Ruben Andersen v Kommunernes Landsforening.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:355
Date19 June 2008
Celex Number62007CC0306
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-306/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 19 juin 2008 (1)

Affaire C‑306/07

Ruben Andersen

contre

Kommunernes Landsforening som mandatar for Slagelse Kommune (tidl. Skælskør Kommune)

[demande de décision préjudicielle formée par le Højesteret (Danemark)]

«Information du travailleur – Mise en demeure préalable de l’employeur – Convention collective transposant une directive – Travailleur non affilié à un syndicat – Contrat ou relation de travail temporaire – Contrat de courte durée»





I – Introduction

1. Le Højesteret (Cour suprême) (Danemark) interroge la Cour de justice sur l’interprétation de l’article 8 de la directive 91/533/CEE (2), dans le cadre d’une procédure en droit du travail dans laquelle le demandeur, M. Anderesen, allègue la non-applicabilité d’une convention collective transposant ladite directive, qui lui porterait préjudice, car, à la différence de la loi nationale, elle permet à l’employeur, après mise en demeure par l’employé, de rectifier une lettre d’embauche incorrecte.

2. Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’appartenance à un syndicat est nécessaire pour étendre à un employé l’application d’une convention transposant la directive 91/533. Les deux premières questions préjudicielles posées portent sur ce point.

3. M. Andersen invoque également le prétendu caractère «temporaire» de sa relation de travail, qui le dispenserait de l’obligation, prévue dans la directive 91/533, d’adresser une mise en demeure à l’employeur. La juridiction de renvoi a des doutes quant à la signification de l’expression «contrat ou relation de travail temporaire», utilisée à l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de ladite directive, car aucune réglementation communautaire n’a jusqu’à présent utilisé cette terminologie, et elle demande, en troisième lieu, s’il est ainsi fait référence à toutes les relations de travail à durée déterminée ou seulement à celles de courte durée.

II – Le cadre juridique

A – La réglementation communautaire

4. La directive 91/533, qui met en œuvre les points 9 et 17 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (3), a été adoptée pour unifier, dans le domaine de l’Union européenne, l’obligation, déjà imposée par certains États membres, de soumettre les relations de travail à certaines formalités, afin de protéger les travailleurs salariés contre une éventuelle méconnaissance de leurs droits (deuxième et sixième considérants). Elle vise notamment à supprimer les divergences entre législations nationales en matière d’information sur les aspects essentiels du contrat ou de la relation de travail.

5. La directive 91/533 s’applique, conformément à son article 1er, à «tout travailleur salarié ayant un contrat ou une relation de travail» (paragraphe 1), bien que les États puissent exclure ses effets: a) lorsque la durée totale du contrat ou de la relation de travail n’excède pas un mois et/ou lorsque la durée de travail hebdomadaire n’excède pas huit heures, ou b) pour les contrats occasionnels, lorsque des raisons objectives justifient la non‑application.

6. L’article 2 exige que l’employeur porte à la connaissance de l’employé «les éléments essentiels du travail ou de la relation de travail» (paragraphe 1), parmi lesquels figure la durée estimée, lorsqu’il s’agit d’un contrat ou d’une relation de travail temporaire [paragraphe 2, sous e)]. Cette communication se fait par écrit, sous l’une des formes prévues à l’article 3 de la directive 91/533.

7. L’article 8, sur lequel portent les questions préjudicielles posées, régit la défense des droits conférés par la directive 91/533 et oblige les États membres à garantir aux particuliers l’exercice de leurs droits devant les tribunaux (paragraphe 1). Le paragraphe 2 dudit article ordonne que les recours juridictionnels soient introduits dans un délai de quinze jours sans réaction de l’employeur à la mise en demeure du travailleur. Toutefois, cette formalité n’est requise ni pour les travailleurs expatriés, ni pour ceux qui ont «un contrat ou une relation de travail temporaire», ni pour ceux qui ne sont pas couverts par une convention collective.

8. Aux termes de l’article 9 de la directive 91/533, les États membres devaient adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à ladite directive avant le 30 juin 1993, ou s’assurer, «au plus tard à cette date», que les partenaires sociaux aient mis en place les mesures pertinentes «par voie d’accord», les États membres prenant les dispositions nécessaires pour garantir à tout moment les résultats visés par la directive précitée.

