Blaise Baheten Metock and Others v Minister for Justice, Equality and Law Reform.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date25 July 2008

Affaire C-127/08

Blaise Baheten Metock e.a.

contre

Minister for Justice, Equality and Law Reform

(demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court (Irlande))

«Directive 2004/38/CE — Droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire d’un État membre — Membres de la famille ressortissants de pays tiers — Ressortissants de pays tiers entrés dans l’État membre d’accueil avant de devenir conjoints d’un citoyen de l’Union»

Sommaire de l'arrêt

1. Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Directive 2004/38 — Droit d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers, membres de la famille de ressortissants communautaires

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2004/38)

2. Libre circulation des personnes — Travailleurs — Droit de séjour des membres de la famille — Droit de séjour du conjoint ressortissant d'un pays tiers

(Règlement du Conseil nº 1612/68, art. 10)

3. Citoyenneté de l'Union européenne — Libre circulation des personnes — Travailleurs — Liberté d'établissement — Libre prestation des services — Compétence de la Communauté pour arrêter les mesures nécessaires en vue de garantir la libre circulation des citoyens de l'Union

(Art. 3, § 1, c), CE, 18, § 2, CE, 40 CE, 44 CE et 52 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2004/38)

4. Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Directive 2004/38 — Bénéficiaires

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2004/38, art. 3, § 1)

1. La directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221, 68/360, 72/194, 73/148, 75/34, 75/35, 90/364, 90/365 et 93/96, s’oppose à la réglementation d’un État membre qui exige du ressortissant d’un pays tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union séjournant dans cet État membre dont il n’a pas la nationalité, d’avoir au préalable séjourné légalement dans un autre État membre avant son arrivée dans l’État membre d’accueil pour bénéficier des dispositions de cette directive.

S’agissant des membres de la famille d’un citoyen de l’Union, aucune disposition de la directive 2004/38 ne subordonne l’application de cette dernière à la condition qu’ils aient au préalable séjourné dans un État membre. En effet, aux termes de son article 3, paragraphe 1, la directive 2004/38 s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2, de cette directive, qui l’accompagnent ou le rejoignent dans cet État membre. Or, la définition des membres de la famille qui figure à l’article 2, point 2, de la directive 2004/38 n’établit pas de distinction selon qu’ils ont ou non déjà séjourné légalement dans un autre État membre.

En outre, les articles 5, 6, paragraphe 2, et 7, paragraphe 2, de la même directive accordent le bénéfice des droits d’entrée, de séjour jusqu’à trois mois et de séjour de plus de trois mois dans l’État membre d’accueil aux ressortissants de pays tiers, membres de la famille d’un citoyen de l’Union qu’ils accompagnent ou rejoignent dans cet État membre, sans faire référence au lieu ou aux conditions de séjour qui étaient les leurs avant d’arriver dans ledit État membre.

En particulier, l’article 5, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2004/38 dispose que les ressortissants de pays tiers, membres de la famille d’un citoyen de l’Union, sont soumis à l’obligation de visa d’entrée, à moins qu’ils ne soient en possession de la carte de séjour en cours de validité visée à l’article 10 de la même directive. Dans la mesure où, ainsi qu’il ressort des articles 9, paragraphe 1, et 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38, la carte de séjour est le document qui constate le droit de séjour de plus de trois mois dans un État membre des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre, la circonstance que ledit article 5, paragraphe 2, prévoit l’entrée dans l’État membre d’accueil de membres de la famille d’un citoyen de l’Union dépourvus de carte de séjour met en évidence que la directive 2004/38 est également susceptible de s’appliquer aux membres de la famille qui ne séjournaient pas déjà légalement dans un autre État membre.

De même, l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2004/38, qui énumère limitativement les documents que les ressortissants de pays tiers, membres de la famille d’un citoyen de l’Union, peuvent être amenés à fournir à l’État membre d’accueil afin d’obtenir la délivrance d’une carte de séjour, ne prévoit pas la possibilité pour l’État membre d’accueil de réclamer des documents justifiant d’un éventuel séjour légal préalable dans un autre État membre.

