Dumitru-Tudor Dorobantu v Generalstaatsanwaltschaft Hamburg.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date15 October 2019
62018CJ0128

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 octobre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Motifs de refus d’exécution – Article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Interdiction des traitements inhumains ou dégradants – Conditions de détention dans l’État membre d’émission – Appréciation par l’autorité judiciaire d’exécution – Critères »

Dans l’affaire C‑128/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hanseatisches Oberlandesgericht Hamburg (tribunal régional supérieur de Hambourg, Allemagne), par décision du 8 février 2018, parvenue à la Cour le 16 février 2018, dans la procédure relative à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis à l’encontre de

Dumitru-Tudor Dorobantu

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, E. Regan, M. Safjan (rapporteur) et P. G. Xuereb, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, J. Malenovský, L. Bay Larsen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos et N. Piçarra, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 février 2019,

considérant les observations présentées :

pour M. Dorobantu, par Mes G. Strate, J. Rauwald et O.-S. Lucke, Rechtsanwälte,

pour la Generalstaatsanwaltschaft Hamburg, par M. G. Janson et Mme B. von Laffert, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, initialement par MM. T. Henze et M. Hellmann ainsi que par Mme A. Berg, puis par M. M. Hellmann et Mme A. Berg, en qualité d’agents,

pour le gouvernement belge, par Mmes C. Van Lul et A. Honhon ainsi que par M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

pour le gouvernement danois, par M. J. Nymann-Lindegren et Mme M. S. Wolff, en qualité d’agents,

pour l’Irlande, par Mme G. Hodge et M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de Mme G. Mullan, BL,

pour le gouvernement espagnol, par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. S. Fiorentino et S. Faraci, avvocati dello Stato,

pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér, G. Koós et G. Tornyai ainsi que par Mme M. M. Tátrai, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour le gouvernement roumain, par M. C.-R. Canţăr ainsi que par Mmes C.-M. Florescu, A. Wellman et O.-C. Ichim, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid et M. R. Troosters, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 avril 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution, en Allemagne, d’un mandat d’arrêt européen émis, le 12 août 2016, par la Judecătoria Medgidia (tribunal de première instance de Medgidia, Roumanie) à l’encontre de M. Dumitru-Tudor Dorobantu, aux fins de l’exercice de poursuites pénales en Roumanie.

Le cadre juridique

La CEDH

3

Sous l’intitulé « Interdiction de la torture », l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), dispose :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Le droit de l’Union

La Charte

4

L’article 4 de la Charte, intitulé « Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants », énonce :

« Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

5

Les explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17, ci-après les « explications relatives à la Charte ») précisent, en ce qui concerne l’article 4 de la Charte, que « [l]e droit figurant à [cet article] correspond à celui qui est garanti par l’article 3 de la CEDH, dont le libellé est identique » et que, « [e]n application de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, il a donc le même sens et la même portée que ce dernier article ».

6

L’article 52 de la Charte, intitulé « Portée et interprétation des droits et des principes », prévoit, à son paragraphe 3 :

« Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue. »

7

Les explications relatives à la Charte précisent, en ce qui concerne l’article 52, paragraphe 3, de celle-ci, que « [l]a référence à la CEDH vise à la fois la Convention et ses protocoles », que « [l]e sens et la portée des droits garantis sont déterminés non seulement par le texte de ces instruments, mais aussi par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et par la Cour de justice de l’Union européenne », que « [l]a dernière phrase du paragraphe vise à permettre à l’Union [européenne] d’assurer une protection plus étendue » et que, « [e]n tout état de cause, le niveau de protection offert par la Charte ne peut jamais être inférieur à celui qui est garanti par la CEDH ».

8

Aux termes de l’article 53 de la Charte, intitulé « Niveau de protection » :

« Aucune disposition de la présente Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit de l’Union, le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties l’Union, ou tous les États membres, et notamment la [CEDH], ainsi que par les constitutions des États membres. »

La décision-cadre 2002/584

9

L’article 1er de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », prévoit :

« 1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE]. »

10

Les articles 3, 4 et 4 bis de la décision-cadre 2002/584 énoncent les motifs de non‑exécution obligatoire et facultative du mandat d’arrêt européen.

11

L’article 5 de la décision-cadre 2002/584 énonce les garanties à fournir par l’État membre d’émission dans des cas particuliers.

12

Aux termes de l’article 6 de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Détermination des autorités judiciaires compétentes » :

« 1. L’autorité judiciaire d’émission est l’autorité judiciaire de l’État membre d’émission qui est compétente pour délivrer un mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

2. L’autorité judiciaire d’exécution est l’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution qui est compétente pour exécuter le mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

[...] »

13

L’article 7 de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Recours à l’autorité centrale », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Chaque État membre peut désigner une autorité centrale ou, lorsque son ordre juridique le prévoit, plusieurs autorités centrales, pour assister les autorités judiciaires compétentes. »

14

L’article 15 de la décision-cadre 2002/584, intitulé « Décision sur la remise », dispose :

« 1. L’autorité judiciaire d’exécution décide, dans les délais et aux conditions définis dans la présente décision-cadre, la remise de la personne.

2. Si l’autorité judiciaire d’exécution estime que les informations communiquées par l’État membre d’émission sont insuffisantes pour lui permettre de décider la remise, elle demande la fourniture d’urgence des informations complémentaires nécessaires, en particulier en relation avec les articles 3 à 5 et 8, et peut fixer une date limite pour leur réception, en tenant compte de la nécessité de respecter les délais fixés à l’article 17.

3. L’autorité judiciaire d’émission peut, à tout moment, transmettre toutes les informations additionnelles utiles à l’autorité judiciaire d’exécution. »

15

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