Bank Melli Iran v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
Date16 November 2011
CourtCourt of Justice (European Union)

Affaire C-548/09 P

Bank Melli Iran

contre

Conseil de l'Union européenne

«Pourvoi — Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire — Gel des fonds d’une banque — Défaut de notification de la décision — Base juridique — Droits de la défense»

Sommaire de l'arrêt

1. Droit de l'Union — Principes — Droits de la défense — Droit à une protection juridictionnelle effective — Mesures restrictives à l'encontre de l'Iran

(Art. 254, § 1 et 2, CE; règlement du Conseil nº 423/2007, art. 7, § 2, et 15, § 3)

2. Actes des institutions — Choix de la base juridique — Règlement concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran

(Art. 60 CE, 301 CE et 308 CE; position commune du Conseil 2007/140; règlement du Conseil nº 423/2007)

3. Droit international public — Charte des Nations unies — Résolutions du Conseil de sécurité adoptées au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies — Obligation pour l'Union d'exercer ses compétences dans le cadre du respect de celles-ci — Limites

(Règlement du Conseil nº 423/2007, art. 7, § 2)

1. Le principe de protection juridictionnelle effective implique que l’autorité de l’Union qui adopte un acte entraînant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité communique les motifs sur lesquels cet acte est fondé, dans toute la mesure du possible, soit au moment où cet acte est adopté, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’il l’a été, afin de permettre à ces personnes ou entités l’exercice de leur droit de recours.

C’est en vue du respect de ce principe que l’article 15, paragraphe 3, du règlement nº 423/2007, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, impose au Conseil de donner les raisons individuelles et spécifiques pour les décisions prises conformément à l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement et de les porter à la connaissance des personnes, des entités et des organismes concernés. En effet, le gel des fonds a des conséquences considérables pour les entités concernées, dès lors qu’il est susceptible de restreindre l’exercice de leurs droits fondamentaux. Bien que le règlement nº 423/2007 ne prévoie pas la forme selon laquelle ces raisons sont «portées à la connaissance» des personnes, des entités et des organismes concernés, une publication au Journal officiel de l’Union européenne n'est pas suffisante. En effet, si la communication des raisons individuelles et spécifiques pouvait être considérée comme effectuée par la publication de la décision au Journal officiel, l’intérêt de prévoir explicitement cette communication, ainsi que le fait ledit article 15, paragraphe 3, ne saurait être perçu, dès lors que la décision de gel de fonds doit en tout état de cause être publiée, conformément à l’article 254, paragraphes 1 et 2, CE, compte tenu de sa nature réglementaire. Il s’ensuit que c’est par une communication individuelle que le Conseil doit s’acquitter de l’obligation prévue par cette disposition qui lui incombe.

Toutefois, si une communication individuelle est en principe nécessaire, aucune forme précise n’est requise par l’article 15, paragraphe 3, du règlement nº 423/2007, qui ne mentionne que l’obligation de «porter à la connaissance». Il importe qu’un effet utile soit donné à cette disposition, à savoir une protection juridictionnelle effective des personnes et entités concernées par des mesures restrictives adoptées en application de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement. Tel est le cas lorsque la communication n'a pas été effectuée par le Conseil, mais qu'une information suffisante a été transmise au destinataire par une autorité bancaire nationale et que le destinataire a été en mesure d'introduire un recours, l'absence de communication par le Conseil n’ayant pas eu pour conséquence de priver ce destinataire de la possibilité de connaître, en temps utile, la motivation de la décision litigieuse et d’apprécier le bien-fondé de la mesure de gel des fonds adoptée à son égard.

(cf. points 47-52, 55-56)

2. Selon son intitulé, le règlement nº 423/2007 concerne l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République islamique d’Iran. Il ressort des considérants et de l’ensemble des dispositions de ce règlement que celui-ci a pour objet d’empêcher ou de freiner la politique adoptée par cet État en matière nucléaire, compte tenu du risque qu’elle présente, par des mesures restrictives en matière économique. Ainsi, ce sont bien les risques propres au programme iranien de prolifération nucléaire qui sont combattus et non pas l’activité générale de prolifération nucléaire.

