Commission of the European Communities v Italian Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:315
CourtCourt of Justice (European Union)
Date19 May 2009
Docket NumberC-531/06
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62006CJ0531

Affaire C-531/06

Commission des Communautés européennes

contre

République italienne

«Manquement d'État — Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Articles 43 CE et 56 CE — Santé publique — Pharmacies — Dispositions réservant aux seuls pharmaciens le droit d'exploiter une pharmacie — Justification — Approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité — Indépendance professionnelle des pharmaciens — Entreprises de distribution de produits pharmaceutiques — Pharmacies communales»

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Droit d'action de la Commission — Exercice ne dépendant pas de l'existence d'un intérêt spécifique à agir — Exercice discrétionnaire

(Art. 226 CE)

2. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Restrictions

(Art. 43 CE et 56 CE)

3. Recours en manquement — Examen du bien-fondé par la Cour — Situation à prendre en considération — Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé

(Art. 226 CE)

4. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Restrictions

(Art. 43 CE et 56 CE)

1. Il appartient à la Commission, dans le cadre de l’accomplissement de la mission qui lui est dévolue par l’article 211 CE, de veiller à l’application des dispositions du traité et de vérifier si les États membres ont agi en conformité avec ces dispositions. Si elle considère qu’un État membre a manqué à ces dernières, il lui incombe d’apprécier l’opportunité d’agir contre cet État, de déterminer les dispositions qu’il a violées et de choisir le moment où elle initiera la procédure en manquement à son encontre, les considérations qui déterminent ce choix ne pouvant affecter la recevabilité de son recours. Compte tenu de cette marge d’appréciation, la Commission est libre d’entamer une procédure en manquement contre certains seulement des États membres qui se trouvent dans une situation comparable du point de vue du respect du droit communautaire. Elle peut ainsi, notamment, décider d’engager des procédures en manquement à l’encontre d’autres États membres à un moment ultérieur, après avoir eu connaissance de la solution à laquelle ont abouti les premières procédures.

(cf. points 23-24)

2. Ne manque pas aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 56 CE un État membre qui maintient en vigueur une législation qui réserve le droit d’exploiter une pharmacie de détail privée aux seules personnes physiques titulaires d’un diplôme de pharmacien et aux sociétés d’exploitation composées exclusivement d’associés qui sont pharmaciens.

Certes, une telle réglementation nationale constitue une restriction au sens desdits articles, puisque, en ce qui concerne l'article 43 CE, elle prive les autres opérateurs économiques de l’accès à cette activité non salariée dans l’État membre concerné, et, quant à l’article 56 CE, elle empêche des investisseurs d’autres États membres qui ne sont pas pharmaciens d’acquérir des participations dans ce type de sociétés.

Toutefois, cette restriction peut être justifiée par la protection de la santé publique, plus précisément, par l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité.

À cet égard, les effets thérapeutiques de médicaments qui les distinguent substantiellement des autres marchandises ont pour conséquence que, si les médicaments sont consommés sans nécessité ou de manière incorrecte, ils peuvent gravement nuire à la santé, sans que le patient soit en mesure d’en prendre conscience lors de leur administration. Une surconsommation ou une utilisation incorrecte de médicaments entraîne, en outre, un gaspillage de ressources financières qui est d’autant plus dommageable que le secteur pharmaceutique engendre des coûts considérables et doit répondre à des besoins croissants, tandis que les ressources financières pouvant être consacrées aux soins de santé ne sont, quel que soit le mode de financement utilisé, pas illimitées. Il existe donc un lien direct entre ces ressources financières et les bénéfices d’opérateurs économiques actifs dans le secteur pharmaceutique, car la prescription de médicaments est prise en charge, dans la plupart des États membres, par les organismes d’assurance maladie concernés.

Au regard de ces risques pour la santé publique et pour l’équilibre financier des systèmes de sécurité sociale, les États membres peuvent soumettre les personnes chargées de la distribution des médicaments au détail à des exigences strictes, s’agissant notamment des modalités de commercialisation de ceux-ci et de la recherche de bénéfices. En particulier, ils peuvent réserver la vente de médicaments au détail, en principe, aux seuls pharmaciens, en raison des garanties que ces derniers doivent présenter et des informations qu’ils doivent être en mesure de donner au consommateur.

