Christelle Deliège v Ligue francophone de judo et disciplines associées ASBL, Ligue belge de judo ASBL, Union européenne de judo (C-51/96) and François Pacquée (C-191/97).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:147
Docket NumberC-191/97,C-51/96
Celex Number61996CC0051
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 March 1999
EUR-Lex - 61996C0051 - FR 61996C0051

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 18 mars 1999. - Christelle Deliège contre Ligue francophone de judo et disciplines associées ASBL, Ligue belge de judo ASBL, Union européenne de judo (C-51/96) et François Pacquée (C-191/97). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Namur - Belgique. - Libre prestation des services - Règles de concurrence applicables aux entreprises - Judokas - Réglementations sportives prévoyant des quotas nationaux et des procédures de sélection par les fédérations nationales pour la participation à des tournois internationaux. - Affaires jointes C-51/96 et C-191/97.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-02549


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 Dans la présente affaire, la Cour est invitée à répondre à deux questions préjudicielles posées en application de l'article 234 CE (ex-article 177) par le Tribunal de première instance de Namur, en Belgique. Elle obtient ainsi l'occasion de compléter sa jurisprudence relative à la façon dont le sport relève du champ d'application du droit communautaire et se rattache à ce dernier. En l'espèce, il se pose en particulier la question de l'application, dans le cadre des relations entre les sportifs et leurs fédérations, des principes fondamentaux du droit communautaire originaire relatifs à la libre circulation des personnes et à la protection d'une saine concurrence (il s'agit des articles 48, 59, 60, 85 et 86 du traité CE, remplacés après modification par les articles 39, 49, 50, 81 et 82 CE respectivement. Dans la suite du texte, nous recourrons à la numérotation antérieure à l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam). Le litige à l'examen se distingue de l'affaire Bosman sur deux points principaux: premièrement, il se réfère à un sport individuel et non pas d'équipe (le judo); deuxièmement, ce sport fait partie de ce qu'il est convenu d'appeler les sports amateurs, où la qualité de professionnel n'est donc pas directement reconnue aux sportifs.

II - Les faits

2 Mlle Christelle Deliège, ressortissante belge et partie demanderesse au principal (ci-après Mlle Deliège), est judoka en Belgique. Elle peut se targuer de succès notables dans ce sport (1). Cependant, d'après ses dires, elle serait tombée en disgrâce auprès des fédérations sportives de son pays (2). Ces dernières l'auraient à plusieurs reprises empêché de participer à des tournois afin de porter atteinte à sa carrière et de faciliter l'intégration d'athlètes concurrentes dans l'équipe nationale qui devait participer aux jeux olympiques d'Atlanta. Les fédérations mises en cause rétorquent que Mlle Deliège a été exclue des tournois internationaux pour des raisons strictement sportives et disciplinaires. La partie demanderesse semblerait avoir d'une part des capacités moindres et des résultats plus modestes que les sportives retenues pour participer aux tournois internationaux et d'autre part elle serait dotée d'un caractère difficile, avec une certaine inclination aux infractions à la discipline.

3 Cette confrontation plus générale entre Mlle Deliège et les institutions sportives belges a donné lieu à un certain nombre d'incidents qui ont abouti au litige actuellement en instance devant la juridiction de renvoi. Mlle Deliège a voulu participer au championnat européen de judo en 1995 ainsi qu'aux tournois internationaux de judo à Bâle les 2 et 3 décembre 1995, à Paris les 10 et 11 février 1995 et dans la ville de Leonding les 16, 17 et 18 février 1996. Sa participation à ces tournois avait pour elle une importance particulière, car sa place dans l'équipe olympique de Belgique dépendait dans une large mesure des résultats qu'elle y obtiendrait.

4 À ce stade, il convient d'analyser les critères et le mécanisme de sélection des judokas aux jeux olympiques d'Atlanta. La fédération mondiale de ce sport avait décidé que participeraient à ces jeux les huit premiers du dernier championnat du monde dans chaque catégorie ainsi qu'un certain nombre de judokas pour chaque continent (pour l'Europe, il s'agissait de neuf hommes et cinq femmes dans chacune des sept catégories (3)). Pour mettre en oeuvre les décisions de la fédération mondiale - c'est-à-dire pour désigner les sportifs et sportives européens qui seraient envoyés à Atlanta - l'Union européenne de judo (ci-après UEJ) s'est réunie à Nicosie, où elle a pris les décisions suivantes: la liste européenne de sélection aux jeux olympiques serait établie sur la base des résultats obtenus aux principaux tournois réalisés dans des pays européens (tournois dits de catégorie A) et lors des championnats d'Europe. Le droit d'inscrire les sportifs à ces tournois (qui incluent ceux de Bâle, de Paris et de Leonding) appartenait exclusivement aux fédérations nationales, qui étaient tenues de ne présenter que sept hommes et sept femmes au total, en se limitant à un ou deux athlètes masculins ou féminins par catégorie. L'inscription sur la liste de sélection était faite sur la base des meilleurs résultats obtenus par chaque sportif ou sportive au cours de trois tournois de catégorie A ainsi que des résultats aux championnats d'Europe. De ce fait, chaque athlète, masculin ou féminin, avait un intérêt à participer à ces tournois pour être inscrit sur la liste européenne de sélection parmi les neuf meilleurs combattants et cinq meilleures combattantes pour chaque catégorie. Observons cependant que le droit de participer aux jeux olympiques, grâce aux résultats éventuellement obtenus, était acquis non pas à l'athlète en propre, mais à la fédération nationale de son pays. En d'autres termes, un sportif pouvait bien être classé premier sur la liste européenne de sélection sans participer finalement aux jeux d'Atlanta si sa fédération confiait à un autre le soin de représenter son pays.