Le but et le contenu de l’acte en question étant clairement l’adoption de mesures économiques visant la République islamique d’Iran, le recours à l’article 308 CE n’était pas nécessaire, l’article 301 CE constituant une base juridique suffisante en ce qu’il permet une action de la Communauté visant à interrompre ou à réduire, en tout ou en partie, les relations économiques avec un ou plusieurs pays tiers, cette action étant susceptible d’englober des mesures de gel de fonds d’entités, telle une banque, qui sont associées au régime du pays tiers concerné.

Quant à la nécessité d’inclure la position commune 2007/140 parmi les bases juridiques, elle est contredite par le texte même de l’article 301 CE, qui prévoit la possibilité d’adopter des mesures communautaires lorsqu’une position commune ou une action commune adoptées en vertu des dispositions du traité UE, dans sa version antérieure au traité de Lisbonne, relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) prévoient une action de la Communauté. Ce texte indique que la position commune ou l’action commune doivent exister pour que des mesures communautaires puissent être adoptées, mais non que ces mesures doivent être fondées sur cette position commune ou cette action commune.

En tout état de cause, une position commune ne saurait constituer la base juridique d’un acte communautaire. En effet, les positions communes du Conseil en matière de PESC, telles les positions communes 2007/140 et 2008/479, sont adoptées dans le cadre dudit traité UE, conformément à l’article 15 de celui-ci, tandis que les règlements du Conseil, tels que le règlement nº 423/2007, sont adoptés dans le cadre du traité CE. Le Conseil ne pouvait donc adopter un acte communautaire qu’en se fondant sur des compétences qui lui étaient conférées par le traité CE, soit en l'espèce les articles 60 CE et 301 CE.

(cf. points 68-72)

3. Les résolutions du Conseil de sécurité, d’une part, et les positions communes du Conseil ainsi que les règlements de ce dernier, d’autre part, relèvent d’ordres juridiques distincts. De même, les actes adoptés dans le cadre, d’une part, des Nations unies et, d’autre part, de l’Union le sont par des organes qui disposent de pouvoirs autonomes, qui leur sont attribués par leurs chartes de base que sont les traités qui les ont créées.

Lors de l’élaboration de mesures communautaires ayant pour objet la mise en œuvre d’une résolution du Conseil de sécurité visée par une position commune, la Communauté doit tenir dûment compte des termes et des objectifs de la résolution concernée. De même, il y a lieu de tenir compte du texte et de l’objet d’une résolution du Conseil de sécurité pour l’interprétation du règlement qui vise à mettre celle-ci en œuvre. Cependant, sans pour autant que cela remette en cause la primauté d’une résolution du Conseil de sécurité au plan international, le respect s’imposant aux institutions communautaires à l’égard des institutions des Nations unies ne peut avoir pour conséquence l’absence de contrôle de la légalité de l’acte communautaire au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire.

Ainsi, le pouvoir conféré au Conseil par l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 423/2007, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, est un pouvoir autonome. À cet égard, une obligation de «tenir dûment compte» des termes et des objectifs de la résolution concernée ne va en rien à l’encontre de la constatation que le Conseil statue de manière autonome, dans le respect des règles de son propre ordre juridique.

(cf. points 100, 102-106)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

16 novembre 2011 (*)

«Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds d’une banque – Défaut de notification de la décision – Base juridique – Droits de la défense»

Dans l’affaire C‑548/09 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 décembre 2009,

Bank Melli Iran, établie à Téhéran (Iran), représentée par Me L. Defalque, avocat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et R. Szostak, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

République française, représentée par Mme E. Belliard, ainsi que par MM. G. de Bergues, L. Butel et E. Ranaivoson, en qualité d’agents,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M. S. Hathaway, en qualité d’agent, assisté de M. D. Beard, barrister,

Commission européenne, représentée par Mme S. Boelaert et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, Mme A. Prechal, présidents de chambre, M. A. Rosas (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, E. Juhász, D. Šváby, Mme M. Berger et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme R...

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