À cet égard, compte tenu de la faculté reconnue aux États membres de décider du niveau de protection de la santé publique, ces derniers peuvent exiger que les médicaments soient distribués par des pharmaciens jouissant d’une indépendance professionnelle réelle. Ils peuvent également prendre des mesures susceptibles d’éliminer ou de réduire un risque d’atteinte à cette indépendance dès lors qu’une telle atteinte serait de nature à affecter le niveau de la sûreté et de la qualité de l’approvisionnement en médicaments de la population.

Les non-pharmaciens n'ayant pas, par définition, une formation, une expérience et une responsabilité équivalentes à celles des pharmaciens et ne présentant pas, par conséquent, les mêmes garanties que celles fournies par les pharmaciens, il s'ensuit qu'un État membre peut estimer, dans le cadre de sa marge d’appréciation, que, à la différence d’une officine exploitée par un pharmacien, l’exploitation d’une pharmacie par un non-pharmacien peut représenter un risque pour la santé publique, en particulier pour la sûreté et la qualité de la distribution des médicaments au détail, puisque la recherche de bénéfices dans le cadre d’une telle exploitation ne comporte pas d’éléments modérateurs, tels que la formation, l'expérience professionnelle et la responsabilité qui incombe aux pharmaciens et qui caractérisent l’activité de ces derniers.

N'étant pas établi qu'une mesure moins restrictive des libertés garanties par les articles 43 CE et 56 CE, autre que la règle d’exclusion des non-pharmaciens, permettrait d’assurer un niveau de sûreté et de qualité d’approvisionnement en médicaments de la population de manière aussi efficace que celui résultant de l’application de cette règle, la réglementation nationale en cause au principal s’avère propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi par celle-ci et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

En particulier, un État membre peut considérer qu’il existe un risque que des règles législatives protégeant l’indépendance professionnelle des pharmaciens puissent être méconnues ou contournées dans la pratique. De même, les risques pour la sûreté et la qualité de l’approvisionnement en médicaments de la population ne peuvent être écartés, avec la même efficacité, par le moyen d’une obligation de contracter une assurance, car un tel moyen n’empêcherait pas nécessairement l’exploitant concerné d’exercer une influence sur les pharmaciens salariés.

(cf. points 44-48, 51-52, 55-59, 61-63, 87-88, 105)

3. L'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour.

(cf. point 98)

4. Ne manque pas aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 56 CE un État membre qui maintient en vigueur des dispositions législatives qui établissent l’impossibilité, pour les entreprises de distribution de produits pharmaceutiques, de prendre des participations dans les sociétés d’exploitation de pharmacies communales.

Certes, une telle réglementation entraîne des restrictions au sens des articles 43 CE et 56 CE dans la mesure où elle s’oppose à ce que certains opérateurs économiques, à savoir ceux qui exercent une activité de distribution de produits pharmaceutiques, accomplissent concomitamment une activité au sein de pharmacies communales. De même, une telle réglementation empêche des investisseurs ressortissants d’autres États membres, qui sont des entreprises de distribution de produits pharmaceutiques, d’acquérir des participations dans certaines sociétés, à savoir celles chargées de l’exploitation de pharmacies communales.

Toutefois, cette restriction peut être justifiée par la protection de la santé publique, plus précisément, par l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité.

En effet, ladite réglementation est propre à garantir la réalisation de cet objectif et, en outre, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre étant donné qu'un État membre peut considérer que les entreprises de distribution de produits pharmaceutiques sont en mesure d’exercer une certaine pression sur les pharmaciens salariés dans le but de privilégier l’intérêt consistant à réaliser des bénéfices. En outre, l’État membre concerné peut estimer, dans le cadre de sa marge d’appréciation, que les pouvoirs de contrôle des communes sur les sociétés chargées de la gestion des pharmacies communales ne seraient pas adéquats pour prévenir l’influence des entreprises de distribution sur les pharmaciens salariés.

(cf. points 100-103, 105)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

19 mai 2009 (*)

«Manquement d’État – Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Articles 43 CE et 56 CE – Santé publique – Pharmacies – Dispositions réservant aux seuls pharmaciens le droit d’exploiter une pharmacie – Justification – Approvisionnement en...

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