Criminal proceedings against Jean Claude Becu, Annie Verweire, Smeg NV and Adia Interim NV.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:133
Docket NumberC-22/98
Celex Number61998CC0022
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 March 1998
EUR-Lex - 61998C0022 - FR 61998C0022

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 25 mars 1998. - Procédure pénale contre Jean Claude Becu, Annie Verweire, Smeg NV et Adia Interim NV. - Demande de décision préjudicielle: Hof van Beroep Gent - Belgique. - Concurrence - Législation nationale réservant l'exécution de certains travaux portuaires à des "ouvriers portuaires reconnus" - Notion d'entreprise - Droits spéciaux ou exclusifs. - Affaire C-22/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-05665


Conclusions de l'avocat général

Introduction

1 La présente demande de décision préjudicielle porte sur la compatibilité, avec les règles communautaires de la concurrence, d'un régime national réservant les opérations effectuées dans une zone portuaire déterminée à une catégorie de travailleurs reconnus. Selon la juridiction de renvoi, les barèmes des salaires de ces travailleurs - qui sont impérativement appliqués à toutes les entreprises en vertu d'une convention collective - ne sont pas équitables en comparaison des barèmes qui seraient appliqués à des travailleurs non reconnus, susceptibles eux aussi de réaliser une partie au moins des prestations réservées aux travailleurs reconnus.

D'un point de vue strictement économique, la situation qui prévaut dans le port de Gand est donc comparable à celle que l'on rencontrait dans certains ports maritimes italiens lorsque la Cour a statué dans l'affaire Merci convenzionali porto di Genova le 10 décembre 1991 (1). Cette assimilation n'est cependant pas possible, selon moi, si l'on se place d'un point de vue juridique.

Le droit national applicable

2 L'article 1er de la loi belge du 8 juin 1972, organisant le travail portuaire (2) (ci-après la «loi de 1972»), interdit à quiconque de faire effectuer un travail portuaire dans les zones portuaires par des travailleurs autres que les ouvriers portuaires reconnus.

3 Le travail portuaire et les zones portuaires ont été définis par les arrêtés royaux d'application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires (3). Les commissions et sous-commissions paritaires se composent d'un nombre égal de représentants des organisations d'employeurs et des organisations de travailleurs. Elles ont notamment pour mission de participer à l'élaboration des conventions collectives de travail qui relèvent de leur compétence. A la demande de l'organe paritaire concerné, ces conventions peuvent être rendues obligatoires par arrêté royal, après quoi elles s'appliquent à l'ensemble des employeurs et des travailleurs relevant de l'organe paritaire qui en est l'auteur.

4 La convention collective de travail applicable au port de Gand date du 20 février 1979. Elle a été rendue obligatoire par l'arrêté royal du 11 mai 1979 (4). Elle dispose, notamment, que les contrats de travail portant sur la réalisation de travail portuaire échappent à l'obligation de la forme écrite qui est applicable au contrat de travail en général.

5 L'article 1er de l'arrêté royal du 12 janvier 1973, instituant la commission paritaire des ports et fixant sa dénomination et sa compétence (5) (ci-après l'«arrêté royal de 1973»), définit le «travail portuaire» comme étant «toutes les manipulations de marchandises qui sont transportées par des navires de mer ou des bâtiments de navigation intérieure, par des wagons de chemin de fer ou des camions, et les services accessoires qui concernent ces marchandises, que ces activités aient lieu dans les docks, sur les voies navigables, sur les quais ou dans les établissements s'occupant de l'importation, de l'exportation et du transit de marchandises, ainsi que toutes les manipulations de marchandises transportées par des navires de mer ou des bâtiments de navigation intérieure à destination ou en provenance des quais d'établissements industriels».

6 Aux termes de l'article 3 de la loi de 1972, «le Roi fixe les conditions et les modalités de reconnaissance des ouvriers portuaires, sur avis de la commission paritaire compétente pour la zone portuaire concernée». En ce qui concerne le port de Gand, l'arrêté royal du 21 avril 1977 relatif aux conditions et aux modalités de reconnaissance des ouvriers portuaires dans la zone portuaire de Gand (6) (ci-après l'«arrêté royal de 1977»), énonce des conditions de reconnaissance telles que l'âge, les bonnes vie et moeurs, l'état de santé ainsi que les connaissances et capacités professionnelles des intéressés.

Aux termes de l'article 3, paragraphe 2, de l'arrêté royal de 1977, pour pouvoir accorder la reconnaissance, la sous-commission paritaire devra tenir compte des besoins de main-d'oeuvre.

7 Conformément à l'article 4 de la loi de 1972, les employeurs qui favorisent ou tolèrent le travail portuaire en infraction de la loi ou de ses arrêtés d'application sont passibles d'amende.

Les faits

8 Tels qu'ils sont exposés dans l'ordonnance de renvoi, les faits qui sont à l'origine de la procédure au principal peuvent être résumés de la manière suivante.

9 La société belge NV SMEG exploite une entreprise de stockage de grains dans la zone portuaire de Gand, telle qu'elle est définie à l'article 1er de l'arrêté royal de 1973 et à l'article 2 de l'arrêté royal du 12 août 1974, instituant des sous-commissions paritaires pour les ports, fixant leur dénomination et leur compétence et fixant le nombre de leurs membres (7).

10 Les activités de SMEG consistent, d'une part, dans le chargement et le déchargement des navires céréaliers et, d'autre part, dans le stockage de grains pour le compte de tiers. Les marchandises sont, à l'arrivée comme au départ, transportées par bateau, par train ou par camion.

11 A l'époque des faits, M. Becu, qui était alors directeur de SMEG, avait fait effectuer des travaux portuaires dans la zone portuaire de Gand par huit ouvriers portuaires non reconnus.

12 A la même époque, Mme Verweire, qui était alors gérante de la société NV Adia Interim, a fait effectuer des travaux portuaires dans la zone portuaire de Gand par cinq ouvriers portuaires non reconnus.

13 Il est incontestable que des travaux portuaires, au sens de la définition qu'en donnent les articles précités des arrêtés royaux respectifs, sont effectués au sein de la société SMEG, laquelle, de ce fait, tombe sous le coup de la loi de 1972 organisant le travail portuaire.

14 Il est également établi, et il n'est pas non plus contesté, que SMEG a fait effectuer des travaux portuaires dans la zone portuaire de Gand par des ouvriers portuaires non reconnus durant la période incriminée alors qu'aux termes de la loi de 1972, ces travaux ne peuvent être exécutés que par des ouvriers portuaires reconnus.

15 Le ministère public (Openbaar Ministerie) a engagé des poursuites pénales à l'encontre de M. Becu et de Mme Verweire ainsi qu'à l'encontre des deux sociétés qu'ils géraient, les accusant d'avoir commis les infractions visées par la loi de 1972 (voir le point 7 plus haut). Le juge de première instance (Correctionele Rechtbank) a acquitté les deux premiers et mis les deux secondes hors de cause au motif qu'il n'y avait pas moyen d'exercer une action pénale contre elles.

Se référant à l'article 85, paragraphe 1, et à l'article 86, paragraphe 2, sous a), du traité CE ainsi qu'aux pièces du dossier, lesquelles font apparaître que la société SMEG versait aux travailleurs un salaire horaire de 667 BFR alors que la rétribution minimum d'un ouvrier portuaire ordinaire est de 1 335 BFR, le juge de première instance a estimé que de telles différences de salaire devaient être considérées comme inéquitables puisqu'en vertu des dispositions de la loi de 1972, même les opérations courantes d'entretien effectuées sur les terrains de SMEG devaient être exécutées par des ouvriers portuaires reconnus.

Les questions préjudicielles

16 Le ministère public s'étant pourvu en appel de la décision de première instance, la Cour d'appel de Gand (Hof van beroep) a jugé opportun, avant de se prononcer sur le fond de l'affaire, de saisir la Cour de deux questions préjudicielles conformément à l'article 177 du traité CE. Ces questions sont les suivantes:

«1) En l'état actuel du droit communautaire, des ressortissants communautaires, qu'il s'agisse de personnes physiques ou morales, peuvent-ils puiser dans l'article 90, paragraphe 1, du traité CE, lu en combinaison avec les articles 7, 85 et 86 de ce traité, des droits que les États membres doivent prendre en considération, lorsque, dans des zones portuaires, le chargement et le déchargement, en particulier de marchandises qui sont importées par mer sur le territoire d'un État membre en provenance d'un autre État membre, et le travail portuaire en général sont exclusivement réservés à des `ouvriers portuaires reconnus', dont les conditions et modalités de reconnaissance sont fixées par le Roi, sur avis de la commission paritaire compétente pour la zone portuaire concernée, et que des tarifs imposés doivent être appliqués, même si ces opérations peuvent être effectuées par des ouvriers ordinaires (c'est-à-dire autres que des ouvriers portuaires reconnus)?

2) Les ouvriers portuaires reconnus, tels que visés à l'article 1er de la loi du 8 juin 1972, qui ont le droit exclusif d'effectuer le travail portuaire dans les zones portuaires, telles que définies par les dispositions légales en la matière, doivent-ils être considérés comme des ouvriers chargés de la gestion de services d'intérêt économique général, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du traité CE, qui ne pourraient plus accomplir la mission particulière qui leur est impartie si l'article 90, paragraphe 1, et les interdictions...

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