A v B and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:207
Docket NumberC-112/13
Celex Number62013CC0112
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date02 April 2014
62013CC0112

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 2 avril 2014 ( 1 )

Affaire C‑112/13

A

contre

B e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Règlement (CE) no 44/2001 — Coopération en matière civile — Compétence judiciaire — Prorogation de compétence en cas de comparution du défendeur — Curateur du défendeur absent — Article 47 de la Charte — Primauté du droit de l’Union»

1.

Dans la présente affaire, la Cour est, tout d’abord, amenée à dire pour droit si la comparution d’un curateur du défendeur absent, nommé conformément au droit national, vaut comparution au sens de l’article 24 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ( 2 ).

2.

L’importance de cette question réside dans le fait que la comparution, au sens de cette disposition, entraîne automatiquement la prorogation de la compétence de la juridiction saisie, alors même que celle-ci ne serait pas compétente en vertu des règles instaurées par le règlement no 44/2001.

3.

Ensuite, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) cherche à savoir si les juridictions nationales sont tenues, en vertu du principe d’équivalence, d’interroger une cour constitutionnelle sur la conformité d’une loi nationale qu’elles estiment contraire à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») aux fins de l’annulation générale de cette loi au lieu de laisser celle-ci inappliquée dans le cas d’espèce, conformément au principe de primauté du droit de l’Union.

4.

Dans les présentes conclusions, nous exposerons les raisons pour lesquelles nous estimons que l’article 24 du règlement no 44/2001, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens que la comparution devant une juridiction nationale du curateur du défendeur absent, nommé conformément à la loi nationale, ne vaut pas comparution du défendeur au sens de l’article 24 de ce règlement.

5.

Puis, nous expliquerons pourquoi, selon nous, dans le champ d’application du droit de l’Union, le principe d’équivalence, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, n’impose pas aux juridictions nationales d’interroger une cour constitutionnelle sur la conformité d’une loi nationale qu’elles estiment contraire à la Charte aux fins de l’annulation générale de cette loi. Une disposition du droit interne portant une telle obligation n’est pas contraire au droit de l’Union à condition que le devoir du juge national d’appliquer les dispositions de ce droit et d’en assurer le plein effet, au besoin en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, ainsi que son pouvoir d’interroger la Cour par la voie préjudicielle n’en soient ni supprimés, ni suspendus, ni diminués ou retardés.

I – Le cadre juridique

A – Le règlement no 44/2001

6.

En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, celui-ci s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction.

7.

L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement dispose que, sous réserve des dispositions que ce dernier prévoit, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

8.

Sous la section 7, intitulée «Prorogation de compétence», l’article 24 dudit règlement prévoit ce qui suit:

«Outre les cas où sa compétence résulte d’autres dispositions du présent règlement, le juge d’un État membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent. Cette règle n’est pas applicable si la comparution a pour objet de contester la compétence ou s’il existe une autre juridiction exclusivement compétente en vertu de l’article 22.»

9.

L’article 26, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 est rédigé de la manière suivante:

«Lorsque le défendeur domicilié sur le territoire d’un État membre est attrait devant une juridiction d’un autre État membre et ne comparaît pas, le juge se déclare d’office incompétent si sa compétence n’est pas fondée aux termes du présent règlement.»

10.

Sous le chapitre III, intitulé «Reconnaissance et exécution», l’article 34, point 2, de ce règlement indique qu’une décision n’est pas reconnue si l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire.

B – Le droit autrichien

1. Le droit constitutionnel

11.

En vertu de l’article 89 de la Loi constitutionnelle fédérale (Bundes-Verfassungsgesetz, ci-après le «B‑VG»), ni les juridictions ordinaires ni l’Oberster Gerichtshof – qui, en vertu de l’article 92 du B‑VG, est la plus haute juridiction dans les affaires civiles et pénales – ne disposent du droit d’annulation de lois ordinaires pour inconstitutionnalité. S’ils estiment qu’une loi ordinaire est inconstitutionnelle, ils sont tenus d’introduire une demande auprès du Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle).

12.

