Erich Dillenkofer, Christian Erdmann, Hans-Jürgen Schulte, Anke Heuer, Werner, Ursula and Trosten Knor v Bundesrepublik Deutschland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:410
Docket NumberC-189/94,C-188/94,,C-178/94,,C-179/94,,C-190/94
Celex Number61994CC0178
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 November 1995
61994C0178

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIUSEPPE TESAURO

présentées le 28 novembre 1995 ( *1 )

1.

Le Landgericht Bonn demande à la Cour si la non-transposition, dans le délai prescrit à cet effet, de la directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait ( 1 ) (ci-après la « directive »), constitue une violation susceptible de faire naître la responsabilité pécuniaire de l'État membre défaillant à l'égard des particuliers qui ont subi un préjudice du fait de cette violation.

Il s'agit donc d'une hypothèse correspondant à celle déjà tranchée dans le célèbre arrêt Francovich e. a. ( 2 ), dans lequel la Cour, il est inutile de le rappeler, a affirmé l'obligation de réparation de l'État pour non-transposition d'une directive, en précisant les conditions qui suffisent, dans cette hypothèse, à faire naître un droit à réparation en faveur des particuliers.

2.

Cette fois-ci, il est demandé à la Cour, par le biais de douze questions, non seulement d'établir si les conditions définies dans l'arrêt Francovich sont également satisfaites dans le cas d'espèce, mais aussi de préciser s'il s'agit de conditions suffisant toujours, en cas de non-transposition d'une directive, à engendrer une obligation d'indemnisation à la charge de l'État membre défaillant. Sous ce dernier aspect, il est demandé en particulier à la Cour si et dans quelle mesure d'éventuels motifs justificatifs invoqués par l'État membre peuvent être de nature à l'exonérer de l'obligation de réparation, et donc, en définitive, si la violation imputée à l'État membre doit, aux fins qui intéressent l'espèce, être grave et/ou fautive.

A cet égard, nous signalons dès maintenant que certaines des questions qui font l'objet de la présente procédure sont en partie analogues à celles soumises à la Cour dans les affaires jointes C-46/93 (Brasserie du pêcheur) et C-48/93 (Factortame III), dans lesquelles nous présentons nos conclusions aujourd'hui. Nous renverrons par conséquent à ces conclusions, au cours de l'analyse qui va suivre, pour un approfondissement de certains aspects.

Le cadre normatif, les faits et les questions préjudicielles

3.

Ainsi que le précise son article 1er, la directive a pour objet « de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les voyages à forfait, les vacances et circuits à forfait, vendus ou offerts à la vente sur le territoire de la Communauté ». Son article 7, dont l'interprétation nous est ici demandée, prévoit que « L'organisateur et/ou le détaillant partie au contrat justifient des garanties suffisantes propres à assurer, en cas d'insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds déposés et le rapatriement du consommateur ». L'article 8 précise en outre que les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la directive, des dispositions plus strictes pour protéger le consommateur. Enfin, l'article 9, paragraphe 1, dispose que « Les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 1992. Ils en informent immédiatement la Commission ».

4.

La République fédérale d'Allemagne n'a pas respecté le délai imposé par la directive. Ce n'est en effet que le 24 juin 1994 qu'elle a adopté la « loi portant application de la directive du Conseil, du 13 juin 1990, sur les voyages à forfait » ( 3 ). Cette loi a introduit dans le code civil l'article 651 k, qui dispose que « l'organisateur doit garantir que le voyageur à forfait obtiendra le remboursement 1) du prix payé si des prestations de voyage ne sont pas fournies par suite de l'insolvabilité ou de la faillite de l'organisateur, et 2) des dépenses nécessaires effectuées par le voyageur pour son rapatriement par suite de l'insolvabilité ou de la faillite de l'organisateur ». Ce dernier peut s'acquitter de ces obligations par le biais d'une assurance ou par la promesse de paiement d'un établissement de crédit. Ce même

article 651 k dispose en outre, dans son paragraphe 4, que « à part un acompte de 10 % au maximum du prix du voyage, cet acompte ne pouvant toutefois pas être supérieur à 500 DM, l'organisateur ne peut exiger ou accepter du voyageur, avant la fin du voyage, des paiements à valoir sur le prix du voyage que s'il lui a remis un bon de garantie ». La loi en question est entrée en vigueur le 1er juillet 1994; elle est applicable aux contrats conclus après cette date et relatifs aux voyages qui ont débuté après le 31 octobre 1994.

