Criminal proceedings against Manuele Arduino, third parties: Diego Dessi, Giovanni Bertolotto and Compagnia Assicuratrice RAS SpA.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2001:389 |
Docket Number | C-35/99 |
Celex Number | 61999CC0035 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Date | 10 July 2001 |
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 10 juillet 2001. - Procédure pénale contre Manuele Arduino, en présence de Diego Dessi, Giovanni Bertolotto et Compagnia Assicuratrice RAS SpA. - Demande de décision préjudicielle: Pretore di Pinerolo - Italie. - Tarif obligatoire des honoraires d'avocat - Délibération du Conseil national de l'ordre - Approbation par le ministre de la Justice - Articles 5 et 85 du traité CE (devenus articles 10 CE et 81 CE). - Affaire C-35/99.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-01529
1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur les dispositions des articles 5 et 85 du traité CE (devenus articles 10 CE et 81 CE).
2. Le Pretore di Pinerolo (Italie) est appelé à se prononcer sur la légalité d'un barème fixant des honoraires minimaux et maximaux pour les prestations effectuées par les avocats dans son pays. Le barème litigieux a été adopté par le ministre de la Justice italien sur la base d'un projet du Conseil national de l'ordre des avocats.
I - Le cadre juridique national
A - Le Consiglio Nazionale Forense
3. Aux termes des articles 52 à 55 du décret-loi royal n° 1578, du 27 novembre 1933 , le Consiglio Nazionale Forense (Conseil national de l'ordre, ci-après le «CNF») est institué auprès du ministre de la Justice.
4. Il s'agit d'un organisme composé d'avocats élus par leurs confrères, à raison d'un élu pour chaque district de cour d'appel. Le CNF a notamment pour mission de fixer le barème des honoraires.
B - Les dispositions légales relatives aux honoraires
5. L'article 57 du décret-loi prévoit que les critères servant à déterminer les honoraires et les indemnités dus aux avocats et aux «procuratori» en matière civile, pénale et extrajudiciaire sont établis, tous les deux ans, par délibération du CNF.
6. Lorsque le barème a fait l'objet d'une délibération du CNF, il est transmis au ministre de la Justice pour approbation. Préalablement à cette approbation, le ministre doit recueillir l'avis du comité interministériel des prix (ci-après le «CIP») et consulter le Conseil d'État . Le décret ministériel portant approbation du barème doit ensuite être visé et enregistré par la Cour des comptes. Il a pour effet de rendre le barème obligatoire.
7. En vertu de l'article 58 du décret-loi, les critères indiqués à l'article 57 sont établis par rapport à la valeur des litiges et au degré de l'autorité saisie. Pour chaque acte ou série d'actes, une limite maximale et une limite minimale doivent être fixées. En matière extrajudiciaire, il est tenu compte de l'importance de l'affaire.
8. L'article 60 du décret-loi a trait à la liquidation judiciaire des honoraires.
9. Il prévoit que la liquidation des honoraires est effectuée par l'autorité judiciaire sur la base des critères établis à l'article 57, en tenant compte de la gravité et du nombre des questions traitées. La liquidation doit demeurer à l'intérieur des limites maximales et minimales fixées par l'article 58. Toutefois, dans certaines circonstances exceptionnelles, le juge peut déroger à ces limites à condition que sa décision soit dûment motivée.
C - Le barème litigieux
10. Le barème en cause dans l'espèce au principal résulte de la délibération du CNF du 12 juin 1993. Il a été approuvé par le décret ministériel n° 585, du 5 octobre 1994 (ci-après le «décret ministériel n° 585/94» ou le «décret litigieux») .
11. L'article 1er du décret litigieux porte approbation de la délibération du CNF.
12. L'article 2 du même décret prévoit que «les augmentations prévues dans les barèmes en annexe seront applicables à 50 % à partir du 1er octobre 1994 et pour les 50 % restants à partir du 1er avril 1995».
13. L'article 1er de la délibération du CNF dispose que les honoraires des avocats sont indiqués dans le tableau qui figure en annexe A à ladite délibération. Les honoraires relatifs aux prestations des «procuratori» sont repris dans le tableau qui figure en annexe B.
14. Aux termes de l'article 4 de la délibération du CNF, il est interdit de déroger aux minimums des honoraires prévus pour les prestations des avocats et des «procuratori».
15. Toutefois, dans les cas où il apparaîtrait une disproportion manifeste entre les prestations effectuées et les honoraires prévus, il est possible de dépasser les maximums indiqués. Il est également possible de descendre en dessous des minimums, à condition que la partie qui y a un intérêt produise un avis du conseil de l'Ordre compétent.
II - Les faits et la procédure
16. M. Arduino a été poursuivi pénalement pour avoir effectué, en violation des dispositions légales régissant la circulation routière, un dépassement sur un tronçon où cette manoeuvre était interdite. L'intéressé est entré en collision avec la voiture de M. Dessi, qui s'est constitué partie civile devant le Pretore di Pinerolo.
