Commission of the European Communities v Hellenic Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:777
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-140/03
Date07 December 2004
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62003CC0140

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 7 décembre 2004 (1)

Affaire C-140/03

Commission des Communautés européennes

contre

République hellénique

«Liberté d’établissement – Ouverture et exploitation de magasins d’optique – Conditions – Restrictions imposées aux personnes physiques et morales – Justification – Principe de proportionnalité»





1. Dans le cadre du présent recours en manquement introduit au titre de l’article 226 CE, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en raison des conditions imposées, tant aux personnes physiques que morales, pour autoriser l’exploitation sur son territoire de magasins d’optique, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 48 CE.

2. Dès lors que la réglementation en question n’introduit pas de discrimination entre les nationaux et les autres ressortissants communautaires, nous nous trouvons de nouveau en présence d’une affaire qui porte sur ce qu’il convient d’appeler les «restrictions indistinctement applicables». La différence de traitement peut être indirecte et résulter d’autres conditions, qui sont apparemment neutres, en l’occurrence celle réservant l’ouverture d’un magasin d’optique aux seuls professionnels diplômés dans la spécialité, agissant personnellement ou par le biais d’une participation dans une société de personnes.

I – Le cadre juridique communautaire

3. Dans le traité CE, les libertés fondamentales de circulation des personnes, des services et des capitaux font l’objet du titre III, au sein duquel le chapitre 2 traite plus particulièrement du droit d’établissement, ce chapitre comprend les articles 43 CE à 48 CE dont le premier et le dernier fondent le présent recours.

4. L’article 43 CE pose les principes en la matière:

«Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.»

5. Pour sa part, dans le cadre de l’exercice de cette liberté, l’article 48 CE assimile les personnes morales aux personnes physiques:

«Les sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté sont assimilées, pour l’application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres.

Par sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l’exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif.»

II – La législation nationale applicable

6. En Grèce, l’installation de magasins d’optique relève des conditions énoncées par la loi nº 971/79 (2). L’article 6, paragraphe 6, de cette loi dispose que, sans préjudice des dispositions des articles 6, paragraphe 3 (3), et 8, paragraphe 2 (4), les magasins d’optique sont gérés personnellement par les titulaires de l’autorisation délivrée pour leur exploitation, ce qui suppose, comme cette disposition le précise, que chaque opticien, en tant que personne physique, ne puisse gérer qu’un seul établissement.

7. Cependant, tous les professionnels de cette branche ne sont pas en mesure d’ouvrir un magasin dès lors qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, de cette même loi que ces magasins ne peuvent être ouverts que par des personnes titulaires d’une licence d’opticien et que leur exploitation est subordonnée à la délivrance de l’autorisation correspondante qui, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, «[…] est personnelle et incessible».

8. S’agissant des personnes morales, l’article 27, paragraphe 4, de la loi nº 2646/98 (5) sur la modernisation et l’organisation du système de santé, qui complète la loi nº 971/79, dispose que seuls les opticiens diplômés peuvent créer une société en nom collectif ou en commandite pour exploiter un magasin d’optique, à condition que la personne qui possède l’autorisation d’exploiter le magasin participe pour au moins 50 % au capital de la société. Par ailleurs, cet opticien peut être associé, au plus, d’une autre société, pour autant que l’autorisation susmentionnée soit délivrée au nom d’un autre opticien diplômé.

9. Dans son mémoire en duplique, le gouvernement hellénique a précisé qu’une modification législative était en cours afin que les bénéficiaires possibles d’une autorisation puissent recourir à différents types de sociétés, dès lors que leur capital est majoritairement détenu par des opticiens diplômés.

Au cours de l’audience, le représentant de l’État défendeur a confirmé que la loi nº 3204/2003 avait mis fin, selon lui, à l’ensemble des infractions reprochées à la République hellénique.

III – La procédure administrative

10. À la suite de la plainte déposée par deux sociétés anonymes (la société mère, ayant son siège dans un autre État membre, et sa filiale grecque) qui, sur le fondement de la loi nº 971/79, s’étaient vu refuser l’autorisation d’ouvrir un magasin d’optique, la Commission, par lettre du 27 janvier 1998, a attiré l’attention du gouvernement grec sur l’incompatibilité de cette législation avec les articles 52 (devenu, après modification, article 43 CE) et 58 (devenu article 48 CE) du traité CE.

11. Le 27 avril 1998, le gouvernement hellénique a affirmé qu’une réforme législative était en cours et, après la lettre de mise en demeure qui lui a été adressée, il a indiqué le 13 janvier 1999 que la loi nº 2646/98 l’avait introduite.

12. Le 3 août 1999, considérant que cette nouvelle réglementation était également incompatible avec le droit communautaire, la Commission a adressé au gouvernement hellénique une lettre de mise en demeure complémentaire.

13. Les arguments exposés par le gouvernement grec dans une lettre du 17 mai 2000 n’ont pas empêché la Commission de lui adresser, le 24 janvier 2001, un avis motivé qui a fait l’objet d’une réponse le 2 mai 2001.

IV – Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

14. Le 27 mars 2003, la Commission a introduit le présent recours aux fins de faire constater par la Cour:

– que, en adoptant et en maintenant en vigueur la loi n° 971/79, qui ne permet pas à un opticien personne physique diplômé d’exploiter plus d’un magasin d’optique, la République hellénique restreint les conditions d’établissement des opticiens personnes physiques, violant ainsi l’article 43 CE, et

– que, en adoptant et en maintenant en vigueur la loi n° 971/79 et la loi n° 2646/98, qui subordonnent la possibilité pour une personne morale d’ouvrir un magasin d’optique en Grèce aux conditions:

a) que l’autorisation de créer et d’exploiter le magasin d’optique soit délivrée au nom d’un opticien personne physique diplômé, que la personne qui possède l’autorisation d’exploiter le magasin participe à raison de 50 % au moins au capital de la société ainsi qu’à ses bénéfices et pertes, que la société ait la forme d’une société en nom collectif ou d’une société en commandite et

b) que l’opticien en cause fasse partie de tout au plus une autre société propriétaire d’un magasin d’optique à la condition que l’autorisation de créer et d’exploiter le magasin soit délivrée au nom d’un autre opticien diplômé,

la République hellénique a restreint les conditions d’établissement des personnes morales dans le secteur de l’optique en Grèce de manière incompatible avec l’article 43 CE et a violé l’article 48 CE en liaison avec l’article 43 CE en imposant aux personnes morales des restrictions qui n’existent pas pour les personnes physiques.

15. La République hellénique a conclu au rejet du recours en soutenant que les limitations imposées aux sociétés répondaient à des raisons de protection de la santé publique.

16. Après le dépôt du mémoire en réplique puis du mémoire en duplique, la procédure écrite a été close.

17. À la demande du gouvernement grec, une audience s’est tenue le 23 septembre 2004 en présence des deux parties à la procédure.

V – Examen du recours

18. La Commission considère que les restrictions que la législation grecque impose en matière de magasin d’optique sont contraires à la liberté d’établissement sur deux plans: au niveau des personnes physiques, en raison d’une violation de l’article 43 CE, et au niveau des sociétés, en raison d’une infraction à l’article 48 CE lu en liaison avec l’article 43 CE.

A – La liberté d’établissement et ses limites

19. La liberté d’établissement, qui est consubstantielle au projet politique de l’unité européenne, est assurée par l’élimination des barrières qui affectent les moyens de production. Ce n’est pas...

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