Ledernes Hovedorganisation, acting for Ole Rygaard v Dansk Arbejdsgiverforening, acting for Strø Mølle Akustik A/S.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:130
Docket NumberC-48/94
Celex Number61994CC0048
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date10 May 1995
61994C0048

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GEORGIOS COSMAS

présentées le 10 mai 1995 ( *1 )

1.

L'affaire sous examen concerne un certain nombre de questions préjudicielles, déférées en vertu de l'article 177 du traité CE par le Sø- og Handelsretten i København et relatives à l'interprétation de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (ci-après la « directive ») ( 1 ).

I — Les faits

2.

Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant le demandeur au principal, Ole Rygaard, et son employeur, la société défenderesse Strø Mølle Akustik A/S (ci-après « Strø Mølle »).

Selon l'arrêt de la juridiction de renvoi, le demandeur était employé par la société de charpenterie Svend Pedersen A/S (ci-après « Pedersen »). Cette société avait accepté d'exécuter des travaux de charpenterie pour le compte de la société SAS Service Partner A/S (ci-après « SAS »).

Par lettre du 27 janvier 1992, Pedersen a fait savoir à SAS, le maître d'ouvrage, qu'elle souhaitait que l'achèvement d'une partie des travaux (les plafonds et la menuiserie) soit confié à Strø Mølle.

Cette dernière société a soumis, le 29 janvier 1992, sur la demande de SAS, une offre pour l'exécution de ces travaux. Le 30 janvier 1992, Pedersen et Strø Mølle ont conclu un accord relatif aux modalités de reprise, par Strø Mølle, des travaux cédés.

Cet accord prévoyait que Strø Mølle s'engageait à rembourser à Pedersen les dépenses, y compris les dépenses salariales, que Pedersen avait déjà exposées en ce qui concerne les travaux cédés. Il prévoyait aussi que deux apprentis de Pedersen seraient transférés à Strø Mølle pour la période allant du 1er février 1992 au 1er mai de la même année.

3.

Le lendemain du jour de la conclusion de l'accord entre Pedersen et Strø Mølle, c'est-à-dire le 31 janvier 1992, la première de ces deux sociétés a résilié le contrat de travail du demandeur au motif que la société avait été mise en liquidation et avait décidé de transférer à Strø Mølle une partie des travaux de charpenterie en question, qu'elle exécutait à Kastrup. Cette lettre précisait que la relation de travail du demandeur prendrait fin le 30 avril 1992 et que, jusqu'à cette date, il serait mis à la disposition de Strø Mølle.

Le 10 février 1992, SAS a accepté l'offre de Strø Mølle, qui reprenait donc l'exécution de la partie des travaux portant sur les plafonds et la menuiserie. Le demandeur a effectivement continué à travailler chez Strø Mølle et, le 26 mai 1992, un nouveau préavis de licenciement lui a été notifié pour le 30 juin 1992. A la suite d'un recours formé par Ole Rygaard contre Strø Mølle, la juridiction de renvoi a jugé nécessaire, pour trancher le litige, de déférer un certain nombre de questions préjudicielles à la Cour.

II — Les questions préjudicielles

4.

Dans le cadre de ce litige, le Sø- og Handelsretten i København demande à la Cour, par ordonnance du 2 février 1994 ( 2 ), si la directive s'applique lorsqu'un entrepreneur B après accord avec un entrepreneur A continue une partie d'un chantier commencé par l'entrepreneur A, et

1)

qu'un accord est conclu entre l'entrepreneur A et l'entrepreneur B selon lequel quelques collaborateurs engagés par l'entrepreneur A continuent leur activité chez l'entrepreneur B et que l'entrepreneur B reprend du matériel sur le chantier de construction en vue de l'achèvement de l'ouvrage, et

2)

que l'entrepreneur A et l'entrepreneur B, postérieurement au transfert, travaillent durant une certaine période simultanément sur le chantier.

La juridiction de renvoi demande aussi si la circonstance que le contrat en vue de l'achèvement des travaux a été conclu entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur B avec l'assentiment de l'entrepreneur A a une quelconque incidence à cet égard.

5.

Ces questions préjudicielles soulèvent en substance, une fois de plus, le problème du champ d'application de la directive, tel qu'il est défini à l'article 1er, paragraphe 1, de celle-ci.