17. À l'issue de la procédure, les dépens exposés par la partie civile ont été mis à la charge de M. Arduino. L'avocat de M. Dessi a présenté sa note d'honoraires en se fondant sur le barème arrêté par le décret ministériel n° 585/94. Toutefois, le Pretore di Pinerolo a décidé d'écarter le barème litigieux et de fixer les honoraires à un montant inférieur au minimum tarifaire.
18. Saisie d'un pourvoi à l'encontre de cette décision, la Corte suprema di cassazione (Italie) a cassé le jugement attaqué. Elle a considéré qu'il était illégitime d'écarter le barème litigieux et a renvoyé l'affaire sur ce point devant le Pretore di Pinerolo.
19. Le juge de renvoi expose que, dans l'ordre juridique italien, il existe deux courants jurisprudentiels contradictoires quant à la question de savoir si le barème arrêté par le décret ministériel n° 585/94 constitue ou non une entente restrictive de concurrence au titre de l'article 85 du traité.
Selon la première tendance , les caractéristiques du décret litigieux seraient analogues à celles de la réglementation qui a fait l'objet de votre arrêt du 18 juin 1998 . Le CNF serait une association d'entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité et aucune disposition légale n'exigerait qu'il adopte ses décisions dans l'intérêt général. Le barème litigieux étant de nature à restreindre le jeu de la concurrence, le juge national serait tenu d'en écarter l'application.
Selon un autre courant jurisprudentiel , le barème litigieux ne résulterait pas d'une décision discrétionnaire du CNF. L'intervention des autorités publiques italiennes jouerait un rôle décisif dans la phase d'élaboration et dans la phase d'approbation du barème. On ne saurait donc considérer que les pouvoirs publics italiens ont délégué à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention en matière économique.
20. Le juge de renvoi explique que, face à ces deux courants jurisprudentiels, il est confronté au problème d'interprétation suivant.
Il se demande si, «en se référant plus particulièrement à l'intervention des organes publics dans la procédure d'approbation, le barème [...] prévu par le D.M. n° 585/94 comporte ou non les éléments d'une décision d'association d'entreprises ayant pour effet [...] de restreindre [...] le jeu de la concurrence» au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité .
Dans l'affirmative, le juge de renvoi se demande si «la nature particulière de l'activité professionnelle exercée par l'avocat [...] justifie que l'on prévoit des tarifs auxquels il ne peut être dérogé [...], de sorte que les délibérations du CNF seraient en tout état de cause compatibles avec le traité CE à la lumière des dispositions de l'article 85, paragraphe 3, [du traité]» .
III - Les questions préjudicielles
21. En conséquence, le Pretore di Pinerolo a décidé de surseoir à statuer et de vous déférer les deux questions suivantes:
«1) [L]es délibérations du CNF, approuvées par le D.M. n° 585/94, ayant pour objet de fixer les tarifs (auxquels il ne peut être dérogé) applicables à l'activité professionnelle des avocats, relèvent-elles du champ d'application de l'interdiction visée à l'article 85, paragraphe 1, du traité CE ?
2) [E]n cas de réponse affirmative à la question sous 1), le cas de figure considéré relève-t-il toutefois des dispositions de l'article 85, paragraphe 3, du traité, prévoyant l'inapplicabilité de l'interdiction dans certaines hypothèses ?»
IV - La recevabilité du renvoi préjudiciel
22. Le gouvernement italien exprime des doutes quant à la recevabilité du présent renvoi préjudiciel . Il formule deux séries d'observations à cet égard.
23. En premier lieu, le gouvernement italien s'interroge sur le caractère réel du litige au principal.
Il explique que, à la suite de l'arrêt rendu par la Corte suprema di cassazione, la compagnie d'assurances de M. Arduino aurait procédé au versement des dépens encourus par M. Dessi. Eu égard à ce versement, la partie civile aurait renoncé à intervenir dans la suite de la procédure et l'avocat de M. Arduino aurait demandé au Pretore di Pinerolo de prononcer un non-lieu à statuer. En l'état actuel de la procédure, le litige au principal serait donc dépourvu d'objet.
Dans ces conditions, le gouvernement italien comprend mal l'insistance du juge de renvoi à vouloir examiner la compatibilité du barème litigieux avec le droit communautaire. Selon lui, il n'est pas exclu que le Pretore di Pinerolo ait saisi l'occasion de trancher une question qui fait l'objet d'une controverse en Italie.
24. En second lieu, le gouvernement italien estime que l'ordonnance de renvoi ne décrit pas suffisamment le contexte juridique et factuel dans lequel les questions sont soulevées. Le Pretore di Pinerolo n'aurait pas indiqué les motifs pour lesquels il a écarté le barème litigieux.
25. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure prévue par l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales . Dans le...
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