Silberquelle GmbH v Maselli-Strickmode GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:633
Date18 November 2008
Celex Number62007CC0495
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-495/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 18 novembre 2008 (1)

Affaire C‑495/07

Silberquelle GmbH

contre

Maselli Strickmode GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Patent- und Markensenat (Autriche)]

«Droit de marque – Déchéance des droits du titulaire de la marque – Notion d’usage sérieux – Utilisation de la marque pour les marchandises accompagnant en tant que prime la vente d’autres produits»





I – Introduction

1. Selon une analyse relativement superficielle, deux tendances antagoniques, au moins, imprègnent le droit des marques dans la résolution des conflits qui surgissent entre ces titres de propriété industrielle. La première envisage les signes comme étant simplement des biens immatériels bénéficiant d’une protection en raison de leur inscription dans un registre, en soulignant leur nature de droits réels et en accordant la priorité aux aspects de ius civilis, en particulier aux règles relatives à la propriété.

2. En revanche, la seconde met en avant l’environnement économique, en invoquant leurs liens indéniables avec la régulation du commerce et, concrètement, avec la réglementation de la concurrence (en tant que monopoles légaux), dont les principes délimitent les contours des pouvoirs découlant des marques enregistrées dans les bureaux chargés de la tenue de l’inscription.

3. C’est ainsi que, en cas de conflit pour un signe, la première tendance exposée s’incline à donner satisfaction au titulaire de la marque de par la prééminence des droits de propriété, tandis que la seconde soutient, généralement, le respect du libre-échange et des règles de concurrence.

4. Même si la directive 89/104/CEE (2) ne se décante ouvertement pour aucune de ces tendances, elle pâtit des tensions provoquées par la nature hybride des signes, en tant que titres de propriété et comme éléments de régulation publique du marché.

5. Dans la question préjudicielle déférée à la Cour par l’Oberster Patent- und Markensenat (organe administratif suprême en Autriche, qui est compétent pour certains litiges en matière de brevets et marques), des arguments en faveur de ces deux conceptions affleurent, étant donné que le litige touche aux confins de l’usage sérieux des marques. Le problème se centre sur la question de savoir si une telle utilisation des signes existe, lorsque, tandis que ceux-ci sont enregistrés pour des vêtements et des boissons, ils n’ont été utilisés pour cette dernière catégorie de produits qu’en guise de prime aux acheteurs d’habits sur lesquels est apposée la même marque. Même si je me sens plus proche de la seconde des tendances exposées, je me suis efforcé de rédiger les présentes conclusions en suivant la règle de ce grand auteur portugais, c’est-à-dire en étant porté par «[…] l’instinct sacré résultant de l’absence de théories» (3).

II – Le cadre normatif

A – La directive 89/104

6. Le huitième considérant de ce texte normatif communautaire se réfère à la condition de l’usage sérieux et des conséquences qu’entraîne son non-respect, en prescrivant que, «pour réduire le nombre total des marques enregistrées et protégées dans la Communauté et, partant, le nombre des conflits qui surgissent entre elles, il importe d’exiger que les marques enregistrées soient effectivement utilisées sous peine de déchéance»; et en ajoutant ensuite «que la nullité d’une marque ne peut être prononcée en raison de l’existence d’une marque antérieure non utilisée, tout en laissant aux États membres la faculté d’appliquer le même principe en ce qui concerne l’enregistrement d’une marque ou de prévoir qu’une marque ne peut être valablement invoquée dans une procédure en contrefaçon s’il est établi, à la suite d’une exception, que le titulaire de la marque pourrait être déchu de ses droits».

7. L’article 10, paragraphe 1, de cette directive dispose, sous le titre «Usage de la marque»:

«Si, dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la procédure d’enregistrement est terminée, la marque n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque est soumise aux sanctions prévues dans la présente directive, sauf juste motif pour le non-usage.»

