Jean Leon Van Straaten v Staat der Nederlanden and Republiek Italië.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:381
Docket NumberC-150/05
Celex Number62005CC0150
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 June 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 8 juin 2006 1(1)

Affaire C-150/05

Jean Leon van Straaten

contre

État néerlandais

et

République italienne

[demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank ’s‑Hertogenbosch (Pays-Bas)]

«Question préjudicielle au titre de l’article 35 UE – Acquis de Schengen – Convention d’application de l’accord de Schengen – Interprétation de l’article 54 – Principe ‘non bis in idem’ – Notion de ‘mêmes faits’ – Transport d’un lot de stupéfiants d’un État signataire dans un autre et détention dans ce dernier d’une partie de ce lot – Notion de ‘définitivement jugé’ – Jugement d’acquittement pour absence de preuves»





I – Introduction

1. La présente demande préjudicielle au titre de l’article 35 UE, formée par le Rechtbank ’s-Hertogenbosch (Pays-Bas) (2), fournit à la Cour de justice une quatrième occasion d’interpréter l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen (ci-après la «CAAS»), qui énonce le principe non bis in idem.

2. Les deux premières fois, elle a affirmé que ce principe s’applique lorsque l’action publique est éteinte moyennant l’accomplissement de certaines charges convenues avec le ministère public (3), mais qu’il n’opère en revanche pas si le classement d’une affaire est dû à la décision du ministère public lui-même d’abandonner les poursuites, au motif que des poursuites ont été engagées dans un autre État membre, à l’encontre du prévenu, pour les mêmes faits (4).

3. La troisième occasion a été offerte par l’affaire Van Esbroeck (C‑436/04), dont l’arrêt, prononcé le 9 mars dernier (5), a examiné l’effet ratione temporis du principe susmentionné, en précisant la notion de «idem».

4. La question des contours de cette dernière notion, et de la manière dont le pouvoir étatique est exercé pour réprimer les comportements pénalement punissables, se pose de nouveau, puisque le juge de renvoi s’interroge sur la portée de l’expression «les mêmes faits», et souhaite savoir si une personne relaxée par jugement faute de preuves a «été jugée» au sens de l’article 54 de la CAAS (6).

5. Ces doutes sont soulevés dans une affaire introduite par M. Jean Leon van Straaten, au titre de l’article 111, paragraphe 1, de la CAAS, pour contester son inscription dans le système d’information Schengen.

II – L’acquis de Schengen

A – Généralités

6. Ce corpus juridique comprend:

a) l’accord signé le 14 juin 1985 dans la localité luxembourgeoise qui lui donne son nom, par les États formant l’Union économique Benelux, la République fédérale d’Allemagne et la République française, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (7);

b) la convention d’application de l’accord susdit, conclue le 19 juin 1990 (8), qui établit des mesures de coopération pour compenser la disparition de ces contrôles;

c) les protocoles et les instruments d’adhésion d’autres États membres, les déclarations et les actes adoptés par le comité exécutif institué par la CAAS, ainsi que ceux pris par les instances auxquelles ce comité exécutif attribue des pouvoirs de décision (9).

7. Le protocole (nº 2) annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne incorpore ce corpus dans le cadre de l’Union, et il s’applique, en vertu de son article 2, paragraphe 1, premier alinéa, aux treize États énumérés à l’article 1er, parmi lesquels figurent, depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam (le 1er mai 1999), le Royaume des Pays-Bas et la République italienne (10).

8. L’objectif consiste, selon le préambule du protocole, à renforcer l’intégration en Europe et, en particulier, à faire en sorte que l’Union devienne plus rapidement un espace de liberté, de sécurité et de justice.

9. En application de l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, du protocole, le Conseil a adopté, le 20 mai 1999, les décisions 1999/435/CE et 1999/436/CE, dans lesquelles il définit l’accord de Schengen et détermine, en vertu des dispositions pertinentes du traité CE et du traité UE, la base juridique des dispositions qui font partie de son acquis (11).

B – Sur le principe non bis in idem

10. Le titre III de la CAAS, intitulé «Police et sécurité», débute par un chapitre consacré à la «Coopération policière» (articles 39 à 47), suivi d’un autre qui traite de l’«Entraide judiciaire en matière pénale» (articles 48 à 53).

11. Le chapitre 3, intitulé «Application du principe ne bis in idem», se compose des articles 54 à 58, qui sont fondés sur les articles 34 UE et 31 UE, selon l’article 2 et l’annexe A de la décision 1999/436.

12. L’article 54 de la CAAS dispose:

«Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation.»

13. Son article 55, paragraphe 1, sous a), précise que, en ratifiant la convention, un État peut se délier de l’article 54 lorsque l’action, ne s’étant pas produite dans le pays où le jugement est rendu, a eu lieu en totalité ou en partie sur son territoire.

