Susanne Lewen v Lothar Denda.

JurisdictionEuropean Union
Date04 March 1999
CourtCourt of Justice (European Union)
EUR-Lex - 61997C0333 - FR 61997C0333

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 4 mars 1999. - Susanne Lewen contre Lothar Denda. - Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Gelsenkirchen - Allemagne. - Egalité de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Droit à une prime de Noël - Congé parental et congé de maternité. - Affaire C-333/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-07243


Conclusions de l'avocat général

1 L'Arbeitsgericht Gelsenkirchen (Allemagne) a posé à la Cour, conformément à l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles visant à l'interprétation de l'article 119 du traité CE, de l'article 11, point 2, de la directive 92/85/CEE (1) et de la clause 2, paragraphe 6, de l'accord-cadre sur le congé parental, mis en oeuvre par la directive 96/34/CE (2), celle-ci n'ayant pas encore été transposée dans le droit interne à la date de l'ordonnance de renvoi.

I- Les faits du litige au principal

2 Ces questions d'interprétation du droit communautaire ont été soulevées dans le cadre du litige pendant devant cette juridiction entre Mme Lewen, demanderesse, et son employeur, M. Denda, propriétaire de l'entreprise Denda Zahntechnik, de Gelsenkirchen, défendeur. La salariée réclame le paiement d'une prime de Noël pour 1996, d'un montant de 5 500 DM, que le défendeur refuse d'exécuter au motif - semble-t-il - que, au cours de cette année, elle a bénéficié d'un congé de maternité et que, à la date de versement de cette prime, elle était en congé parental pour s'occuper de sa fille.

3 Mme Lewen a travaillé, du 1er octobre 1990 au 6 septembre 1996, comme technicienne dentaire au service du défendeur, lequel emploie également des travailleurs masculins; son salaire mensuel brut est de 5 500 DM à raison de 39,25 heures hebdomadaires de travail.

En 1995, la demanderesse s'est trouvée enceinte. En 1996, elle a occupé son poste du 1er janvier jusqu'à la mi-avril environ. Elle a ensuite pris un mois de congé. Le 16 mai a débuté son congé de maternité, qui s'est terminé le 6 septembre. Depuis le 7 septembre, elle bénéficie d'un congé parental devant durer jusqu'à ce que sa fille, née le 12 juillet 1996, atteigne l'âge de trois ans; pendant cette période, elle reçoit l'«allocation d'éducation» versée par l'État, dont le montant varie en fonction des revenus (3).

4 Selon les indications fournies par la juridiction nationale dans son ordonnance de renvoi, le défendeur avait accordé à tous ses salariés, le 1er décembre des années antérieures, une prime de Noël représentant un mois de salaire. Pour pouvoir recevoir cette prime, les salariés devaient signer une déclaration par laquelle ils manifestaient leur accord sur les conditions auxquelles elle était versée. Cette déclaration énonçait que la prime constituait une prestation sociale unique, volontaire et révocable à tout moment, limitée aux fêtes de Noël de l'année en question et dont le versement ne créait aucun droit pour l'avenir, ni sur son principe, ni sur son montant, pas plus que sur les modalités de paiement ou le mode de calcul de la prime. Celle-ci était octroyée chaque année sous la réserve expresse que le travailleur ne mettrait pas un terme à sa relation de travail avec l'entreprise et ne se trouverait pas dans l'une des situations permettant la résiliation de la relation de travail par l'entreprise sans préavis, avant le 1er juillet de l'année suivante. Dans chacune de ces hypothèses, ainsi qu'en cas de violation du contrat, le travailleur devait rembourser intégralement cette prime lors de son départ. Il ne ressort pas de cette déclaration que la prime devait être remboursée également en cas de suspension du contrat de travail avant la date en question, par exemple parce que le travailleur avait entamé son service militaire ou demandé un congé parental.

5 Sur la base de cette déclaration, l'employeur a refusé à la demanderesse, comme à deux autres travailleuses se trouvant en congé parental en décembre 1996 - dont les données ne figurent pas au dossier et qui ne sont pas parties au litige au principal -, le paiement de la prime pour l'année 1996, sans l'avoir annoncé en 1995.

