ACI Adam BV and Others v Stichting de Thuiskopie and Stichting Onderhandelingen Thuiskopie vergoeding.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:1
Date09 January 2014
Celex Number62012CC0435
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-435/12
62012CC0435

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 9 janvier 2014 ( 1 )

Affaire C‑435/12

ACI Adam BV,

Alpha International BV,

AVC Nederland BV,

BAS Computers & Componenten BV,

Despec BV,

Dexxon Data Media and Storage BV,

Fuji Magnetics Nederland,

Imation Europe BV,

Maxell Benelux BV,

Philips Consumer Electronics BV,

Sony Benelux BV,

Verbatim GmbH

contre

Stichting de Thuiskopie,

Stichting Onderhandelingen Thuiskopie vergoeding

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Propriété intellectuelle — Droits d’auteur et droits voisins — Directive 2001/29/CE — Harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information — Droit exclusif de reproduction — Article 5, paragraphe 2, sous b) — Article 5, paragraphe 5 — Exceptions et limitations — Exception de copie privée — Champ d’application — Reproductions réalisées à partir d’une source illicite — Redevance pour copie privée — Directive 2004/48/CE — Respect des droits de propriété intellectuelle — Article 14 — Frais de justice — Champ d’application»

1.

La Cour est, dans la présente affaire, saisie d’une nouvelle série de questions préjudicielles concernant principalement l’interprétation de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ( 2 ), et plus particulièrement de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de celle-ci, permettant aux États membres d’établir une exception au droit exclusif de reproduction des titulaires du droit d’auteur et des droits voisins ( 3 ) au titre de la copie privée.

2.

La principale question posée à titre préjudiciel par la juridiction de renvoi porte plus précisément sur le point de savoir si l’exception de copie privée ne peut trouver à s’appliquer qu’aux reproductions réalisées à partir de sources licites et, au-delà, si la redevance pour copie privée ne peut être calculée et perçue qu’en considération des reproductions réalisées à partir de sources licites ( 4 ).

3.

Il s’agit donc d’une question d’interprétation de la directive 2001/29 ( 5 ) que se posent plusieurs juridictions nationales, qui a été tranchée, dans certains États membres, soit par le législateur national ( 6 ) soit par les juridictions nationales ( 7 ), mais qui n’a pas encore donné lieu à réponse de la part de la Cour ( 8 ), qui demeure controversée dans la doctrine ( 9 ) et qui présente, par conséquent, une importance certaine.

4.

Cette importance se trouve amplifiée par la circonstance que l’exception de copie privée est présentée, par certaines des parties au principal tout comme par une partie de la doctrine, comme un moyen de compenser les dommages causés aux titulaires de droits par la diffusion non autorisée d’œuvres et d’objets protégés sur Internet, à tout le moins en l’absence de mesures techniques susceptibles de combattre efficacement le «piratage».

I – Le cadre juridique

A – Le droit international

5.

Trois conventions internationales sont pertinentes aux fins de la résolution du litige au principal. La première, qui est aussi la principale, est la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, du 9 septembre 1886, telle que révisée en dernier lieu par l’acte de Paris du 24 juillet 1971, dans sa version résultant de la modification du 28 juillet 1979 (ci-après la «convention de Berne») ( 10 ) ( 11 ).

6.

Les deux autres sont, d’une part, l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, figurant à l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) ( 12 ), et, d’autre part, le traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d’auteur, adopté à Genève le 20 décembre 1996, qui a été approuvé par la décision 2000/278/CE du Conseil, du 16 mars 2000, relative à l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et du traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes ( 13 ), dont les dispositions renvoient à la convention de Berne ( 14 ).

B – Le droit de l’Union

7.

Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation, d’une part, des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 et de l’article 5, paragraphe 5, de celle-ci ( 15 ) et, d’autre part, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle ( 16 ), et en particulier de son article 14. Le texte des dispositions pertinentes sera cité, en tant que de besoin, dans le cours des développements.

C – Le droit néerlandais

8.

L’article 1er de la loi sur le droit d’auteur (ci-après la «LDA») reconnaît à l’auteur d’une œuvre littéraire, scientifique ou artistique ou à ses ayants droit le droit exclusif de, notamment, reproduire cette œuvre, sous réserve des limitations prévues par la loi. La LDA comporte, en l’occurrence, des dispositions établissant une exception de copie privée et une rémunération équitable à titre de contrepartie, à savoir la redevance pour copie privée.

9.

L’article 16c, paragraphe 1, de la LDA, qui constitue une transposition de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, dispose:

«N’est pas considérée comme une atteinte au droit d’auteur sur une œuvre littéraire, scientifique ou artistique la reproduction de tout ou partie de l’œuvre sur un support destiné à la représentation d’une œuvre, pour autant que la reproduction est dépourvue d’objectif commercial direct ou indirect et qu’elle sert exclusivement à la pratique, à l’étude ou à l’usage de la personne physique qui procède à la reproduction.»

10.

L’article 16c, paragraphe 2, de la LDA prévoit:

«La reproduction, entendue au sens [de l’article 16c, paragraphe 1], donne lieu à la perception d’une rémunération équitable au profit de l’auteur ou de ses ayants droit. L’obligation de paiement de la rémunération pèse sur le fabricant ou l’importateur des supports visés au paragraphe 1.»

11.

