résultat.

13 Le gouvernement néerlandais estime que c'est à la juridiction nationale qu'il appartient de déterminer si le litige doit être résolu dans le cadre de l'article 7 de la directive sur les marques ou de l'article 36 du traité, comme l'a déclaré la Cour dans son arrêt Loendersloot (5).

14 Le Royaume-Uni affirme que, même si l'on considère que le titulaire en l'espèce a épuisé ses droits au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive, l'article 7, paragraphe 2, pourrait justifier qu'il s'oppose à la commercialisation ultérieure des produits. La Cour a en effet déclaré, dans son arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. (6), que sa jurisprudence dans le cadre de l'article 36 du traité doit servir de base pour déterminer la portée du droit du titulaire de marque au titre de l'article 7, paragraphe 2.

15 La Commission prétend, tout en reconnaissant que la question ne revêt sans doute pas une grande importance pratique puisque le résultat sera le même, que c'est au regard du traité plutôt que de la directive qu'il convient de déterminer l'espèce. Selon elle, bien que ce point ne soit pas sans équivoque, l'article 7 ne s'applique que lorsque les produits sont commercialisés sous une marque identique.

16 Cette conception est peut-être exagérément restrictive. Nous reconnaissons une certaine pertinence à l'argumentation développée par le gouvernement du Royaume-Uni à l'audience. Celui-ci a fait valoir que le mot «marque» n'était pas nécessairement utilisé dans un sens linguistique étroit dans toutes les dispositions de la directive, et il a cité à titre d'exemple l'article 10, paragraphe 2, sous a), qui, à certaines fins (conséquences du défaut d'usage de la marque par le titulaire), assimile «l'usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif» à l'usage de la marque elle-même. A titre plus général, il a soutenu qu'il n'existait en principe aucun motif valable d'exclure du champ d'application de l'article 7, du moins, les marques fortement ressemblantes. Une telle exclusion limiterait cette disposition alors que d'autres dispositions de la directive, par exemple celles...

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