Anton van Zantbeek VOF contra Ministerraad.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:54
Date30 January 2020
Docket NumberC-725/18
Celex Number62018CJ0725
CourtCourt of Justice (European Union)
62018CJ0725

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

30 janvier 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 56 TFUE – Article 36 de l’accord sur l’Espace économique européen – Libre prestation des services – Taxe sur les opérations de bourse conclues ou exécutées dans un État membre – Différence de traitement au détriment de destinataires de services faisant appel à des intermédiaires professionnels non-résidents – Restriction – Justification »

Dans l’affaire C‑725/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique), par décision du 8 novembre 2018, parvenue à la Cour le 22 novembre 2018, dans la procédure

Anton van Zantbeek VOF

contre

Ministerraad,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, MM. C. Vajda et A. Kumin, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Anton van Zantbeek VOF, par Mes A. Maelfait et S. van Bree, advocaten,

pour le gouvernement belge, par Mme C. Pochet ainsi que par MM. P. Cottin et J.-C. Halleux, en qualité d’agents, assistés de Me C. Decordier, avocate,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par MM. W. Roels et R. Pethke, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 et 63 TFUE ainsi que des articles 36 et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci‑après l’« accord EEE »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Anton van Zantbeek VOF au Ministerraad (Conseil des ministres, Belgique) au sujet d’un recours en annulation de dispositions de droit national étendant le champ d’application d’une taxe sur les opérations de bourse.

Le droit belge

3

Les articles 122 et 123 de la loi-programme du 25 décembre 2016 (Moniteur belge du 29 décembre 2016, p. 90879, ci-après la « loi-programme ») ont modifié le Code des droits et taxes divers, en insérant, respectivement, un second alinéa aux articles 120 et 126/2de ce code.

4

L’article 120 du Code des droits et taxes divers, tel que modifié par la loi-programme (ci-après le « CDTD »), dispose :

« Sont soumises à la taxe sur les opérations de bourse, lorsqu’elles portent sur des fonds publics belges ou étrangers, les opérations conclues ou exécutées en Belgique ci-après :

1° toute vente, tout achat et, plus généralement, toute cession et toute acquisition à titre onéreux ;

[...]

3° tout rachat de ses actions, par une société d’investissement, lorsque l’opération porte sur des actions de capitalisation ;

[...]

Les opérations visées à l’alinéa 1er sont également réputées être conclues ou exécutées en Belgique lorsque l’ordre relatif aux opérations est donné directement ou indirectement à un intermédiaire établi à l’étranger :

soit par une personne physique ayant sa résidence habituelle en Belgique ;

soit par une personne morale pour le compte d’un siège ou d’un établissement de celle-ci en Belgique. »

5

L’article 125, paragraphe 1, du CDTD prévoit :

« La taxe est payable au plus tard le dernier jour ouvrable :

1° du deuxième mois suivant celui au cours duquel l’opération a été conclue ou exécutée, lorsque le donneur d’ordre est le redevable de la taxe ;

2° du mois suivant celui au cours duquel l’opération a été conclue ou exécutée, dans les autres cas.

La taxe est acquittée par versement ou virement au compte bancaire du bureau compétent.

Le jour du paiement, le redevable dépose à ce bureau une déclaration faisant connaître la base de perception ainsi que tous les éléments nécessaires à sa détermination. »

6

Aux termes de l’article 126/2 du CDTD :

« Les intermédiaires professionnels sont personnellement tenus des droits pour les opérations qu’ils font, soit pour le compte de tiers, soit pour leur compte propre.

Toutefois, lorsque l’intermédiaire professionnel est établi à l’étranger, le donneur d’ordre est redevable de la taxe et est assujetti aux obligations visées à l’article 125, sauf s’il peut établir que la taxe a été acquittée. »

7

L’article 126/3 du CDTD est libellé comme suit :

« Les intermédiaires professionnels non établis en Belgique peuvent avant d’exécuter ou conclure des opérations de bourse en Belgique faire agréer par le ministre des Finances ou son délégué un représentant responsable établi en Belgique. Ce responsable s’engage solidairement, envers l’État belge, au paiement des droits sur les opérations faites par l’intermédiaire professionnel, soit pour le compte de tiers, soit pour son compte propre, et à l’exécution de toutes les obligations dont l’intermédiaire professionnel est tenu conformément au présent titre.