B – La réglementation danoise

9. Pour se conformer à l’article 9 de la directive 91/533, l’ordre juridique danois a choisi la double stratégie suivante: d’une part, il a approuvé une loi relative à l’obligation de l’employeur d’informer l’employé des conditions de la relation de travail (4) et, d’autre part, il a conclu des conventions collectives dans divers secteurs.

a) La loi danoise sur le certificat de travail

10. La loi danoise sur le certificat de travail autorise le salarié à saisir directement les tribunaux, sans adresser une mise en demeure préalable à l’employeur.

11. L’article 1er, paragraphe 3, de la loi admet son caractère purement subsidiaire, en donnant primauté à l’application de toute convention collective obligeant l’employeur à informer le salarié des conditions applicables à la relation de travail, sous réserve que ladite convention contienne des règles conformes à la directive 91/533.

b) La convention KTO

12. Parmi les conventions collectives qui ont transposé la directive 91/533 en droit danois figure celle souscrite le 9 juin 1993 entre la Amtsråtsforeningen (fédération de conseils départementaux), la Kommunernes Landsforening (association nationale de municipalités), les municipalités de Copenhague et de Frederiksberg ainsi que le Kommunale Tjenestemænd og Overenskomstansatte (syndicat de fonctionnaires et de travailleurs contractuels municipaux) (ci‑après la «convention KTO»). Selon le Højesteret, les municipalités danoises étendent cette convention à tous leurs employés, qu’ils soient ou non membres d’une organisation syndicale (5).

13. Selon la convention KTO, l’entité locale qui ne remet pas à temps le contrat d’embauche obligatoire ou qui fournit un document incomplet ou défectueux dispose d’un délai de quinze jours pour le rédiger à nouveau, après mise en demeure par le travailleur. Si elle ne le fait pas, l’employé peut saisir les tribunaux afin de faire valoir ses droits.

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

14. M. Andersen a participé au cours de cinq périodes à des programmes d’insertion professionnelle individuelle de la Skælskør Kommune (autorité municipale de Skælskør), en qualité de bénéficiaire de prestations en espèce de l’aide sociale. Les cinq contrats correspondants ont été signés pour des périodes allant de un à douze mois, mais aucun n’a duré plus d’un mois en raison des absences répétées de l’intéressé.

15. Pour chacun de ces emplois, M. Andersen a reçu une lettre d’embauche qui ne respectait pas les exigences de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 91/533. Après en avoir informé la municipalité, il a reçu de nouvelles lettres rectifiées dans un délai de quinze jours.

16. M. Andersen a toutefois considéré que la convention KTO ne lui était pas applicable (6). Invoquant la loi danoise sur le certificat de travail, il a donc introduit directement un recours afin d’obtenir une indemnisation. La mise en demeure préalable de l’employeur, prévue dans la convention KTO, n’est pas exigée par la loi; par conséquent, selon le demandeur, la rectification par l’autorité de Skælskør n’était pas valable.

17. Son recours en première instance ayant été rejeté, M. Andersen a fait appel devant le Højesteret, qui a considéré que la solution du litige dépendait de l’interprétation de la directive 91/533 et qui a posé, conformément à l’article 234 CE, trois questions préjudicielles à la Cour:

1) L’article 8, paragraphe 1, de la directive 91/533/CEE doit‑il être interprété en ce sens qu’une convention collective visant à la transposition des dispositions de la directive en droit national ne s’applique pas à une personne qui n’est membre d’aucune des organisations syndicales ayant participé à l’élaboration de ladite convention?

2) S’il est répondu par la négative à la première question, l’expression «les travailleurs non couverts par une ou des conventions collectives ayant trait à la relation de travail» de l’article 8, paragraphe 2, de la directive [91/533] doit‑elle être interprétée en ce sens que les dispositions d’une convention collective qui imposent une mise en demeure préalable de l’employeur ne sont pas applicables à une personne qui n’est membre d’aucune des organisations syndicales ayant souscrit ladite convention?

3) Les expressions «contrat de travail temporaire» et «relation de travail temporaire» de l’article 8, paragraphe 2, de la directive [91/533] se réfèrent-elles à des relations de travail de courte durée ou à tout type de relation de travail à durée déterminée? Dans le premier cas, selon quels critères une relation de travail doit‑elle être considérée comme temporaire (de courte durée)?

IV – La procédure devant la Cour

18. La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 2007.

19. Des observations écrites ont été présentées par les parties au litige au principal, la Commission des Communautés européennes et les gouvernements italien et suédois.

20. Les représentants de M. Andersen, de la Kommunernes Landsforening, du Royaume du Danemark et de la Commission ont assisté à l’audience, qui s’est tenue le 15 mai 2008, pour y être entendus dans leurs observations orales.

V – L’examen des questions préjudicielles

A – Sur la première question

2...

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