Ulla-Brith Andersson and Susannne Wåkerås-Andersson v Svenska staten (Swedish State).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:9
Docket NumberC-321/97
Celex Number61997CC0321
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date19 January 1999
EUR-Lex - 61997C0321 - FR 61997C0321

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 19 janvier 1999. - Ulla-Brith Andersson et Susannne Wåkerås-Andersson contre Svenska staten (Etat suédois). - Demande de décision préjudicielle: Stockholms tingsrätt - Suède. - Article 234 CE (ex-article 177) - Accord EEE - Compétence de la Cour - Adhésion à l'Union européenne - Directive 80/987/CEE - Responsabilité de l'Etat. - Affaire C-321/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-03551


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1. Dans la présente affaire, la Cour est invitée à statuer sur trois questions préjudicielles posées par le Stockholms tingsrätt (Suède). Ces questions soulèvent trois points importants, relatifs premièrement aux limites de la compétence de la Cour, deuxièmement aux contraintes que l'accord EEE impose aux États de l'Association européenne de libre-échange, et troisièmement à l'applicabilité dans le temps des règles du droit communautaire.

II - Les faits et la procédure

2. Mmes Ulla-Brith Andersson et Susanne Wåkerås-Andersson (ci-après les «parties demanderesses») étaient salariées de la société Aktiebolaget Kinna Installationsbyrå (ci-après la «société»), qui a fait faillite le 17 novembre 1994, avant l'adhésion du royaume de Suède à la Communauté. Une demande des parties demanderesses visant à obtenir le bénéfice de la garantie salariale a été rejetée par l'administrateur de la faillite, au motif d'un lien de parenté étroit entre ces parties demanderesses (épouse pour l'une et mère pour l'autre) et le propriétaire exclusif des actions de la société; ce fait excluait tout droit à dédommagement en vertu de la législation nationale en vigueur. Les parties demanderesses ont introduit un recours en indemnisation contre l'État suédois en faisant valoir que ce dernier était tenu de les compenser du dommage résultant pour elles de la violation commise par ledit État de son obligation de mettre en oeuvre la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1987, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (ci-après la «directive»), qui se trouve incluse dans l'accord EEE. Elles invoquent en particulier les principes généraux du droit communautaire, énoncés dans l'arrêt rendu par la Cour dans les affaires jointes C-6/90 et C-9/90 , et qui sont devenus partie intégrante de l'accord EEE en vertu de l'article 6 de ce dernier. Elles considèrent autrement dit que l'accord en question leur ouvre le même droit à indemnisation, pour non-transposition de la directive relative à la garantie du versement des salaires, que celui dont elles disposeraient si le royaume de Suède avait été membre de l'Union européenne à la date de la faillite de leur employeur.

3. En droit suédois, la décision quant au paiement des salaires garantis appartient à l'administrateur de la faillite. Aux termes de l'article 7 de la lönegarantilag (loi suédoise instituant une garantie de paiement du salaire), les créances portant sur le salaire ou sur toute autre forme de rémunération peuvent être payées lorsqu'il y a un droit de préférence au sens de l'article 12 de la förmånsrättslag (loi suédoise sur le droit de préférence). Cet article prévoyait - dans la version qui était en vigueur au moment de la faillite - que le travailleur qui, seul ou en commun avec un proche, est propriétaire d'au moins un cinquième de l'entreprise moins de six mois avant la demande de mise en faillite n'a pas de droit de préférence. Il en était de même lorsque cette fraction du capital ne lui appartenait pas en propre, mais à un de ses proches parents.

4. Nous observerons que l'accord EEE prévoit des exceptions à certaines dispositions de la directive 80/987, en particulier pour le royaume de Suède. Sont exclus du champ d'application de la directive tant le travailleur salarié que ses survivants dès lors que, seul ou avec de proches parents, il était propriétaire d'une partie essentielle de l'entreprise ou de l'établissement commercial de l'employeur et qu'il exerçait une influence considérable sur ses activités.

