I.B.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:404
Date06 July 2010
Celex Number62009CC0306
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-306/09

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 6 juillet 2010 (1)

Affaire C‑306/09

I. B.

contre

Conseil des ministres

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour constitutionnelle (Belgique)]

«Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Motifs de non-exécution facultatifs et garanties à fournir par l’État membre d’émission – Possibilité, pour l’État membre d’exécution, de subordonner la remise d’une personne résidant sur son territoire à la condition que cette personne, après avoir été entendue dans l’État membre d’émission du mandat d’arrêt, soit renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure privatives de liberté qui pourrait être prononcée à son encontre – Incidence éventuelle, sur la décision à prendre par les autorités judiciaires de l’État membre d’exécution, d’un risque d’atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée et, notamment, au respect de sa vie privée et familiale»





1. Cette affaire soulève une question d’interprétation de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (2) en ce qui concerne l’exécution de décisions rendues par défaut dans l’État membre d’émission. La Cour constitutionnelle (Belgique) demande, en substance, si une personne condamnée par défaut doit être remise par les autorités judiciaires d’un État membre d’exécution en qualifiant la demande de mandat d’arrêt aux fins de poursuite ou de mandat d’arrêt aux fins d’exécution d’une peine. Le choix de la qualification a une importance décisive, dès lors que, au vu du texte de la décision-cadre citée, un type de mandat autorise l’État membre d’exécution à subordonner la remise à un éventuel retour de la personne pour, le cas échéant, purger sa peine dans ledit État, alors que l’autre type de mandat ne l’autorise pas.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

2. La décision-cadre 2002/584/JAI, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (ci-après: la «décision-cadre»), souligne dans ses cinquième, dixième et douzième considérants la finalité de cet instrument, ainsi que l’importance de garantir la protection des droits fondamentaux:

«(5) L’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites en matière pénale, permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant présentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

[…]

(10) Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. La mise en œuvre de celui-ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, [UE], constatée par le Conseil en application de l’article 7, paragraphe 1, [UE] avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article.

[…]

(12) La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 [UE] et reflétés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment son chapitre VI. Rien dans la présente décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d’une personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen s’il y a des raisons de croire, sur la base d’éléments objectifs, que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu’il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l’une de ces raisons.

La présente décision-cadre n’empêche pas un État membre d’appliquer ses règles constitutionnelles relatives au respect du droit à un procès équitable, à la liberté d’association, à la liberté de la presse et à la liberté d’expression dans d’autres médias.»

3. L’article 1er de la décision-cadre définit le mandat d’arrêt européen et souligne une nouvelle fois combien il est important de sauvegarder les droits fondamentaux des personnes qu’elle concerne:

«1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE].»

4. L’article 4 de la décision-cadre contient les motifs de non-exécution facultatifs qui sont à la disposition du juge de l’État membre d’exécution, parmi lesquels il convient de souligner le motif contenu au point 6 de cet article:

«L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen:

[…]

6) si le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne».

5. L’article 5 de la décision-cadre prévoit les garanties qui doivent être respectées par l’État membre d’émission et qui, si elles ne le sont pas, peuvent justifier le refus de la remise. En ce qui concerne la présente procédure, il est nécessaire de souligner la garantie relative aux décisions rendues par défaut, qui dispose:

«L’exécution du mandat d’arrêt européen par l’autorité judiciaire d’exécution peut être subordonnée par le droit de l’État membre d’exécution à l’une des conditions suivantes:

1) lorsque le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté prononcées par une décision rendue par défaut et si la personne concernée n’a pas été citée personnellement ni informée autrement de la date et du lieu de l’audience qui a mené à la décision rendue par défaut, la remise peut être subordonnée à la condition que l’autorité judiciaire d’émission donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne qui fait l’objet du mandat d’arrêt européen qu’elle aura la possibilité de demander une nouvelle procédure de jugement dans l’État membre d’émission et d’être jugée en sa présence;

[…]

3) lorsque la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuite est ressortissante ou résidente de l’État membre d’exécution, la remise peut être subordonnée à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission.»

B – Le droit national

6. Le Royaume de Belgique a transposé la décision-cadre dans son ordre juridique national au moyen de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen, son objet est défini à l’article 2, paragraphe 3, de cette dernière:

«Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par l’autorité judiciaire compétente d’un État membre de l’Union européenne, appelée autorité judiciaire d’émission, en vue de l’arrestation et de la remise par l’autorité judiciaire compétente d’un autre État membre, appelée autorité d’exécution, d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté».

7. L’article 4 de cette loi introduit un motif de non-exécution basé sur la protection des droits fondamentaux et dispose comme suit:

«L’exécution d’un mandat d’arrêt européen est refusée dans les cas suivants:

[...]

5° s’il y a des raisons sérieuses de croire que l’exécution du mandat d’arrêt européen aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée, tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE].»

8. Parmi les motifs facultatifs de non-exécution, l’article 6 de ladite loi cite, entre autres, le suivant:

«L’exécution peut être refusée dans les cas suivants:

[...]

4° si le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté, lorsque la personne concernée est belge ou réside en Belgique et que les autorités belges compétentes s’engagent à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à la loi belge.

[…]»

9. La procédure de renvoi dans l’État membre d’exécution est contenue à l’article 18, paragraphe 2, de la loi du 23 mai 1990 sur le transfèrement interétatique des personnes condamnées, la reprise et le transfert de la surveillance de personnes condamnées sous condition ou libérées sous condition ainsi que la reprise et le transfert de l’exécution de peines et de mesures privatives de liberté, qui dispose:

«La décision judiciaire prise en application de l’article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen emporte la reprise de l’exécution de la peine ou de la mesure privatives de...

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