EARL de Kerlast v Union régionale de coopératives agricoles (Unicopa) and Coopérative du Trieux.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:294
Docket NumberC-15/95
Celex Number61995CC0015
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 July 1996
EUR-Lex - 61995C0015 - FR 61995C0015

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 11 juillet 1996. - EARL de Kerlast contre Union régionale de coopératives agricoles (Unicopa) et Coopérative du Trieux. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Morlaix - France. - Prélèvement supplémentaire sur la lait - Quantité de référence - Conditions de transfert - Cession temporaire - Société en participation entre producteurs. - Affaire C-15/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-01961


Conclusions de l'avocat général

1 Dans la présente affaire, le tribunal de grande instance de Morlaix pose à la Cour, conformément à l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation et à la validité de certaines dispositions du règlement (CEE) n_ 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n_ 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers (1).

2 Ces questions ont été soulevées à l'occasion d'un litige dans lequel l'entreprise agricole à responsabilité limitée EARL de Kerlast a assigné l'Union régionale de coopératives agricoles (ci-après l'«Unicopa») et la Coopérative du Trieux en raison de l'imputation d'une certaine quantité de lait sur sa quantité de référence, ce qui a donné lieu au paiement d'un prélèvement supplémentaire pour dépassement de cette quantité de référence.

3 L'EARL de Kerlast est une entreprise se consacrant principalement à la production laitière, titulaire d'une quantité de référence individuelle de 365 045 litres. Pour sa part, M. Kergus, qui est à la fois exploitant agricole et chauffeur routier, possède une exploitation laitière à laquelle a été attribuée une quantité de référence individuelle de 144 245 litres. Selon l'autorité française compétente pour l'application de l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, M. Kergus n'est pas un producteur SLOM (2). Les producteurs SLOM sont ceux qui n'avaient pas livré de lait au cours de la période de référence choisie pour l'attribution des quantités de référence individuelles du fait qu'ils avaient souscrit un engagement de non-commercialisation en vertu du règlement (CEE) n_ 1078/77 (3) et qui ont obtenu des quantités de référence spécifiques au titre du règlement (CEE) n_ 764/89 (4).

4 Par acte sous seing privé intervenu le 11 septembre 1992, l'EARL de Kerlast et M. Kergus ont créé une société en participation en vertu de laquelle l'EARL de Kerlast reprenait l'exploitation de la quantité de référence de M. Kergus (144 245 litres), celui-ci recevant, en contrepartie, 20 % du produit des ventes de lait réalisées par la société en participation.

5 D'octobre 1992 à septembre 1993, la Coopérative du Trieux, affiliée à Unicopa et acheteuse du lait produit par l'EARL de Kerlast, a imputé le lait sur la quantité de référence de celle-ci et sur celle de M. Kergus, en fonction des indications fournies par les deux parties. En revanche, à partir du mois d'octobre 1993, la coopérative acheteuse a décidé d'attribuer la totalité du lait acquis auprès de l'EARL de Kerlast à la quantité de référence de celle-ci. De ce fait, cette entreprise a dépassé sa quantité de référence individuelle et, en décembre 1993 et janvier 1994, la Coopérative du Trieux a déduit des sommes versées à l'EARL de Kerlast les montants respectifs de 26 022 FF et 83 134 FF, à titre de prélèvement supplémentaire.

6 Le 1er avril 1994, l'EARL de Kerlast a assigné la Coopérative du Trieux et l'Unicopa devant le tribunal de grande instance de Morlaix afin d'obtenir l'annulation de l'imputation ainsi effectuée et le paiement de l'intégralité de sa production laitière. Pour la solution de ce litige, la juridiction nationale a estimé nécessaire de poser à la Cour les trois questions suivantes:

«1) L'article 7 du règlement communautaire n_ 857/84 peut-il être interprété comme interdisant la constitution de sociétés en participation (par nature dépourvues de personnalité morale, non opposables aux tiers et de caractère occulte) par les producteurs comme constituant des locations déguisées de quotas ou [ces sociétés sont-elles] autorisées comme adaptations structurelles nécessaires au sens de l'article 1er du règlement n_ 856/84?

2) L'article 12, sous c), du règlement n_ 857/84 et l'article 3 bis du règlement n_ 764/89 doivent-ils être interprétés comme imposant une reprise personnelle effective de la production?

3) L'article 40, paragraphe 3, du traité de la Communauté économique européenne s'oppose-t-il à ce que l'État membre, en application du règlement n_ 857/84 du 31 mars 1984 (modifié par le règlement n_ 764/89 du 20 mars 1989), prenne une décision d'interdiction des sociétés en participation et d'autorisation de GAEC [groupements agricoles d'exploitation en commun] partiels laitiers? (circulaire n_ 4019 du 20 novembre 1989 DPE/SPM/C 89; circulaire n_ 7051 du 14 novembre 1991 DEPSE/SDSA C 91)»

Avant de passer à l'examen des questions posées, j'exposerai brièvement les dispositions communautaires applicables dans la présente affaire.