5 Pour ne pas perdre tout espoir d'être sélectionnée pour Atlanta, Mlle Deliège a, le 26 janvier 1996, saisi le tribunal de première instance de Namur en référé. La demande visait d'une part à faire enjoindre aux fédérations sportives belges (ligue francophone de judo et ligue belge de judo respectivement) de prendre les mesures appropriées pour que Mlle Deliège soit inscrite au tournoi international de Paris et d'autre part à ce que la Cour de justice des Communautés européennes soit saisie d'une question préjudicielle relative au point de savoir dans quelle mesure les règles ci-dessus de l'Union européenne de judo relatives à la participation aux tournois de catégorie A sont conformes aux articles 59 et suivants, 85 et 86 du traité.

6 Mlle Deliège a ensuite saisi la même juridiction d'un recours contre les fédérations ci-dessus ainsi que contre M. François Pacquée, président de la Ligue belge de judo, en demandant au juge saisi, premièrement de dire pour droit que le système appliqué à la sélection des judokas pour les tournois internationaux est illégal parce que contraire au principe de la libre prestation des services et à la liberté d'exercice de leur profession par les sportifs, deuxièmement - pour le cas où la juridiction saisie estimerait opportun de saisir la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel - d'organiser la situation en attendant la réponse à la question préjudicielle et, troisièmement, de condamner les fédérations défenderesses et le président de la LBJ à lui verser trente millions de francs belges à titre de dédommagement.

III - Les questions préjudicielles

7 Statuant dans la procédure en référé, le président du Tribunal de première instance de Namur a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante, qui fait l'objet de l'affaire C-51/96:

«Un règlement qui impose à un sportif professionnel, semi-professionnel ou candidat à un tel statut, d'être en possession d'une autorisation ou d'une sélection de sa fédération nationale pour pouvoir concourir dans une compétition internationale et qui prévoit des quotas nationaux d'engagement ou de semblables compétitions, est-il ou non contraire au traité de Rome et notamment aux articles 59 à 66, ainsi qu'aux articles 85 et 86?»

8 Lorsqu'il a été appelé à statuer au fond, le Tribunal de première instance de Namur a estimé qu'il y avait un risque que la Cour déclare irrecevable la question posée dans l'affaire C-51/96 et il a en conséquence jugé opportun de surseoir à statuer et de poser une nouvelle question préjudicielle, dont les termes sont les suivants (affaire C-191/97):

«Le fait d'imposer à un athlète professionnel ou semi-professionnel ou candidat à une activité professionnelle ou semi-professionnelle d'être en possession d'une autorisation de sa fédération pour pouvoir s'aligner dans une compétition internationale qui n'oppose pas des équipes nationales, est-il ou non contraire au traité de Rome, et notamment aux articles 59, 85 et 86 de ce traité?»

IV - Sur l'affaire C-51/96

9 Les fédérations sportives, les gouvernements belge, hellénique et italien ainsi que la Commission estiment que la question préjudicielle posée dans l'affaire C-51/96 est irrecevable. Ils font valoir trois arguments en faveur de cette thèse. Premièrement, la réponse à la question posée serait absolument dépourvue d'utilité pour le juge a quo. La procédure en référé dans le cadre de laquelle la question a été posée était achevée au moment où la Cour a été saisie, de sorte que le juge de renvoi avait vidé sa saisine. La question de droit soulevée dans la question préjudicielle touche au fond de l'affaire, sur lequel le juge du référé n'aurait pas le droit d'intervenir. En conséquence, conformément à la jurisprudence Fratelli Pardini (4), il n'y a pas lieu de répondre à la question préjudicielle. Le deuxième argument en faveur de l'irrecevabilité est celui tiré du contenu de la question préjudicielle posée. Concrètement, il revient à dire que cette question est manifestement hypothétique et étrangère au domaine du droit...

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