(cf. points 49-53, 70, 80, disp. 1)

2. Contrairement à ce qui a été jugé par la Cour dans son arrêt du 23 septembre 2003, Akrich (C-109/01, Rec. p. I-9607), il ne saurait être exigé que, pour pouvoir bénéficier des droits prévus à l'article 10 du règlement nº 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, le ressortissant d'un pays tiers, conjoint d'un citoyen de l'Union, doive légalement séjourner dans un État membre lorsque son déplacement a lieu vers un autre État membre dans lequel le citoyen de l'Union migre ou a migré.

En effet, le bénéfice de tels droits ne saurait dépendre d'un séjour légal préalable d'un tel conjoint dans un autre État membre.

(cf. points 53-54, 58, disp. 1)

3. Le législateur communautaire est compétent pour réglementer, comme il l’a fait par la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221, 68/360, 72/194, 73/148, 75/34, 75/35, 90/364, 90/365 et 93/96, l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers, membres de la famille d’un citoyen de l’Union, dans l’État membre dans lequel ce dernier a exercé son droit de libre circulation, y compris lorsque les membres de la famille ne séjournaient pas déjà légalement dans un autre État membre.

En effet, dans le cadre de la compétence qui lui est reconnue par les articles 18, paragraphe 2, CE, 40 CE, 44 CE et 52 CE - sur le fondement desquels la directive 2004/38 a notamment été adoptée - le législateur communautaire peut régler les conditions d’entrée et de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union sur le territoire des États membres lorsque l’impossibilité pour le citoyen de l’Union d’être accompagné de sa famille ou rejoint par elle dans l’État membre d’accueil serait de nature à porter atteinte à sa liberté de circulation en le dissuadant d’exercer ses droits d’entrée et de séjour dans cet État membre.

Or, le refus de l’État membre d’accueil d’accorder des droits d’entrée et de séjour aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union est de nature à dissuader ce dernier de se déplacer ou de demeurer dans cet État membre, même si les membres de sa famille ne séjournent pas déjà légalement sur le territoire d’un autre État membre.

Dès lors, l’analyse selon laquelle les États membres resteraient exclusivement compétents, sous réserve du titre IV de la troisième partie du traité, pour réglementer le premier accès au territoire communautaire des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui sont ressortissants de pays tiers, doit être écartée.

Au demeurant, reconnaître aux États membres une compétence exclusive pour accorder ou refuser l’entrée et le séjour sur leur territoire aux ressortissants de pays tiers, membres de la famille de citoyens de l’Union, qui n’ont pas déjà séjourné légalement dans un autre État membre, aurait pour effet que la liberté de circulation des citoyens de l’Union dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité varierait d’un État membre à l’autre, en fonction des dispositions de droit national en matière d’immigration, certains États membres autorisant l’entrée et le séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union, d’autres États membres les refusant.

Un tel résultat serait inconciliable avec l’objectif, visé à l’article 3, paragraphe 1, sous c), CE, d’un marché intérieur caractérisé par l’abolition entre États membres des obstacles à la libre circulation des personnes. L’établissement d’un marché intérieur implique que les conditions d’entrée et de séjour d’un citoyen de l’Union dans un État membre dont il n’a pas la nationalité soient les mêmes dans tous les États membres. Partant, la liberté de circulation des citoyens de l’Union doit être interprétée comme le droit de quitter n’importe quel État membre, et notamment l’État membre dont le citoyen de l’Union a la nationalité, pour s’établir, sous les mêmes conditions, dans n’importe quel État membre, autre que l’État membre dont le citoyen de l’Union a la nationalité.

(cf. points 63-68)

4. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221, 68/360, 72/194, 73/148, 75/34, 75/35, 90/364, 90/365 et 93/96, disposant que cette directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2, de ladite directive, qui l’accompagnent ou le rejoignent, doit être interprété en ce sens que le ressortissant d’un pays tiers, conjoint d’un citoyen...

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