Plus concrètement, la présente affaire soulève essentiellement la question de savoir si le transfert, à un entrepreneur B, d'une partie seulement des travaux d'achèvement d'un ouvrage déterminé par l'entrepreneur A, qui continue, même après ce transfert, à travailler simultanément avec l'entrepreneur B sur le même chantier, peut être considéré comme un transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'établissement au sens de la disposition précitée.

En outre, la juridiction de renvoi demande par sa seconde question si la directive est applicable lorsque le transfert de la partie concernée des travaux résulte d'un accord entre l'entrepreneur B et le maître d'ouvrage, conclu avec l'assentiment de l'entrepreneur A.

III — Le cadre législatif et jurisprudentiel

6.

L'article 1er, paragraphe 1, de la directive dispose que « la présente directive est applicable aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre chef d'entreprise, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion ».

La Cour a eu l'occasion de développer une jurisprudence touffue en ce qui concerne le champ d'application de la directive, tel qu'il est défini à l'article 1er, paragraphe 1.

7.

Il ressort de cette jurisprudence que les cas de transferts d'entreprises, qui remplissent les conditions énoncées ci-après, entrent dans le champ d'application de cette directive:

En premier lieu, pour que la directive soit applicable, il faut qu'il y ait un changement quant à la personne responsable de l'exploitation de l'entreprise. Selon la jurisprudence de la Cour, « la directive est applicable dans toutes les hypothèses de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique ou morale responsable de l'exploitation de l'entreprise et qui, de ce fait, contracte les obligations de l'employeur vis-à-vis des employés de l'entreprise, sans qu'il importe de savoir si la propriété de l'entreprise est transférée » ( 3 ).

En deuxième lieu, il faut que l'entité économique transférée continue à exister et garde son identité ( 4 ). La Cour admet que l'entreprise garde son identité lorsque son exploitation est effectivement poursuivie ou reprise par le nouveau chef d'entreprise, avec les mêmes activités économiques ou des activités analogues ( 5 ).

En troisième lieu, la directive ne trouve application que lorsque le changement de la personne responsable de l'exploitation de l'entreprise a une cause contractuelle, c'est-à-dire résulte d'une cession contractuelle ou d'une fusion. Les transferts qui procèdent de la loi ou d'un acte unilatéral sont donc exclus.

En quatrième lieu, le transfert doit porter sur une entreprise, un établissement, voire une partie d'établissement ou une entité économique. La simple aliénation d'actifs d'une entreprise ne donne pas naissance à un transfert de cette entreprise au sens de la directive ( 6 ).

8.

Pour déterminer si ces conditions sont réunies, il convient, selon la Cour, « de prendre en considération l'ensemble des circonstances de fait caractérisant l'opération en cause, au nombre desquelles figurent notamment le type d'entreprise ou d'établissement dont il s'agit, le transfert ou non des éléments corporels, tels que les bâtiments et les biens mobiliers, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l'essentiel des effectifs par le nouveau chef d'entreprise, le transfert ou non de la clientèle, ainsi que le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert et la durée d'une éventuelle suspension de ces activités », avec cette précision toutefois que « tous ces éléments ne sont que des aspects partiels de l'évaluation d'ensemble qui s'impose et ne sauraient, de ce fait, être appréciés isolément » ( 7 ).

IV — Réponses aux questions préjudicielles

9.

Il faut tout d'abord souligner que l'appréciation des faits, qui est nécessaire pour déterminer s'il y a ou non transfert d'entreprises au sens précité, incombe à la juridiction de renvoi, qui tiendra compte à cet effet des éléments d'interprétation qui ressortent de la jurisprudence y relative de la Cour et que nous avons détaillés plus haut ( 8 ).

La réponse définitive à la question de savoir si, eu égard aux faits exposés ci-dessus, il y a en l'espèce transfert d'entreprise incombe à la juridiction nationale, qui est en mesure d'apprécier la signification des faits de la cause en tenant compte des données précitées.

Toutefois, pour répondre aux questions déférées, il paraît utile de procéder à une appréciation des faits.

10.

On peut déduire de ces faits les éléments suivants en...

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