Par ailleurs, l’article 1019h du code de procédure civile, qui constitue la transposition de l’article 14 de la directive 2004/48 énonce:

«Pour autant que de besoin, par dérogation au premier Livre, deuxième titre, douzième section, deuxième paragraphe, et à l’article 843a, paragraphe 1, la partie qui succombe est condamnée à supporter les frais de justice raisonnables et proportionnés et les autres frais exposés par la partie ayant obtenu gain de cause, à moins que l’équité ne le permette pas.»

II – Les faits à l’origine du litige au principal

12.

Les défenderesses dans le litige au principal sont la Stichting de Thuiskopie, une fondation chargée de la perception de la redevance pour copie privée prévue à l’article 16c, paragraphe 2, de la LDA et de la répartition de son produit, et la Stichting Onderhandelingen Thuiskopie vergoeding ( 17 ), une fondation chargée de fixer le montant de la redevance pour copie privée.

13.

Les sociétés requérantes au principal sont des importateurs et/ou des fabricants de supports destinés à la reproduction d’œuvres au sens de l’article 16c, paragraphe 1, de la LDA, qui doivent, à ce titre, payer la redevance pour copie privée.

14.

Estimant que la redevance pour copie privée est exclusivement destinée à compenser le préjudice subi par les titulaires du droit du fait d’actes de reproduction tombant dans le champ d’application de l’article 16c, paragraphe 1, de la LDA, lesdites requérantes au principal ont assigné la Stichting de Thuiskopie et la SONT devant le Rechtbank te 's‑Gravenhage, en faisant valoir que le montant de la redevance pour copie privée ne doit pas être calculé en prenant en compte le dommage résultant de copies d’œuvres réalisées à partir d’une source illégale, en violation du droit d’auteur.

15.

Le Rechtbank te 's-Gravenhage a rejeté la demande des requérantes au principal par un jugement du 25 juin 2008 ( 18 ).

16.

Le Gerechtshof te 's-Gravenhage saisi en appel a, par arrêt du 15 novembre 2010 ( 19 ), également rejeté cette demande, en disant pour droit que la rémunération équitable visée à l’article 16c de la LDA avait pour objet de compenser le préjudice résultant, pour les titulaires de droits, d’actes de reproduction entrant dans le champ de ladite disposition.

17.

Il doit être observé qu’il ressort de la décision de renvoi que le Gerechtshof te 's-Gravenhage a constaté que ni l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, ni l’article 16c de la LDA n’opéraient de distinction suivant la source des reproductions. Il ressortirait, cependant, des travaux préparatoires de la LDA que son article 16c doit être interprété comme autorisant la reproduction à partir d’une source illicite aussi longtemps qu’il n’existe pas de mesures techniques permettant de lutter contre la copie privée illicite. Il aurait, en effet, été considéré qu’un régime n’interdisant pas les reproductions à partir de sources illicites tout en imposant la perception de la redevance pour copie privée sur ces reproductions assurerait une meilleure protection des intérêts des titulaires de droits sans leur porter un...

To continue reading

Request your trial
3 practice notes
  • Technische Universität Darmstadt v Eugen Ulmer KG.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 September 2014
    ...5, paragraphe 2, de cette directive (voir, en ce sens, arrêts Infopaq International, C‑5/08, EU:C:2009:465, point 58, et ACI Adam e.a., C‑435/12, EU:C:2014:254, point 48 En l’espèce, il y a lieu de constater que, dans le cadre de la législation nationale applicable, il est dûment tenu compt......
  • ACI Adam BV and Others v Stichting de Thuiskopie and Stichting Onderhandelingen Thuiskopie vergoeding.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 April 2014
    ...— Exceptions and limitations — Reproduction for private use — Lawful nature of the origin of the copy — Directive 2004/48/EC– Scope’ In Case C‑435/12, REQUEST for a preliminary ruling under Article 267 TFEU from the Hoge Raad der Nederlanden (Netherlands), made by decision of 21 September 2......
  • EU Competition Review 2019
    • European Union
    • JD Supra European Union
    • 3 February 2020
    ...that the principles of equivalence and effectiveness are observed (see, by analogy, judgment of 5 June 2014, Kone and Others, C 557/12, EU:C:2014:1317, paragraph 24). Accordingly, the rules applicable to actions for safeguarding rights which individuals derive from the direct effect of EU l......
2 cases
  • Technische Universität Darmstadt v Eugen Ulmer KG.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 September 2014
    ...5, paragraphe 2, de cette directive (voir, en ce sens, arrêts Infopaq International, C‑5/08, EU:C:2009:465, point 58, et ACI Adam e.a., C‑435/12, EU:C:2014:254, point 48 En l’espèce, il y a lieu de constater que, dans le cadre de la législation nationale applicable, il est dûment tenu compt......
  • ACI Adam BV and Others v Stichting de Thuiskopie and Stichting Onderhandelingen Thuiskopie vergoeding.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 April 2014
    ...— Exceptions and limitations — Reproduction for private use — Lawful nature of the origin of the copy — Directive 2004/48/EC– Scope’ In Case C‑435/12, REQUEST for a preliminary ruling under Article 267 TFEU from the Hoge Raad der Nederlanden (Netherlands), made by decision of 21 September 2......
1 firm's commentaries
  • EU Competition Review 2019
    • European Union
    • JD Supra European Union
    • 3 February 2020
    ...that the principles of equivalence and effectiveness are observed (see, by analogy, judgment of 5 June 2014, Kone and Others, C 557/12, EU:C:2014:1317, paragraph 24). Accordingly, the rules applicable to actions for safeguarding rights which individuals derive from the direct effect of EU l......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT