SC Topaz Development SRL v Constantin Juncu and Raisa Juncu, née Cernica.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:906
Date24 October 2019
Celex Number62017CO0211
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-211/17

ORDONNANCE DE LA COUR (première chambre)

24 octobre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrat de promesse de vente et d’achat rédigé par le promoteur immobilier et authentifié par un notaire – Article 3, paragraphe 2, et article 4, paragraphe 1 – Preuve du caractère négocié des clauses – Présomption – Signature du contrat par le consommateur – Article 3, paragraphe 3 – Annexe, point 1, sous d) à f) et i) – Clause résolutoire expresse – Clause pénale – Caractère abusif – Articles 6 et 7 – Possibilité pour le juge national de modifier la clause dont le caractère abusif a été constaté »

Dans l’affaire C‑211/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Bacău (cour d’appel de Bacău, Roumanie), par décision du 24 novembre 2016, parvenue à la Cour le 24 avril 2017, dans la procédure

SC Topaz Development SRL

contre

Constantin Juncu,

Raisa Juncu,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev, E. Regan et S. Rodin (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour SC Topaz Development SRL, par Mme A. Ghemeş-Nemethi, avocat,

– pour le gouvernement roumain, initialement par M. R. H. Radu et Mme C. M. Florescu, puis par M. C.–R. Canţăr et Mme C. M. Florescu, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mmes C. Gheorghiu et A. Cleenewerck de Crayencour, en qualité d’agents,

vu la décision prise de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’annexe, point 1, sous d) à f) et i), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1994, L 95, p. 29).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Constantin Juncu et Mme Raisa Juncu à SC Topaz Development SRL (ci-après « Topaz ») au sujet de la demande de Topaz tendant à la résolution, aux torts exclusifs de M. et Mme Juncu, d’un contrat de vente, ayant pour objet principal l’achat d’un immeuble, et au paiement d’une indemnité, sur le fondement d’une clause résolutoire expresse et d’une clause pénale considérées comme abusives par M. et Mme Juncu.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13 est libellé comme suit :

« Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe. »

4 L’article 4, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »

5 L’article 5 de ladite directive est rédigé dans les termes suivants :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7 paragraphe 2. »

6 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la même directive :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

7 L’annexe de la directive 93/13, intitulée « Clauses visées à l’article 3, paragraphe 3 », contient un point 1, rédigé comme suit :

« Clauses ayant pour objet ou pour effet :

[...]

d) de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’est celui-ci qui renonce ;

e) d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ;

f) d’autoriser le professionnel à résilier le contrat de façon discrétionnaire si la même faculté n’est pas reconnue au consommateur, ainsi que de permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non encore réalisées par lui, lorsque c’est le professionnel lui-même qui résilie le contrat ;

[...]

i) [de] constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat ;

[...] »

Le droit roumain

8 La Legea nr. 193/2000 privind clauzele abuzive din contractele încheiate între profesionişti şi consumatori (loi nº 193/2000 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre les professionnels et les consommateurs), du 6 novembre 2000 (Monitorul Oficial al României, partie I, nº 560 du 10 novembre 2000), dans sa version republiée (Monitorul Oficial al României, partie I, nº 305 du 18 avril 2008) (ci-après la « loi nº 193/2000 ») transpose la directive 93/13 en droit roumain.

9 L’article 4 de cette loi reprend intégralement et de manière littérale les articles 3 et 4 de ladite directive.

10 Par ailleurs, aux termes de l’article 6 de cette même loi, auquel correspond l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 :

« Les clauses abusives insérées dans le contrat et considérées comme abusives soit personnellement, soit par l’intermédiaire des organismes légalement habilités, ne produiront pas d’effets à l’égard du consommateur, et le contrat se poursuivra, avec l’accord de ce dernier, uniquement s’il peut encore subsister après la suppression desdites clauses. »

11 À l’instar de l’annexe de la directive 93/13, l’annexe de la loi nº 193/2000 contient la liste des clauses considérées comme abusives. Conformément à cette liste, font partie de ces clauses les dispositions contractuelles qui :

« [...]

i) obligent le consommateur qui n’exécute pas ses obligations contractuelles à verser une indemnité d’un montant disproportionné par rapport au préjudice subi par le commerçant ;

[...]

l) excluent le droit du consommateur à engager une action en justice ou à exercer une autre voie de recours et l’obligent à résoudre les litiges notamment par voie d’arbitrage ;

[...]

r) permettent au commerçant de percevoir des sommes de la part du consommateur en cas d’inexécution ou de résiliation du contrat par le consommateur, sans prévoir l’existence d’indemnités pécuniaires d’un montant équivalent pour le consommateur, en cas d’inexécution du contrat par le commerçant ;

s) autorisent le commerçant à résilier le contrat unilatéralement, sans reconnaître cette même faculté au consommateur ».

12 Les points de l’annexe visés au point précédent correspondent respectivement aux points d), e), f) et q), du point 1 de l’annexe de la directive 93/13.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13 Le 1er septembre 2011, Topaz, en qualité de promettant-vendeur, et M. et Mme Juncu, en qualité de promettants-acquéreurs, ont conclu un contrat écrit de promesse de vente et d’achat, ayant pour objet un immeuble sis dans la municipalité de Bacău (Roumanie) (ci-après le « contrat en cause »).

14 Il ressort du point 2 du contrat en cause que le promettant-vendeur s’engage à vendre aux promettants-acquéreurs une propriété, que ces derniers s’engagent à acheter, pour un prix de vente s’élevant à 63 044 euros, conformément aux conditions prévues par ledit contrat.

15 Les points 3.2.2 et 7.1 du contrat en cause prévoient notamment une clause résolutoire expresse dite « de niveau IV », autorisant la résolution de plein droit de ce contrat dans l’hypothèse où les promettants-acquéreurs viendraient à manquer à leurs obligations de paiement. Cette clause résolutoire expresse est assortie d’une clause pénale, exclusivement en faveur du promettant-vendeur. Ainsi, aux termes de ces points du contrat en cause :

« Au cas où, pour quelque motif que ce soit, le promettant-acquéreur se retrouve en retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, pour n’importe quel paiement (quel que soit son montant, même s’il s’agit de petites sommes, représentant moins de 1 % du prix de vente), le promettant-vendeur est en droit de considérer que le présent contrat de promesse de vente et d’achat est résolu de plein droit, sans intervention d’une quelconque autorité ni mise en demeure ou autre...

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