II - Les questions préjudicielles

6 Afin de trancher ce litige, l'Arbeitsgericht Gelsenkirchen a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Une prime versée à l'occasion des fêtes de Noël constitue-t-elle une rémunération, au sens de l'article 119 du traité CE ou au sens de l'article 11, point 2, sous b), de la directive 92/85/CEE, du travail accompli au cours de l'année d'octroi de la prime, même si cette prime est versée par l'employeur principalement ou exclusivement comme un encouragement pour le travail futur et/ou pour la fidélité à l'entreprise? Doit-on au moins reconnaître ce caractère de rémunération à la prime lorsque l'employeur n'a pas annoncé, avant le début de l'année d'octroi de la prime, qu'il entendait, à l'occasion des fêtes de Noël de l'année suivante, viser exclusivement le travail futur, en d'autres termes, exclure de cette prestation les travailleurs dont le contrat était suspendu à la date du versement de cette prime et au-delà de cette date?

2) Le fait pour un employeur d'exclure intégralement du bénéfice de la prime les femmes qui, au moment du versement de cette prime, se trouvent en congé d'éducation, sans tenir compte du travail accompli au cours de l'année d'octroi de la prime ni des délais correspondant à la protection de la mère (interdictions de travail), est-il contraire à l'article 119 du traité CE, à l'article 11, point 2, de la directive 92/85 et à la clause 2, point 6, de l'annexe à la directive 96/34/CE (qui doit encore être mise en oeuvre)?

3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question,

Est-il contraire à l'article 119 du traité CE, à l'article 11, point 2, sous b), de la directive 92/85/CEE et à la clause 2, point 6, de l'annexe à la directive 96/34/CE que l'employeur, lors de l'octroi d'une prime de Noël à une femme qui se trouve en congé d'éducation, tienne compte, de façon à réduire proportionnellement la prestation, des périodes suivantes:

- périodes de congé d'éducation;

- périodes de protection de la mère (interdictions de travail)?»

III - La législation communautaire

7 L'article 119 du traité consacre le principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins pour un même travail. Les deuxième et troisième alinéas de cet article disposent:

«Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique:

a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure,

b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail.»

8 L'article 11 de la directive 92/85 dispose, en vue de garantir aux travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes l'exercice des droits de protection de leur sécurité et de leur santé:

«...

2) dans le cas visé à l'article 8 [qui accorde aux travailleuses un congé de maternité d'au moins quatorze semaines, dont deux obligatoires], doivent être assurés:

a) les droits liés au contrat de travail des travailleuses ... autres que ceux visés au point b);

b) le maintien d'une rémunération et/ou le bénéfice d'une prestation adéquate...».

9 L'accord-cadre sur le congé parental a été déclaré applicable aux États membres, à l'exception du Royaume-Uni, par la directive 96/34, adoptée le 3 juin 1996 sur la base de l'article 4, paragraphe 2, de l'accord sur la politique sociale (4), qui permet aux partenaires sociaux de demander conjointement que les accords au niveau communautaire soient mis en oeuvre par une décision du Conseil sur proposition de la Commission. Le délai de transposition du contenu de l'accord-cadre sur le congé parental dans le droit interne a expiré le 3 juin 1998. La clause 2, paragraphe 6, de l'accord-cadre, dont l'interprétation est demandée par la juridiction nationale, dispose ce qui suit:

«Les droits acquis ou en cours d'acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu'à la fin du congé parental. A l'issue du congé parental, ces droits, y compris les changements provenant de la législation, de conventions collectives ou de la pratique nationale, s'appliquent.»

Cette directive a été modifiée et étendue au Royaume-Uni par la directive 97/75/CE (5), qui impartit à cet État membre, pour l'adaptation de son droit interne, un délai qui expirera le 15 décembre 1999.

IV - Les observations présentées dans le cadre de la procédure préjudicielle

10 Des observations écrites ont été présentées, dans le délai imparti à cet effet par l'article 20 du statut CE de la Cour de justice, par la demanderesse et le défendeur au principal, les gouvernements allemand et du Royaume-Uni et la Commission.

Lors de l'audience, qui s'est tenue le 28 janvier 1999, des observations orales ont été présentées par les représentants de la demanderesse et du défendeur au principal, du gouvernement allemand, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission.

11 La demanderesse estime que la prime de Noël qu'elle réclame fait partie de la rémunération au sens de l'article 119 du traité, même si l'employeur l'accorde comme un encouragement pour le travail futur et pour la fidélité à l'entreprise, et ce sans aucun égard au fait qu'elle est versée en vertu d'une déclaration de volonté unilatérale de l'employeur, celui-ci n'y étant tenu ni par la loi ni par le contrat de travail. Ce qui est déterminant, c'est qu'il s'agit d'une prestation financière versée dans le cadre de la relation de...

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