PARKING d.o.o. v SAWAL d.o.o.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:351
Date07 May 2020
Docket NumberC-267/19
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Celex Number62019CJ0267
CourtCourt of Justice (European Union)
62019CJ0267

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

7 mai 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 1215/2012 – Coopération judiciaire en matière civile – Notaires agissant dans le cadre des procédures d’exécution forcée sur le fondement d’un document faisant foi – Procédure non contradictoire – Principe de non-discrimination – Article 18 TFUE – Droit à un procès équitable – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

Dans les affaires jointes C‑267/19 et C‑323/19,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Trgovački sud u Zagrebu (tribunal de commerce de Zagreb, Croatie), par décisions du 20 mars 2019 (C‑267/19) et du 8 avril 2019 (C‑323/19), parvenues à la Cour, respectivement, les 28 mars et 18 avril 2019, dans les procédures

Parking d.o.o.

contre

Sawal d.o.o. (C‑267/19),

et

Interplastics s. r. o.

contre

Letifico d.o.o. (C‑323/19),

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, Mme C. Toader (rapporteure) et M. N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour PARKING d.o.o., par M. M. Kuzmanović, odvjetnik,

pour Interplastics s.r.o., par M. M. Praljak, odvjetnik,

pour le gouvernement croate, par Mme G. Vidović Mesarek, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. M. Wilderspin et M. Mataija, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger les affaires sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), de l’article 18 TFUE, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), ainsi que des arrêts du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199), et Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, Parking d.o.o. à Sawal d.o.o. et, d’autre part, Interplastics s. r. o. à Letifico d.o.o., au sujet de demandes de recouvrement de créances impayées.

Le cadre juridique

La CEDH

3

L’article 6 de la CEDH, intitulé « Droit à un procès équitable », énonce, à son paragraphe 1 :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. [...] »

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 805/2004

4

L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO 2004, L 143, p. 15), prévoit :

« Le présent règlement s’applique aux décisions, transactions judiciaires et actes authentiques portant sur des créances incontestées.

Une créance est réputée incontestée :

a)

si le débiteur l’a expressément reconnue en l’acceptant ou en recourant à une transaction qui a été approuvée par une juridiction ou conclue devant une juridiction au cours d’une procédure judiciaire ; ou

b)

si le débiteur ne s’y est jamais opposé, conformément aux règles de procédure de l’État membre d’origine, au cours de la procédure judiciaire ; ou

c)

si le débiteur n’a pas comparu ou ne s’est pas fait représenter lors d’une audience relative à cette créance après l’avoir initialement contestée au cours de la procédure judiciaire, pour autant que sa conduite soit assimilable à une reconnaissance tacite de la créance ou des faits invoqués par le créancier en vertu du droit de l’État membre d’origine ; ou

d)

si le débiteur l’a expressément reconnue dans un acte authentique. »

Le règlement (UE) no 1215/2012

5

Les considérants 4 et 10 du règlement no 1215/2012 énoncent :

« (4)

Certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur. Des dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de garantir la reconnaissance et l’exécution rapides et simples des décisions rendues dans un État membre sont indispensables.

[...]

(10)

Il est important d’inclure dans le champ d’application matériel du présent règlement l’essentiel de la matière civile et commerciale, à l’exception de certaines matières bien définies [...] »

6

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement :

« Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). »

7

À l’article 2, sous a), dudit règlement, la notion de « décision » est définie comme étant « toute décision rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée telle qu’arrêt, jugement, ordonnance ou mandat d’exécution, ainsi qu’une décision concernant la fixation par le greffier du montant des frais du procès ».

8

L’article 3 du même règlement dispose :

« Aux fins du présent règlement, le terme “juridiction” comprend les autorités suivantes, dans la mesure où elles sont compétentes pour connaître des matières entrant dans le champ d’application du présent règlement :

a)

en Hongrie, dans les procédures sommaires concernant les injonctions de payer (fizetési meghagyásos eljárás), le notaire (közjegyzö) ;

b)

en Suède, dans les procédures sommaires concernant les injonctions de payer (betalningsföreläggande) et l’assistance (handräckning), l’autorité chargée du recouvrement forcé (Kronofogdemyndigheten). »

Le droit croate

La loi sur l’exécution forcée

9

L’article 1er de l’Ovršni zakon (loi sur l’exécution forcée, Narodne novine, br. 112/12, 25/13, 93/14, 55/16 et 73/17), habilite les notaires à réaliser le recouvrement forcé de créances sur le fondement d’un « document faisant foi », en délivrant une ordonnance d’exécution qui vaut titre exécutoire, sans l’accord exprès du défendeur.

10

En vertu de l’article 57, paragraphe 1, de la loi sur l’exécution forcée, le défendeur à l’exécution peut former opposition contre les ordonnances d’exécution rendues sur le fondement d’un document faisant foi dans un délai de huit jours et, dans les litiges concernant les lettres de change et les chèques, dans un délai de trois jours, sauf s’il conteste uniquement la décision relative aux frais de la procédure.

11

L’article 58, paragraphe 3, de cette loi prévoit :

« Lorsque l’ordonnance d’exécution est contestée dans son intégralité ou seulement dans la partie ordonnant au défendeur à l’exécution de payer la créance, le tribunal saisi de l’opposition infirmera l’ordonnance d’exécution dans la partie ordonnant l’exécution et annulera les mesures prises, la procédure se poursuivant selon les règles applicables en cas d’opposition à une injonction de payer, et, s’il n’était pas territorialement compétent pour agir ainsi, il saisira le tribunal compétent de l’affaire. »

Le code de procédure civile

12

L’article 446 du Zakon o parničnom postupku (code de procédure civile, Narodne novine, br. 53/91, 91/92, 112/99, 117/03, 84/08, 123/08, 57/11, 148/11, 25/13, 70/19), portant sur l’injonction de payer, est ainsi libellé :

« Lorsque la demande exposée dans la requête porte sur une créance de sommes d’argent exigible et que cette créance est établie par un document faisant foi joint à l’original de la requête ou d’une copie certifiée conforme de celle–ci, le tribunal délivre à la partie défenderesse une injonction de satisfaire ladite demande [injonction de payer].

Dans la requête demandant la délivrance d’une injonction de payer, la partie requérante doit préciser les raisons qui l’ont amenée à demander sa délivrance plutôt qu’une ordonnance d’exécution forcée sur le fondement d’un document faisant foi. Si le tribunal estime que les raisons invoquées par la partie requérante ne justifient pas son intérêt à obtenir une injonction de payer, il rejette le recours comme étant irrecevable.

La partie requérante est réputée avoir un intérêt à la délivrance d’une injonction de payer lorsque la partie défenderesse est établie à l’étranger ou lorsqu’elle a préalablement contesté la créance contenue dans le document faisant foi.

Le tribunal délivre une injonction de payer lorsque la partie requérante n’a certes pas demandé une telle injonction dans la requête, mais qu’elle remplit toutes les conditions pour prononcer une injonction de payer. »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

L’affaire C‑267/19

13

Le 25 avril 2016, Parking, société établie en Croatie, a introduit auprès d’un notaire exerçant dans cet État membre une procédure d’exécution forcée contre...

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