Cependant, comme l'observe la juridiction de renvoi, si les règles suédoises relatives à la garantie du versement des salaires avaient été harmonisées avec les dispositions de la directive communautaire correspondante ainsi qu'avec les exceptions à l'application de cette directive qui ont été prévues pour le royaume de Suède, les parties demanderesses se seraient vu reconnaître le droit de percevoir un dédommagement pour les salaires non versés. Les parties demanderesses ne faisaient pas partie des travailleurs exclus du champ d'application de la directive, puisqu'elles n'étaient pas propriétaires, seules ou avec des parents proches, d'une fraction significative de l'entreprise de l'employeur et qu'elles n'avaient pas non plus d'influence significative sur les activités de cette dernière. Le fait qu'un de leurs parents proches était propriétaire d'une fraction significative de l'entreprise ne les excluait pas de jure du droit de percevoir une indemnisation sur la base de la directive, même si l'on tient compte des dérogations accordées au royaume de Suède. En conséquence, il n'y a aucun doute que le refus de l'administrateur de la faillite de verser les salaires garantis n'est pas conforme aux règles de la directive, telle qu'elle a été intégrée dans l'accord EEE. Que résulte-t-il de cette constatation? Les parties demanderesses peuvent-elles prétendre à un dédommagement de la part de l'État suédois sur la base du non-respect par ce dernier des prescriptions de l'accord EEE?

5. L'État suédois nie le bien-fondé du recours en faisant valoir que, avant l'adhésion du royaume de Suède à l'Union européenne, il n'était pas tenu de veiller à la conformité du droit national aux dispositions de droit communautaire dont la violation fait naître un droit à indemnisation susceptible d'être invoqué devant une juridiction suédoise.

III - Les questions préjudicielles

6. La juridiction de renvoi a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1) L'article 6 de l'accord sur l'Espace économique européen doit-il être interprété en ce sens que les principes juridiques constatés par la Cour notamment dans les affaires C-6/90 et C-9/90 ont été intégrés au droit de l'Espace économique européen, de sorte qu'un État peut voir sa responsabilité engagée vis-à-vis d'un particulier au motif qu'il n'a pas transposé correctement la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (la directive sur la garantie salariale), à l'époque où l'État était uniquement partie à l'accord EEE et n'avait pas adhéré à l'Union européenne?

2) En cas de réponse affirmative à la première question: l'article 6 de l'accord EEE doit-il être interprété en ce sens que la directive sur la garantie salariale, ainsi que les principes juridiques constatés par la Cour notamment dans les affaires C-6/90 et C-9/90, priment sur le droit national lorsque l'État n'a pas transposé correctement ladite directive?

3) En cas de réponse négative à la première question: l'adhésion d'un État à l'Union européenne implique-t-elle que la directive sur la garantie salariale, ainsi que les principes juridiques constatés par la Cour dans les affaires C-6/90 et C-9/90, priment sur le droit national, même en ce qui concerne des faits s'étant déroulés à l'époque où l'État était uniquement partie à l'accord EEE, mais n'avait pas encore adhéré à l'Union européenne, au cas où l'État n'a pas transposé correctement ladite directive?»

IV - Les dispositions applicables

7. L'article 6 de l'accord EEE dispose:

«Sans préjudice de l'évolution future de la jurisprudence, les dispositions du présent accord, dans la mesure où elles sont identiques en substance aux règles correspondantes du traité instituant la Communauté économique européenne, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier et des actes arrêtés en application de ces deux traités, sont, pour leur mise en oeuvre et leur application, interprétées conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de signature du présent accord.»

8. L'article 7 de l'accord EEE dispose:

«Les actes auxquels il est fait référence ou qui sont contenus dans les annexes du présent accord ou dans les décisions du Comité mixte de l'EEE sont obligatoires pour les parties contractantes et font partie de ou sont intégrés dans leur ordre juridique interne de la manière suivante:

a) ...

b) un acte correspondant à une directive CEE laisse aux autorités des parties contractantes la compétence quant à la forme et aux moyens de sa mise en oeuvre.»

9. Le protocole 34 de l'accord EEE concernant la possibilité pour les juridictions des États de l'AELE de demander à la Cour de justice des CE une décision sur l'interprétation de règles de l'accord EEE correspondant à des règles communautaires dispose:

«Article premier

Lorsqu'une question d'interprétation des dispositions de l'accord, qui sont identiques en substance aux dispositions des traités établissant les Communautés européennes, tels que modifiés ou complétés, ou des actes adoptés en application de ces traités, est soulevée dans une affaire pendante devant l'une des juridictions d'un État de l'AELE, cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, demander à la Cour de justice des CE de décider sur cette question.

Article 2

Un État de l'AELE qui entend faire usage du présent protocole notifie au dépositaire de l'accord et à la Cour de justice des CE dans quelle mesure et selon quelles modalités le présent protocole s'appliquera à ses juridictions.»

10. Le protocole 35 de l'accord EEE concernant la mise en oeuvre des règles de l'EEE...

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