8. Dans un souci d’harmoniser la caducité des signes enregistrés, l’article 12, paragraphe 1, de la directive prescrit:

«Le titulaire d’une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage […]»

B – La loi autrichienne sur les marques

9. Conformément à l’article 33a, paragraphe 1, de la loi autrichienne sur les marques (Markenschutzgesetz) (4), toute personne peut demander la radiation d’une marque enregistrée depuis cinq ans au moins en Autriche ou bénéficiant d’une protection dans cet État en vertu de l’article 2, paragraphe 2, si cette marque n’a pas été utilisée dans cet État pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée pendant les cinq années qui précèdent le jour du dépôt de la requête de radiation, ni par le titulaire ni par un tiers avec son consentement, dans la mesure requise à titre de marque (article 10a de cette même loi), à moins que le titulaire ne puisse justifier du défaut d’usage.

10. Selon l’article 10a de la loi autrichienne sur les marques, on entend par utilisation d’un signe, en particulier, le fait: 1) de l’apposer sur des produits, sur des conditionnements ou sur des objets pour lesquels le service est fourni ou va être fourni; 2) de l’utiliser sur des produits qui sont offerts, commercialisés ou détenus dans le but de les vendre postérieurement ou de désigner les services fournis; 3) d’importer ou d’exporter des produits sous ce symbole; ou 4) de l’employer dans les documents d’affaires, les communications ou la publicité.

III – Le litige au principal et la question préjudicielle

11. La société Maselli – Strickmode Gesellschaft mbH (ci-après «Maselli») est titulaire de la marque verbale autrichienne n° 127.803 WELLNESS, qu’elle a, à compter du 20 octobre 1989, enregistrée pour des marchandises relevant des classes 16 (revues et livres), 25 (vêtements) et 32 (boissons non alcooliques, à l’exception de la bière sans alcool), au sens de la nomenclature de l’arrangement de Nice (5).

12. Même si son activité principale s’est axée, dès le départ, sur la mode, Maselli a utilisé la marque durant les années 1999 et 2000 pour désigner une boisson sans alcool qu’elle, comme cela ressort des documents commerciaux relatifs à la promotion de ses vêtements, donnait en cadeau à quiconque achetait ceux-ci (6); le rafraîchissement était mis en bouteille avec l’inscription «WELLNESS-DRINK», 3 100 étiquettes portant cette légende ayant été imprimées et 800 bouteilles de 0,35 l ayant été remplies avec de la limonade à cette fin.

13. La société Silberquelle Gesellschaft m.b.H (ci-après «Silberquelle) a demandé, devant l’office des brevets et marques autrichien, la radiation de cette marque pour non-usage en ce qui concerne la classe 32. Elle a soutenu que le signe était enregistré depuis plus de cinq années, mais qu’il n’avait pas été effectivement utilisé pour des produits de la classe 32 ni par le titulaire ni par un tiers avec son consentement. Elle a précisé que Maselli entendait uniquement promouvoir la vente de ses produits textiles et non créer ou conserver un marché pour les marchandises de la classe 32. Elle a en outre affirmé que l’entreprise défenderesse n’utilisait l’emblème qu’à titre purement symbolique.

14. Il résulte de l’ordonnance de la juridiction de renvoi que la division d’annulation de l’office des brevets et marques autrichien a accueilli la demande de Silberquelle et radié l’enregistrement à l’égard des produits de la classe 32 (boissons non alcooliques, à l’exception de la bière sans alcool) à compter du 2 août 1997.

15. Dans le litige au principal, l’Oberster Patent- und Markensenat est saisi du recours formé par Maselli à l’encontre de cette décision, dont elle invoque l’invalidité en s’appuyant sur l’emploi suffisant et sérieux de la marque depuis 1999, tout en admettant sa «fonction accessoire».

16. Silberquelle, en revanche, postule la confirmation de l’annulation prononcée par ledit office autrichien compétent en matière de propriété industrielle.

17. C’est dans ce contexte, et parce qu’il estime que la résolution du litige dépend de...

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