C – Sur la lutte contre le trafic de drogue

14. Après les chapitres 4 («Extradition»: articles 59 à 66) et 5 («Transmission de l’exécution des jugements répressifs»: articles 67 à 69), le titre III consacre aux «Stupéfiants» un autre chapitre (articles 70 à 76), dont l’article 71, ayant pour base juridique, outre les articles 34 UE et 31 UE, l’article 30 UE, dispose sous son paragraphe 1:

«Les Parties Contractantes s’engagent, en ce qui concerne la cession directe ou indirecte de stupéfiants et de substances psychotropes de quelque nature que ce soit, y compris le cannabis, ainsi que la détention de ces produits et substances aux fins de cession ou d’exportation, à prendre, en conformité avec les Conventions existantes des Nations Unies, toutes mesures nécessaires à la prévention et à la répression du trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes.»

15. Un dernier chapitre, le chapitre 7 (articles 77 à 91), porte sur les «Armes à feu et munitions».

D – Sur le système d’information Schengen

16. Le titre IV de la CAAS (articles 92 à 119) instaure le système d’information Schengen (12), composé d’une section auprès de chacun des signataires et d’une unité de support technique, afin, grâce à des interrogations automatiques, de connaître le signalement de personnes et d’objets, aux fins visées aux articles 95 à 100 (dispositions combinées des articles 92, paragraphe 1, 94, paragraphe 1, et 102, paragraphe 1).

17. Parmi ces fins figure l’arrestation en vue de l’extradition, circonstance dans laquelle les données concernant l’individu recherché sont intégrées au système à la demande de l’autorité judiciaire de l’État requérant (article 95, paragraphe 1), seul habilité à les modifier, à les compléter, à les rectifier ou à les supprimer (article 106, paragraphe 1). Si l’État requis estime que le signalement est incompatible avec son ordre juridique, avec ses obligations internationales ou avec ses intérêts essentiels, il lui est possible d’insérer une indication qui empêche l’arrestation sur son territoire (dispositions combinées des articles 95, paragraphe 3, et 94, paragraphe 4).

18. Chaque pays désigne l’organisme compétent pour la gestion de la partie nationale du système (article 108, paragraphe 1). Les personnes concernées disposent d’actions pour demander la modification ou la suppression d’une inscription, de même que pour obtenir une information ou réclamer une indemnisation (article 111, paragraphe 1), les signataires s’engageant mutuellement à exécuter les jugements définitifs rendus (article 111, paragraphe 2).

III – Les faits, le litige principal et les questions préjudicielles (13)

19. Au mois de mars 1983, M. Van Straaten, ressortissant communautaire, possédait en Italie quelque cinq kilogrammes d’héroïne et l’a introduite aux Pays-Bas, où il en détenait environ mille grammes.

20. Il a été inculpé dans ce dernier État membre de trois infractions: 1) avoir importé d’Italie autour du 26 mars, en association avec M. Yilmaz, cinq kilogrammes et demi de cette drogue; 2) en avoir détenu mille grammes entre le 27 et le 30 mars, et 3) détenir des armes à feu et des munitions.

21. Le Rechtbank ’s-Hertogenbosch, dans un jugement du 23 juin 1983, l’a relaxé du premier chef d’inculpation faute de preuves (14), et l’a condamné pour les deux autres à une peine de détention de vingt mois, qu’il a dûment exécutée après qu’elle fut devenue définitive (15).

22. En Italie, M. Van Straaten a été poursuivi pour possession et exportation aux Pays-Bas, à plusieurs reprises, vers le 27 mars 1983, d’environ cinq kilogrammes d’héroïne, avec la circonstance aggravante d’opérer comme membre d’une organisation criminelle. M. Van Straaten n’ayant pas comparu à l’audience à laquelle il avait été dûment cité, le Tribunale ordinario di Milano l’a condamné, par jugement du 22 novembre 1999, sans statuer sur l’existence de la circonstance aggravante, à dix années de prison et à une amende de cinquante millions de lires, ainsi qu’au paiement des dépens.

23. À la demande des autorités italiennes, M. Van Straaten a été signalé dans le système d’information Schengen, en vue de son arrestation suivie d’extradition, réclamée par le procureur de Milan le 11 septembre 2001. Invoquant l’article 95, paragraphe 3, de la CAAS, le Royaume des Pays-Bas a ajouté un avertissement, de manière à ce que l’arrestation ne puisse pas avoir lieu sur leur territoire.

24. Ayant été informé du deuxième jugement et de son inscription dans le système, M. Van Straaten a demandé, par l’intermédiaire du Korps Landelijke Politiediensten (16) (office néerlandais de la police nationale), la suppression de ses antécédents, sans obtenir de...

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