Conclusiones del Abogado General Sr. P. Pikamäe, presentadas el 27 de febrero de 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:135
Celex Number62019CC0074
Date27 February 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 27 février 2020 (1)

Affaire C74/19

LE

contre

Transportes Aéreos Portugueses SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Judicial da Comarca de Lisboa – Juízo Local Cível de Lisboa – Juiz 18 (tribunal d’arrondissement de Lisbonne ‑ division civile de Lisbonne ‑ juge 18, Portugal)]

« Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol – Règlement (CE) nº 261/2004 – Article 5, paragraphe 3 – Article 7, paragraphe 1 – Droit à indemnisation – Exonération – Notion de “circonstances extraordinaires” – Comportement perturbateur d’un passager – Notion de “mesures raisonnables” pour obvier à une circonstance extraordinaire ou aux conséquences d’une telle circonstance »





I. Introduction

1. Dans la présente affaire ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, le Tribunal Judicial da Comarca de Lisboa (tribunal d’arrondissement de Lisbonne, Portugal) soumet à la Cour trois questions préjudicielles portant sur l’interprétation de la notion de « circonstances extraordinaires » visée à l’article 5, paragraphe 3 du règlement (CE) nº 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) nº 295/91 (2).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant LE (ci-après, le « passager requérant ») à Transportes Aéreos Portugueses SA (ci-après « TAP »), un transporteur aérien, au sujet du refus de ce dernier d’indemniser ce passager dont le vol a subi un retard important. TAP fait valoir, à cet effet, des « circonstances extraordinaires » au sens de la disposition susmentionnée, qui seraient liées au comportement perturbateur d’un autre passager présent à bord de l’aéronef destiné à assurer le transport sur la ligne aérienne en cause.

3. La juridiction de renvoi pose notamment la question de savoir si ledit comportement qui, selon l’appréciation du commandant de bord, aurait mis en péril la sécurité à bord et rendu une escale imprévue nécessaire afin de procéder au débarquement du passager perturbateur constitue une « circonstance extraordinaire ». La juridiction de renvoi s’interroge en outre sur le point de savoir si le transporteur aérien peut invoquer ces « circonstances extraordinaires » même si elles ne sont pas survenues sur le vol réservé par le passager requérant, mais sur le vol précédent assuré par le même avion. Enfin, la juridiction de renvoi demande si, dans le cas d’espèce, le transporteur aérien a pris toutes les mesures raisonnables en vue d’éviter un retard à l’arrivée.

II. Le cadre juridique

A. Le droit international

4. La convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs (ci-après la « convention de Tokyo ») (3) a été signée à Tokyo le 14 septembre 1963 et est entrée en vigueur le 4 décembre 1969.

5. L’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la convention de Tokyo dispose :

« 1. La présente convention s’applique :

a) aux infractions aux lois pénales ;

b) aux actes qui, constituant ou non des infractions, peuvent compromettre ou compromettent la sécurité de l’aéronef ou de personnes ou de biens à bord, ou compromettent le bon ordre et la discipline à bord.

[...] »

6. L’article 6 de cette convention prévoit :

« 1. Lorsque le commandant d’aéronef est fondé à croire qu’une personne a commis ou accompli ou est sur le point de commettre ou d’accomplir à bord une infraction ou un acte, visés à l’article 1er, paragraphe 1, il peut prendre, à l’égard de cette personne, les mesures raisonnables, y compris les mesures de contrainte, qui sont nécessaires :

a) pour garantir la sécurité de l’aéronef ou de personnes ou de biens à bord ;

b) pour maintenir le bon ordre et la discipline à bord ;

c) pour lui permettre de remettre ladite personne aux autorités compétentes ou de la débarquer conformément aux dispositions du présent Titre.

