Acoset SpA v Conferenza Sindaci e Presidenza Prov. Reg. ATO Idrico Ragusa and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:332
Date02 June 2009
Celex Number62008CC0196
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-196/08

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 2 juin 2009 (1)

Affaire C-196/08

Acoset SpA

contre

Conferenza Sindaci e Presidenza Prov. Reg. ATO Idrico Ragusa

e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale della Sicilia (sezione staccata di Catania) (Italie)]

«Partenariat public-privé – Attribution directe de la gestion intégrale du service public de l’eau à une société d’économie mixte – Sélection du partenaire privé chargé de l’exécution au moyen d’une procédure d’appel d’offres public – Régime juridique – Différence entre marché public et concession – Liberté d’établissement et libre prestation de services – Libre concurrence»





I – Introduction

1. La demande de décision préjudicielle du Tribunale amministrativo regionale della Sicilia (Italie) donne à la Cour l’occasion d’analyser le régime juridique des mécanismes de «partenariat public-privé» (2), dans la gestion des services publics, et sa compatibilité avec les articles 43 CE, 49 CE et 86 CE.

2. L’attribution directe de telles prestations à une société d’économie mixte est contraire au droit communautaire si elle aboutit à tourner les mécanismes des directives sur les marchés publics. Le reproche s’adresse à la concession de services, car elle enfreint les articles 43 CE et 49 CE ainsi que les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence (3), sauf recours, dans une mesure raisonnable, à des moyens propres (4).

3. La présente affaire se distingue des adjudications censurées par la Cour jusqu’ici par le fait que, si le juge italien évoque l’attribution immédiate de la gestion intégrée du service des eaux à une entité associant intérêts publics et intérêts privés, il souligne également le recours préalable à un appel d’offres, dont la fonction traditionnelle semble néanmoins avoir été modifiée.

4. En effet, le choix de l’attributaire ou du concessionnaire s’est converti en une méthode pour désigner l’associé privé de la société commerciale attributaire du marché ou de la concession et cette désignation implique l’exécution du service en plus de la dépense qu’elle entraîne.

5. À la différence de l’arrêt Commission/Autriche (5), où la Cour a constaté une construction artificielle comprenant «plusieurs phases distinctes» et a déclaré illégale l’adjudication à une société d’économie mixte d’un marché travesti en opération ‘in house’ (6), la mise en concurrence joue un rôle en l’espèce, sous une forme inédite et dans une procédure qui n’est pas dépourvue d’une certaine austérité puisque un seul acte suffit à créer la société, à lui assigner une tâche et à fixer les critères pour associer le partenaire industriel privé. Que demander de plus?

6. La question est de savoir si cet expédient est conforme aux exigences du droit communautaire (7).

II – Les textes applicables

A – Le droit communautaire

1. Le traité de Rome

7. L’article 43 CE dispose:

«Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. […

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.»

8. L’article 46 CE dispose:

«1. Les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l’applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.

2. Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, arrête des directives pour la coordination des dispositions précitées.»

9. L’article 49, premier alinéa, CE dispose:

«Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.»

10. L’article 86, paragraphe 1, CE exhorte les États membres à ne pas édicter ni maintenir «[…] en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, […] aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues à l’article 12 et aux articles 81 à 89 inclus.»

2. Les directives sur les marchés publics

a) Les secteurs traditionnels

11. La multiplicité des normes sur des aspects comme les critères pour évaluer le sélection en fonction de l’objet du marché ou comme la réduction progressive de la marge de discrétion laissée à l’entité adjudicatrice appelait une réforme qui, après quelques timides tentatives (8), a résulté de la codification réalisée par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (9).

12. Cependant, les règles sur l’attribution de marchés sont tenues au respect des principes du traité de Rome et, en particulier, des principes de la libre circulation des marchandises, de la liberté d’établissement, de la libre prestation de services et des principes plus généraux d’égalité de traitement, de non-discrimination, de reconnaissance mutuelle, de proportionnalité et de transparence.

13. Pour garantir la pleine efficacité de ces principes et l’ouverture à la concurrence, il convenait, dans les marchés publics d’un montant supérieur à un certain seuil, «d’élaborer des dispositions en matière de coordination communautaire des procédures nationales de passation de ces marchés qui soient fondées sur ces principes […]» (deuxième considérant de la directive 2004/18).

14. Dans l’intérêt de la sécurité juridique, l’article 1er de la directive 2004/18 fournit une batterie de définitions, parmi lesquelles – pour tracer la fine ligne de démarcation entre le marché et la concession – je souligne pour le moment les suivantes:

– les marchés publics: «[…] contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services au sens de la présente directive»;

– la concession de travaux publics: «[…] contrat présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public de travaux, à l’exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix»;

– la concession de services: «[…] contrat présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public de services, à l’exception du fait que la contrepartie de la prestation des services consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter le service, soit dans ce droit assorti d’un prix».

b) Les secteurs exclus

15. Compte tenu de la spécificité des marchés de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, le régime général ne pouvait leur être appliqué sans tenir compte de leurs particularités.

16. Cette prise en compte est venue de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (10), qui repose sur des principes identiques à ceux évoqués ci-dessus (11), bien qu’avec un esprit différent de celui qui inspire la directive 2004/18, puisque l’élément décisif réside non pas dans l’entité qui propose le marché, mais dans la nature de l’activité concernée par celui-ci (12).

17. La directive 2004/17 s’occupe des marchés de fournitures, de travaux et de services [article 1er, paragraphe 2, sous b), c) et d)], qu’elle oppose aux concessions [article 1er, paragraphe 3, sous a) et b)], et elle proclame son applicabilité à «la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution d’eau potable» [article 4, paragraphe 1, sous a)] ainsi qu’à «l’alimentation de ces réseaux en eau potable» [article 4, paragraphe 1, sous b)].

B – Le droit italien

18. L’article 113, paragraphe 5, du décret législatif n° 267, du 18 août 2000, portant consolidation des textes de loi relatifs à l’organisation des collectivités territoriales (ci-après le décret législatif n° 267/2000) (13), offre – dans sa version applicable ratione temporis (14) à ces collectivités (15) trois modalités de gestion de leurs services publics, selon que l’attribution est faite à:

«[…]

a) des sociétés de capitaux sélectionnées par le biais de procédures d’appel d’offres public;

b) des sociétés à capital mixte dans lesquelles l’associé privé est sélectionné au moyen de procédures d’appel d’offres public garantissant le respect des réglementations nationales et communautaires en matière de concurrence, conformément aux lignes directrices arrêtées par les autorités compétentes dans des mesures ou circulaires spécifiques;

c) des sociétés à capital entièrement public à condition que la ou les collectivités publiques détentrices du capital social exercent sur la société un contrôle analogue à celui qu’elles exercent sur leurs propres services et que cette société réalise l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la contrôlent.»

19. La point a) répond à la démarche contractuelle, le point c) couvre les opérations faites en régie ou dans le cadre d’un marché «‘in house’» (16), tandis que le point b)...

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