En cas de décès du représentant responsable, de retrait de son agréation ou d’événement entraînant son incapacité, il est pourvu immédiatement à son remplacement.

Le Roi fixe les conditions et modalités d’agréation du représentant responsable. »

8

L’article 127 du CDTD dispose :

« Au plus tard le jour ouvrable qui suit celui où l’opération est exécutée, l’intermédiaire est tenu de délivrer à tout donneur d’ordre un bordereau indiquant les noms du bénéficiaire et de l’intermédiaire, la spécification des opérations, le montant ou la valeur de celles-ci et le montant de la taxe due. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Par requête du 20 juin 2017, Anton van Zantbeek, société établie en Belgique, a saisi la juridiction de renvoi, le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique), d’un recours tendant à l’annulation des articles 122 et 123 de la loi-programme, ayant introduit, respectivement, un second alinéa aux articles 120 et 126/2 du CDTD.

10

La juridiction de renvoi expose que ces dispositions ont élargi le champ d’application de la taxe sur les opérations de bourse (ci-après la « TOB »), à laquelle sont soumises les opérations qui sont conclues ou exécutées en Belgique et qui portent sur des fonds publics belges ou étrangers, dans la mesure où l’opération est effectuée grâce à un intermédiaire professionnel. Cette juridiction précise que, en vertu desdites dispositions, ces opérations ne sont plus les seules à être soumises à cette taxe, les opérations « réputées être conclues ou exécutées en Belgique » étant également visées, de telle sorte que ladite taxe est également due lorsque l’ordre d’achat ou de vente est donné à un intermédiaire professionnel non-résident par un donneur d’ordre résident, à savoir par « une personne physique ayant sa résidence habituelle en Belgique » ou « une personne morale pour le compte d’un siège ou d’un établissement de celle-ci en Belgique ». Ladite juridiction ajoute que, dans ce dernier cas, le donneur d’ordre devient redevable de la TOB au lieu de l’intermédiaire professionnel, les intermédiaires professionnels non-résidents ne pouvant être contraints de respecter les dispositions fiscales belges. Ce donneur d’ordre serait tenu de déclarer et de payer cette taxe dans les deux mois suivant l’opération en cause, sauf s’il peut établir qu’elle a déjà été acquittée, par cet intermédiaire ou par son représentant responsable.

11

À l’appui de son recours, Anton van Zantbeek fait valoir que les articles 122 et 123 de la loi-programme, en ce qu’ils établissent une différence de traitement entre donneurs d’ordre belges, selon que ces derniers font appel à un intermédiaire professionnel établi ou non en Belgique, sont contraires, d’une part, au principe d’égalité, garanti par les articles 10, 11 et 172 de la Constitution belge et, d’autre part, à ces dispositions constitutionnelles, lues en combinaison avec l’article 56 TFUE et l’article 36 de l’accord EEE, consacrant la libre prestation des services, ou avec l’article 63 TFUE et l’article 40 de l’accord EEE, relatifs à la libre circulation des capitaux.

12

À cet égard, Anton van Zantbeek soutient que si un donneur d’ordre résidant en Belgique fait appel à un intermédiaire professionnel qui n’est pas établi dans cet État membre, ce donneur d’ordre sera traité comme un intermédiaire professionnel, dans la mesure où il sera, d’une part, tenu aux obligations de déclaration ainsi que de paiement de la TOB et, d’autre part, passible de sanctions administratives quasiment identiques à celles pesant sur les intermédiaires professionnels belges. Il serait dès lors nettement plus risqué, coûteux et lourd sur le plan administratif, pour un tel donneur d’ordre résidant en Belgique, de faire appel à un intermédiaire professionnel non-résident, ce qui constituerait une restriction à la libre prestation des services et à la libre circulation des capitaux, ne pouvant être justifiée par des objectifs d’intérêt général.

13

Le Conseil des ministres conteste cette argumentation, en précisant que le régime fiscal issu des articles 120 et 126/2 du CDTD s’applique indistinctement à tous les prestataires d’opérations de bourse, quel que soit leur lieu de résidence, mais que seuls les intermédiaires professionnels établis en Belgique sont tenus de prélever la TOB sur les opérations exécutées. La situation du donneur d’ordre résident faisant appel à un intermédiaire professionnel résident ne serait dès lors pas comparable à celle d’un même donneur d’ordre...

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