Pour compléter ce tableau, il est enfin opportun de rappeler la jurisprudence sur les « paiements à l'avance », résultant des arrêts du Bundesgerichtshof du 20 mars 1986 ( 4 ) et du 12 mars 1987 ( 5 ). Cette jurisprudence est pertinente en l'espèce dans la mesure où elle a entraîné l'annulation des conditions générales des organisateurs de voyages en vertu desquelles le voyageur pouvait être tenu de verser, même s'il n'était pas encore en possession des documents constituant son titre de voyage, l'intégralité du prix du voyage. A la suite de cette jurisprudence, donc, les acquéreurs de voyages à forfait ne sont plus tenus de verser plus de 10 % du prix total du voyage, avant d'avoir obtenu les documents qui leur donnent le droit d'exiger les prestations qui leur sont dues par les différents prestataires de services (compagnie aérienne/hôtel).

5.

Nous en arrivons aux faits qui sont à l'origine de la présente procédure. Les requérants sont tous des acheteurs de voyages à forfait, qui, du fait de la faillite des sociétés Mp Travel Line International GmbH et Florida Travel Service GmbH, auprès desquelles ils avaient acheté leur voyage respectif, ne sont pas partis ou ont dû rentrer de leur lieu de vacances à leurs frais, sans réussir à obtenir le remboursement de ce qu'ils avaient déjà payé.

Plus précisément, MM. Dillenkofer (C-178/94), Erdmann (C-179/94), Schulte (C-188/94), Heuer (C-189/94) et Knor (C-190/94) ont réservé, au cours du premier semestre de 1993, des voyages à forfait, payant dès leur inscription, afin de bénéficier de l'escompte de 3%, le prix intégral du voyage (Dillenkofer, Schulte, Heuer et Knor) ou en tout cas l'acompte demandé (Erdmann). Certains d'entre eux ne sont jamais partis, s'étant eux-mêmes dédits, pour des motifs de santé (Dillenkofer) ou en raison d'articles parus dans la presse sur la situation financière difficile des opérateurs auprès desquels ils avaient acheté leur voyage respectif (Erdmann et Heuer). D'autres ont été invités à descendre de l'avion avant son décollage parce que l'organisateur du voyage avait été déclaré en faillite (Schulte). Celui qui a eu plus de chance, en réussissant même à atteindre le lieu de vacances désiré, a eu la surprise de devoir rentrer à ses frais, bien qu'étant en possession d'un billet de retour régulier (Knor).

Faisant valoir que, si la directive avait été transposée dans le délai prévu à cet effet, c'est-àdire avant le 31 décembre 1992, ils auraient été protégés contre l'insolvabilité des opérateurs auprès desquels ils avaient acheté leur voyage à forfait, les requérants ont donc intenté une action en responsabilité contre la République fédérale d'Allemagne. Ils demandent en substance le remboursement du prix payé pour les voyages non effectués ou, comme dans l'affaire Knor, des frais exposés pour pouvoir rentrer du lieu de vacances choisi.

6.

Il y a lieu de rappeler ici que la réparation des dommages est régie en Allemagne par les dispositions combinées des articles 839 du code civil et 34 de la Grundgesetz (loi fondamentale). Aux termes de ce dernier, « si une personne, dans l'exercice d'une charge publique qui lui est confiée, viole les obligations que lui impose sa charge à l'égard d'un tiers, la responsabilité en incombe par principe à l'État ou à la collectivité au service de laquelle elle se trouve ». L'article 839, premier alinéa, du code civil prévoit au contraire que si un fonctionnaire viole, par intention ou par négligence coupable, les obligations que lui impose sa charge à l'égard d'un tiers, il est tenu de réparer le dommage qui en résulte. S'il a agi en faisant preuve de négligence, il ne répondra du dommage qu'au cas où la victime n'aurait pas d'autre possibilité d'être indemnisée.

En plus de l'exercice d'une fonction publique et de la violation d'une obligation de service, l'applicabilité du régime en question est donc soumise à l'exigence supplémentaire que le tiers puisse être considéré comme concerné (Drittbezogenheit) par l'obligation de service violée, ce qui implique que l'État n'est responsable que pour la violation des obligations de service dont l'exécution a expressément pour destinataire un tiers, c'est-àdire qu'elle a pour but de protéger un droit de ce tiers. Or, c'est précisément cette dernière condition qui fait normalement défaut lorsqu'il s'agit d'une faute du pouvoir législatif ( 6 ), en particulier lorsque cet acte illicite consiste en une omission, puiqu'il faut dans ce cas démontrer que le législateur avait l'obligation juridique précise d'adopter certaines mesures à l'égard d'un citoyen déterminé ou, en tout état de cause, d'une catégorie de personnes bien déterminée ( 7 ).

7.

Le Landgericht Bonn, devant lequel les litiges que nous venons d'évoquer sont pendants, estime donc que le droit allemand ne fournit aucune base pour faire droit à la demande d'indemnisation des requérants. N'étant en outre pas certain que l'obligation de réparation à la charge de l'État pour des dommages subis par des particuliers du fait de l'absence de transposition de la directive dans le délai prévu, telle que l'a définie la Cour dans l'arrêt Francovich précité, soit aussi applicable aux faits des affaires pendantes devant lui, le Langericht Bonn a saisi la Cour à titre préjudiciel. Les questions...

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