2. Le commandant d’aéronef peut requérir ou autoriser l’assistance des autres membres de l’équipage et, sans pouvoir l’exiger, demander ou autoriser celle des passagers en vue d’appliquer les mesures de contrainte qu’il est en droit de prendre. Tout membre d’équipage ou passager peut également prendre, sans cette autorisation, des mesures préventives raisonnables, s’il est fondé à croire qu’elles s’imposent immédiatement pour garantir la sécurité de l’aéronef ou de personnes ou de biens à bord. »

7. L’article 8, paragraphe 1, de ladite convention énonce :

« Lorsque le commandant d’aéronef est fondé à croire qu’une personne a accompli ou est sur le point d’accomplir à bord un acte visé à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), il peut débarquer cette personne sur le territoire de tout État où atterrit l’aéronef pour autant que cette mesure soit nécessaire aux fins visées à l’article 6, paragraphe 1, sous a) ou b). »

B. Le droit de l’Union

1. Le règlement nº 261/2004

8. Les considérants 1, 14 et 15 du règlement nº 261/2004 énoncent :

« (1) L’action de la Communauté dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers. Il convient en outre de tenir pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général.

[...]

(14) Tout comme dans le cadre de la convention de Montréal, les obligations des transporteurs aériens effectifs devraient être limitées ou leur responsabilité exonérée dans les cas où un événement est dû à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. De telles circonstances peuvent se produire, en particulier, en cas d’instabilité politique, de conditions météorologiques incompatibles avec la réalisation du vol concerné, de risques liés à la sécurité, de défaillances imprévues pouvant affecter la sécurité du vol, ainsi que de grèves ayant une incidence sur les opérations d’un transporteur aérien effectif.

(15) Il devrait être considéré qu’il y a circonstance extraordinaire, lorsqu’une décision relative à la gestion du trafic aérien concernant un avion précis pour une journée précise génère un retard important, un retard jusqu’au lendemain ou l’annulation d’un ou de plusieurs vols de cet avion, bien que toutes les mesures raisonnables aient été prises par le transporteur aérien afin d’éviter ces retards ou annulations. »

9. Sous l’intitulé « Annulations », l’article 5, paragraphes 1 et 3, de ce règlement dispose :

« 1. En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :

[...]

c) ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7 […]

[...]

3. Un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. »

10. Sous l’intitulé « Droit à indemnisation », l’article 7 dudit règlement prévoit, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :

a) 250 euros pour tous les vols de 1 500 kilomètres ou moins ;

b) 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres ;

c) 600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b).

Pour déterminer la distance à prendre en considération, il est tenu compte de la dernière destination où le passager arrivera après l’heure prévue du fait du refus d’embarquement ou de l’annulation. »

2. Le règlement (UE) nº 376/2014

11. L’article 2 point 7, du règlement (UE) n° 376/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant les comptes rendus, l’analyse et le suivi d’événements dans l’aviation civile, modifiant le règlement (UE) nº 996/2010 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2003/42/CE du Parlement européen et du Conseil et les règlements de la Commission (CE) nº 1321/2007 et (CE) nº 1330/2007 (4) prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

7) “événement”, tout événement relatif à la sécurité qui met en danger ou qui, s’il n’est pas corrigé ou traité, pourrait mettre en danger un aéronef, ses occupants ou toute autre personne, et qui comprend en particulier les accidents et les incidents graves ; »

12. L’article 4, paragraphe 1, sous a), de ce règlement dispose :

« 1. Les événements susceptibles de présenter un risque important pour la sécurité aérienne et qui relèvent des catégories ci-après sont notifiés par les personnes énumérées au paragraphe 6 par le biais des systèmes de comptes rendus d’événements obligatoires prévus au présent article :

a) les événements liés à l’exploitation de l’aéronef, tels que :

i) les événements liés à des collisions ;

ii) les événements liés au décollage et à l’atterrissage ;

iii) les événements liés au carburant ;

iv) les événements liés au vol ;

v) les événements liés à la communication ;

vi) les événements liés à des blessures, aux situations d’urgence et à d’autres situations critiques ;

vii) les événements liés à l’incapacité de l’équipage ou à d’autres événements concernant l’équipage ;

viii) les événements liés aux conditions météorologiques ou à la sécurité ; »

3. Le règlement d’exécution (UE) 2015/1018

13. L’article 1er du règlement d’exécution (UE) 2015/1018 de la Commission, du 29 juin 2015, établissant une liste classant les événements dans l’aviation civile devant être obligatoirement notifiés conformément au règlement (UE) nº 376/2014 du Parlement européen et du Conseil (5...

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