Conformément à l’article 140, paragraphes 6 et 7, du B‑VG, l’annulation d’une loi par le Verfassungsgerichtshof a un effet général et lie les juridictions ordinaires.

13.

Selon une jurisprudence constante, l’Oberster Gerichtshof a, sans saisir le Verfassungsgerichtshof, itérativement écarté, au cas par cas, les dispositions légales contraires au droit de l’Union directement applicable, mettant en œuvre, ainsi, le principe de primauté de ce droit. De même, jusqu’alors, le Verfassungsgerichtshof a, également, jugé qu’une contradiction éventuelle entre une loi autrichienne et le droit de l’Union doit être résolue en appliquant ce principe. Dès lors, une telle contradiction ne conduit pas à l’annulation de la loi pour inconstitutionnalité au sens de l’article 140 du B‑VG.

14.

Cependant, dans une décision du 14 mars 2012, le Verfassungsgerichtshof s’est écarté de cette jurisprudence et a jugé que la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), est directement applicable en Autriche et a rang constitutionnel. Les droits qu’elle garantit sont des droits eux-mêmes garantis par le B‑VG. C’est pourquoi, poursuit le Verfassungsgerichtshof, il convient d’examiner, compte tenu du principe d’équivalence, de quelle manière et selon quelle procédure il est possible d’invoquer des droits tirés de la Charte sur le fondement du droit national.

15.

Le Verfassungsgerichtshof ajoute que le système de voies de recours prévu par le B‑VG repose sur le principe selon lequel la Cour constitutionnelle est la seule instance à devoir se prononcer sur la violation par des normes générales, c’est-à-dire des lois et des règlements, et la seule instance habilitée à annuler de telles normes.

16.

Dès lors, le Verfassungsgerichtshof parvient à la conclusion que, en raison du droit national, il découle du principe d’équivalence que les droits garantis par la Charte constituent aussi, dans le champ d’application de celle-ci, un critère d’appréciation dans le cadre de procédures de contrôle général des normes, notamment en vertu des articles 139 et 140 du B‑VG.

17.

Pour finir, le Verfassungsgerichtshof a souligné qu’il n’y a aucune obligation de renvoi préjudiciel auprès de la Cour lorsqu’une question n’est pas pertinente pour la solution du litige pendant devant lui, c’est-à-dire lorsque la réponse à cette question, quelle qu’elle soit, ne peut avoir aucune influence sur la solution dudit litige. Dans le domaine de la Charte, il en va ainsi lorsqu’un droit garanti par le B‑VG, en particulier un droit tiré de la CEDH, a le même champ d’application qu’un droit tiré de la Charte. Dans un tel cas, la décision de la Cour constitutionnelle intervient sur le fondement du droit constitutionnel autrichien, sans qu’il soit nécessaire de former une décision préjudicielle au sens de l’article 267 TFUE.

18.

La juridiction de renvoi nous indique, alors, que cela pourrait signifier que, lorsqu’une loi autrichienne est contraire au droit de l’Union et, notamment, à la Charte, il est impossible de remédier à cela directement dans le cadre de la procédure ordinaire en appliquant le principe de primauté et que, sans préjudice de la possibilité de saisir la Cour à titre préjudiciel, les juridictions ordinaires sont contraintes, en vertu du principe d’équivalence, d’introduire une demande devant le Verfassungsgerichtshof.

2. Le code de procédure civile

19.

Conformément à l’article 115 du code de procédure civile (Zivilprozessordnung, ci-après la «ZPO»), dans sa version applicable au litige au principal, la signification aux personnes dont l’adresse est inconnue est, en principe, effectuée par la publication. Il précise, également, que l’enregistrement dans une banque de données d’avis officiels est prescrit.

20.

L’article 116 de la ZPO prévoit que, pour les personnes auxquelles la signification pourrait être effectuée seulement par la publication parce que leur lieu de résidence est inconnu, la juridiction saisie doit nommer un curateur du défendeur absent lorsque, à la suite de la signification à effectuer, ces personnes doivent accomplir un acte de procédure pour préserver leurs droits et, en particulier, lorsque la signification comporte...

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