La réglementation applicable

7 En vue de réduire le déséquilibre entre l'offre et la demande de lait et de produits laitiers, ainsi que les excédents structurels en résultant, le règlement (CEE) n_ 856/84 (5) a modifié l'organisation commune des marchés dans ce secteur en instituant un régime de prélèvement supplémentaire, applicable à partir du 2 avril 1984. L'économie de ce mécanisme de contrôle de la production laitière était la suivante:

- Il était fixé, pour toute la Communauté, une quantité globale qui constituait le seuil de garantie pour la production laitière.

- Cette quantité était répartie entre les États membres en fonction des quantités de lait livrées sur leur territoire pendant l'année civile 1981, augmentées de 1 %, à l'exception de la quantité destinée à la réserve communautaire, constituée pour faire face aux nécessités spécifiques de certains États membres et de certains producteurs.

- A son tour, chaque État membre répartissait sa quantité garantie entre ses producteurs, en leur attribuant une quantité de référence individuelle, communément appelée «quota laitier».

- Le dépassement de la quantité de référence entraînait l'obligation pour les producteurs de payer un prélèvement supplémentaire, destiné à financer le coût occasionné par la commercialisation de ces excédents. Le paiement du prélèvement incombait au producteur (formule A) ou à l'acheteur du lait, celui-ci ayant le droit de le répercuter sur le producteur (formule B), selon le choix exercé par chaque État membre. La République française a opté pour la formule B.

8 Les règles générales pour la mise en oeuvre de ce régime de prélèvement supplémentaire ont été arrêtées par le Conseil dans le règlement n_ 857/84. Celui-ci a donné aux États membres la faculté de choisir les années 1981, 1982 ou 1983 comme période de référence pour le calcul des quotas individuels des producteurs et a prévu, en outre, la possibilité pour les États membres de créer des réserves nationales de quantités de référence pour faire face aux situations particulières de certains de leurs producteurs.

9 Par ailleurs, l'article 7 du règlement n_ 857/84 a réglementé la délicate question du transfert des quantités de référence, en établissant comme principe de base en la matière le lien de la quantité de référence à l'exploitation. Ce principe a trouvé son expression dans la rédaction initiale de l'article 7, paragraphe 1, libellé comme suit:

«En cas de vente, location ou transmission par héritage d'une exploitation, la quantité de référence correspondante est transférée totalement ou partiellement à l'acquéreur, au locataire ou à l'héritier selon des modalités à déterminer.»

Le paragraphe 2, deuxième alinéa, de cette disposition permettait aux États membres de prévoir qu'une partie des quantités transférées fût ajoutée à la réserve nationale de quantités de référence.

10 L'article 5 du règlement (CEE) n_ 1371/84 (6) prévoyait, pour l'application de l'article 7 du règlement n_ 857/84, que l'acquéreur recevrait l'intégralité des quantités de référence en cas de transmission de la totalité de l'exploitation et que, en cas de transmission partielle de celle-ci, la répartition des quotas se ferait en fonction des surfaces utilisées pour la production laitière ou d'autres critères objectifs établis par les États membres. En outre, les autres opérations susceptibles d'entraîner le transfert de quotas, comportant des effets juridiques comparables pour les producteurs, étaient assimilées à la vente, à la location ou à la transmission par héritage.

11 Ce système de transmissibilité des quantités de référence a connu des évolutions ultérieures, au même titre que le régime de prélèvement supplémentaire dans son ensemble, pour répondre au besoin d'adaptation aux changements intervenus dans le secteur du lait et des produits laitiers. Cette évolution a été caractérisée par le maintien du principe de base du lien du quota à l'exploitation lors de sa transmission, ainsi que par l'introduction progressive d'exceptions à ce principe, visant à favoriser une certaine restructuration de la production laitière.

12 La première modification du régime de transfert des quantités de référence a été opérée par le règlement (CEE) n_ 590/85 (7), qui maintient le principe du lien du quota à l'exploitation, mais qui introduit deux exceptions, visant à remédier à des situations économiques et sociales difficiles. Ce règlement autorise en effet les États membres à attribuer les quantités de référence correspondant à une exploitation aux preneurs sortants dont le bail arrive à expiration et qui entendent continuer leur production laitière sur une autre exploitation, ainsi qu'aux producteurs sortants en cas de transfert de terres aux autorités...

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